La Muerte: « Soyez égoïstes, faites ce qui vous fait plaisir »

Didier Moens et Marc Du Marais de La Muerte, ici aux dernières Nuits Bota. © Lara Herbinia
Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

Tout l’été, on vous dévoile les secrets de fabrication des chansons d’une poignée de groupes belges dans une série d’interviews-fleuves. Quatrièmes à se prêter à l’exercice: les revenants de La Muerte, cultissime gang burné de la fin des 80’s dont le retour aux affaires a tout du miracle.

Bruxelles, en terrasse du bar de l’AB. Le rendez-vous est tactique: on est à quelques pas d’Elektrocution, ce disquaire métal tenu par Michel Kirby, qui n’est autre que le nouveau guitariste de La Muerte. Avant de filer en répétition avec son aîné Didier Moens, guitariste lui aussi et cofondateur du groupe, les deux musiciens s’assoient avec nous pour parler de l’acte de composition, du retour aux affaires après vingt ans d’absence, de l’angoisse de la page blanche ou encore de la nécessité d’injecter du sang frais pour ne pas devenir un énième come-back pathétique. Bonus Track, quatrième livraison et choc des générations, à une encablure de leur concert au Brussels Summer Festival, le 12 août prochain.

Comment vous êtes-vous remis à écrire? Ça a été difficile de relancer la machine?

Didier Moens: Je n’avais plus joué de guitare depuis pratiquement vingt ans. J’étais passé de l’autre côté: production, ingé son live… Je ne savais pas si j’avais cette discipline de rejouer. Ni la discipline de pouvoir recréer. Rejouer, c’est revenu assez rapidement, c’est comme le vélo. Composer, ça a aussi été assez naturel. Une fois qu’on a eu ce premier concert derrière le dos (en mars 2015 à l’AB, NdlR), on a commencé à avoir plus de temps pour nous, tout venait très naturellement. Il y a pas mal de trucs qu’on a jetés, d’autres qu’on a mis en standby parce qu’on a été un peu pris par le temps pour sortir ce EP (Murder Machine, NdlR). L’apport de Michel est assez intéressant, il comprend ce que je sais faire et ce que je ne sais pas faire. On part d’une mouture très classique musicalement, et on rend le truc « Muerte » après. On a retrouvé ce « truc » assez facilement aussi. J’avais peur de ne pas retrouver cette discipline.

Je n’avais plus jouu0026#xE9; de guitare depuis pratiquement vingt ans.

Les bases sont fort différentes des morceaux finis?

DM: La base y est, mais il y a cette espèce de couche de finition qui personnalise le truc et qui fait que c’est La Muerte et personne d’autre. Je considère que je ne suis pas un vrai guitariste, un virtuose: je fais mes trucs, je fais des sons.

Michel Kirby: Il y a une part, en répet, d’idées qui sont dans la tête et qu’on sait qu’on ne fera qu’en studio. Il y a un temps de recherche. Ça peut être une atmosphère, une idée… Didier est fort dans les sons à la Sonics, ce que je ne pensais jamais arriver à faire. Et sur une année, j’ai commencé à maîtriser certaines choses, à les comprendre. Je crois qu’il y a un vrai partage dans les guitares. Au studio, il y a des choses qui arrivent, qui ont dû prendre le temps…

Vous vous laissez beaucoup de marge avant le studio?

MK: Oui, on sait très bien que derrière le premier jet, il y aura encore beaucoup de travail. Entre chaque concert aussi. Le temps, c’est un peu l’ennemi. Dès qu’il y a un concert qui arrive, il faut le préparer. Quand tu sais que tu vas faire un Roadburn, un Graspop, il faut présenter quelque chose de sérieux.

Les morceaux viennent plutôt de l’un d’entre vous, ou ça se fait collégialement?

DM: Collégialement. Marc en général n’est pas là, parce que c’est moins stressant. On est à 3 ou à 4, il y a un jet d’idées… Moi, je n’ai pas vraiment conscience de faire de chouettes trucs. Je sors des riffs et parfois on me dit « ah mais ça, c’est génial! » Et puis chacun amène des choses. On a un batteur qui est très critique. Il ne fait pas que bêtement taper. Il est un peu spectateur du truc, il joue puis il va faire ses remarques. Ça permet d’avoir du recul. Tout est assez posé, on laisse mûrir les choses, surtout qu’on n’a pas encore eu l’occasion de tester ces nouveaux morceaux live. C’est un truc qu’on n’a pas l’habitude de faire. En live, t’arrives mieux à juger un morceau. Mais tout se passe assez naturellement, c’est gai.

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Comme ce sont des grosses dates, c’est effectivement plus délicat de tester les morceaux…

DM: Oui, ce n’est pas évident. Le set en lui-même, on a eu beaucoup de mal à le modifier. On était très contents du set de l’AB mais il a quand même fallu qu’on y ajoute des choses. C’est chaque fois un malheur de sucrer un morceau parce qu’on veut en ajouter un autre. Maintenant, tester les morceaux live, ce n’est vraiment pas possible parce qu’on était vraiment à la bourre. Le label voulait sortir le vinyle pour le Record Store Day, et l’usine avait besoin du matos pour mi-janvier s’il fallait le sortir en avril.

C’est devenu infernal, les délais de pressage…

DM: Il y a X semaines de délai, plus 10 jours de sécurité pour être sûr parce qu’il fallait vraiment l’avoir pour le jour du RSD.

Ce côté d’urgence, ça peut avoir un aspect positif, non?

DM: Ah oui, moi j’ai toujours aimé. Kustom Kar Kompetition, on n’en avait pas la moitié des morceaux quand on est entrés en studio. J’ai toujours aimé ce truc d’urgence. Experiment in Terror, on l’a enregistré et mixé entièrement deux fois. Joué, enregistré, mixé, tout effacé, tout recommencé à zéro.

Vous n’étiez pas contents?

DM: À l’époque, ça ne sonnait pas comme on voulait. On avait ce luxe de pouvoir le refaire, donc on l’a fait. Mais aujourd’hui, les compos, ça se passe bien.

Les morceaux ne viennent donc jamais de quelqu’un seul?

DM: Je n’ai jamais été du genre à jouer seul à la maison. Jamais, jamais, jamais de ma vie. C’est peut-être une erreur… En répet, j’arrive, je fais quelque chose et si on accroche dessus, c’est parti. Mais ça peut venir de Mich aussi… J’ai aussi des vues sur certains trucs: par exemple, j’ai parfois envie de commencer sur de la basse, donc je vais demander à Tino d’amener quelque chose. Que quelqu’un d’autre que nous deux soit le point de départ. La plupart du temps, c’est la basse qui se greffe sur nous, mais j’aimerais bien inverser la tendance de temps en temps.

Ça vous arrive d’entendre un morceau qui tue et vouloir vous en inspirer?

DM: Non, c’est plutôt l’inverse. On fait des morceaux et si on trouve que ça ressemble trop à autre chose, c’est poubelle.

MK: C’est plus sur l’atmosphère d’un morceau ou d’un album qu’on trouve des influences. Pas du copier-coller, mais prendre des idées dans l’atmosphère, dans un bridge, dans un break… La Muerte a une identité forte, on ne va pas aller piocher ailleurs. J’ai trop vu ça dans la scène metalcore dont je viens. Ça me rend fou d’entendre un groupe qui a un son, une passion, une énergie, et de voir derrière dix groupes qui veulent faire la même chose. On l’a vu avec Hatebreed: derrière, il y a eu dix copies de Hatebreed qui suivaient. Je ne comprends pas quel plaisir on peut avoir à faire ça. C’est triste que certains ne s’en rendent pas compte.

Si u0026#xE7;a ressemble trop u0026#xE0; autre chose, c’est poubelle.

Michel, venant du métal plus « traditionnel », comment t’es-tu greffé sur La Muerte?

MK: J’ai toujours aimé le côté très lourd. Quand Marc m’a proposé de rejoindre le groupe, j’ai écouté les morceaux, j’ai été très honnête et je lui ai dit que c’était très particulier de réussir à amener ces sons saturés, ces larsens contrôlés ou au contraire pas du tout… Comme Didier, je ne suis pas un virtuose, je ne suis pas à la recherche de la dernière pédale qui fait tel ou tel effet… La Muerte, c’est une bonne base de naturel dans les sons. Moi, je m’y retrouve dans la lourdeur. Eux-mêmes étaient déjà lourds à l’époque. Quand on réécoute les morceaux, ils étaient en avance sur leur temps. Aujourd’hui, il y a des groupes qui rêvent de sonner comme ça. Quand on nous a demandé de jouer au Roadburn Festival, que j’adore et qui est plutôt doom et indus, je savais que La Muerte conviendrait bien point de vue imagerie mais je me demandais ce qu’on ferait après 20 groupes de doom ultra lourd.

DM: Oui parce que nous, on ne détune pas (accorder la guitare plus bas comme c’est pratique courante dans le métal, NdlR). On est accordés tout à fait normalement.

MK: Je crois que ça leur faisait du bien aux oreilles. Ils ont retrouvé autant d’énergie et ça les a ramenés à une certaine réalité rock.

DM: Le batteur a eu beaucoup plus dur à s’adapter au début. Il jouait dans Length of Time, qui était très carré, technique et comptabilisé. Chez nous, il ne comprenait pas tout le temps qu’on n’était pas toujours avec des mesures bien binaires, des 16 et des 8. « Et vous changez où? » « Beh on change quand Marc aura fini… Je n’ai jamais compté de ma vie, on ne va pas commencer… » Il a fallu qu’il apprenne à comprendre comment on fonctionnait, comment on composait. Dans les groupes hard rock/métal classiques, c’est souvent très calculé, mais ce n’est pas du tout le cas chez nous. C’est plus des choses qui montent, etc. Et s’il faut parfois faire 5 mesures et pas 4, tant pis.

Je n’ai jamais comptu0026#xE9; de ma vie, on ne va pas commencer…

MK: En même temps on leur a aussi un peu appris à compter (rires)

Ça a été dans les deux sens…

DM: C’est vrai…

MK: C’est vrai que ça a été très difficile au début. Il y avait des changements à des moments inattendus. C’est la part d' »impro »…

DM: Climax, quoi.

MK: L’atmosphère monte, ils ont envie d’accélérer, ils accélèrent, ils freinent. C’est l’image de La Muerte. Mais on a essayé aussi d’un peu les dompter. Le fait que ça aille dans les deux sens, c’est aussi ce qui fait que ça fonctionne. Le groupe sonne vraiment ensemble. T’as pas l’impression d’avoir des gars du groupe d’origine avec des nouveaux.

Est-ce que d’un concert à l’autre, de l’album au concert, les morceaux bougent beaucoup?

DM: Les nouveaux ont pas mal mûri. On sent qu’on n’a pas eu l’occasion de les jouer live avant. On a doublé l’intro de Whack This Guy par exemple. Mais c’est peut-être sa place dans le set qui veut ça.

MK: Jusqu’ici, j’ai l’impression que je n’ai jamais fait deux fois le même concert. On n’est pas inscrits dans des automatismes. Il y a des groupes qui, sur trente concerts, feront trente fois le même set. Même si on joue deux fois les mêmes chansons, j’ai l’impression que ce n’est jamais la même chose.

Ça n’a pas un côté dangereux?

DM: C’est ça qui est gai, justement. C’est parfois un peu plus complexe, comme au Nuits Bota quand on a projeté des images en fond de scène. On ne voulait pas réellement synchroniser, mais les longueurs étaient impossibles à prédire exactement. Du coup, je ne sais pas si on va refaire ce truc de vidéos trop souvent, c’est très contraignant.

MK: Si tu n’as pas un gars derrière l’ordi pour contrôler les images, c’est compliqué.

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DM: La dernière fois que Nine Inch Nails est venu, j’étais avec notre éclairagiste, il voulait être derrière la table de lights. Les deux mecs étaient les bras croisés, ils ne font rien, ils regardent des écrans. Tout est synchronisé, il n’y a plus aucune part d’impro. C’est nickel évidemment. Il y a un travail énorme en amont, je ne juge pas, mais il n’y a plus rien de naturel. C’est un choix que je ne critique pas, mais c’est un truc irréalisable pour nous. On essaie de garder cette sauvagerie qui fait qu’on ne sait jamais combien de temps ça va durer. Si on est fatigués, on va jouer plus lentement, si on le sent, on va tirer plus longtemps…

MK: C’est impossible, de toute façon, avec notre chanteur.

DM: À l’époque où je tournais avec Vive la Fête, ils ont joué avec Placebo en Espagne. Il y avait un ProTools avec 24 pistes qui tournaient à côté, en plus du live. Chez nous, ce n’est pas possible.

Pour en revenir à Marc, quand s’intègre-t-il dans le processus de création?

DM: Relativement tard. Il a les morceaux, il est assez muet pendant un moment, on voit qu’il écoute, qu’il chante dans sa tête ou j’en sais rien. Je ne sais pas comment il fait, mais il ne dit rien. Là aussi, je me dis merde, le même doute pour lui que j’avais pour moi –« est-ce que j’ai encore cette discipline de pouvoir créer? » Est-ce qu’il va encore pouvoir écrire des textes, trouver des gimmicks? Il y a souvent quelque chose qui ressort dans pas mal de morceaux, des slogans plus que des refrains. J’avais peur qu’il ait perdu ça. Et tout d’un coup, il lâche un truc, comme dans Whack This Guy, le premier morceau du nouveau maxi. Il m’a scotché parce qu’il a amené un timbre de voix qu’il n’avait jamais apporté avant, cet espèce de high pitch. Il a toujours gueulé, mais pas comme ça.

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Du slogan, c’est clair qu’il y en a toujours. Balancer « Je suis le destructeur » avec autant d’aplomb, c’est assez génial…

DM: Ouais, il est criminel. Il est incroyable. Il trouve toujours le truc.

Le choix du français ou de l’anglais, il se fait comment?

DM: Le français est arrivé quand on tournait avec les Young Gods. Eux chantaient en français, Marc s’est dit « pourquoi pas moi ». C’est à la même période que les Young Gods se sont dit « on pourrait chanter en anglais »… Sur TV Sky, ils ont commencé à faire des trucs comme Gazoline Man en anglais, et c’est à la même période qu’on a écrit Prière, Couteau dans l’eau, des trucs comme ça. Par moment, j’ai l’impression qu’il se dit qu’il est plus souple en français, que c’est plus naturel. Mais je crois que si on avait tout fait en français, on n’aurait pas été très loin non plus. On n’aurait jamais été en Angleterre, dans le NME, chez John Peel… Quand on a commencé, l’Angleterre, c’était la Mecque. Notre bassiste de l’époque était basque, engagé, anti-Barcelone… Un vrai indépendantiste, quoi. Il ne comprenait pas qu’on ne chante pas dans notre langue. Je lui ai dit « attends, on fait du rock’n’roll… Si tu chantes des chansons tribales africaines, tu ne vas pas les chanter en flamand. Tu vas chanter du swahili. Tu ne vas pas faire du flamenco en japonais… » Pour moi, c’était logique.

Si on avait tout chantu0026#xE9; en franu0026#xE7;ais, on n’aurait pas u0026#xE9;tu0026#xE9; tru0026#xE8;s loin.

Quand vous écrivez, j’imagine que vous jetez des morceaux. Qu’est qui fait que vous en gardiez certains et en jetez d’autres?

DM: À l’époque d’Experiment in Terror, qui était un album de reprises sur papier, on avait 40 chansons. La moitié sont tombées directement à la trappe parce que c’étaient des mauvais choix, puis il y a une sélection naturelle qui s’est faite. Aujourd’hui, on a une autre manière de travailler. On a pas mal en stock mais on fera l’album qu’on fera. On ne va pas se contraindre à faire X minutes ou X morceaux. Si tu prends le dernier morceau du maxi, il fait 9 minutes sur un accord…

MK: À partir du moment où Marc arrive, comme le chant vient assez tard, on va directement savoir si on va être capables de clôturer un morceau ou pas. Et lui fait son choix aussi. « Sur ce morceau-là, je suis à l’aise, sur celui-là, je ne sais pas encore quoi faire… » À partir du moment où on est pris par le temps et qu’on bloque sur un morceau, on va le mettre sur le côté et on le reprendra peut-être.

DM: Il y a des choses qui sont en chantier depuis octobre dernier, qu’on va sans doute reprendre, mais comme on a dû aller à l’essentiel pour ce maxi, on s’est dit « autant en faire 3 convenables que 4 bâclées ». Cet été, on va être un peu plus relax. J’ai demandé qu’on ne joue plus l’année prochaine, pour faire les choses très différemment, s’isoler, travailler de 8h à 5h. Aussi pour tester un nouveau studio que je ne connais pas. Être sur place non-stop, ne pas avoir à travailler le set: parce que quand on répète pour les concerts, on va faire ça en premier et on n’aura plus envie de bosser les nouveaux morceaux.

Vous avez déjà des plans pour enregistrer ce nouveau matos?

DM: À mon avis, on va enregistrer avant la fin de l’année ou début de l’année prochaine, ça devrait sortir au printemps 2017. L’idée, c’est de passer à la vitesse supérieure. C’est assez cool, parce qu’on sait qu’on ne va pas non plus tirer dix ans, il n’y a pas de pression. Jusqu’à présent, on fait ce qu’on a envie de faire, tout arrive comme ça. J’aimerais bien garder ce truc-là, ne pas commencer à aller courir partout. À l’époque, c’est ce qui nous a usés. On a sorti trois albums en trois ans, le rythme, c’était album, tournée en Europe, composition, trois fois d’affilée. On a fait des tournées de six semaines non-stop, c’est usant. Et le label était toujours derrière.

On sait qu’on ne va pas non plus tirer dix ans, il n’y a pas de pression.

J’ai l’impression qu’aujourd’hui, la pression des labels n’est plus la même. S’il y a quatre ans entre deux disques, ce n’est pas très grave.

DM: Quatre ans, ça peut être très dangereux aussi. Les gens s’imaginent que tu bosses pendant les quatre ans. Mais là, j’ai envie que ça aille vite, on est dans une bonne dynamique.

MK: Après une année, tu as envie d’avoir quelque chose de nouveau pour toi, et de pouvoir proposer quelque chose de nouveau en concert. On ne va pas arriver les mains vides pour les nouvelles propositions.

DM: On n’est pas dans l’optique de presser le citron. On ne va pas jouer trois ans avec le même set de l’AB. Pour nous, c’était évident qu’il fallait qu’on sorte de nouveaux morceaux. C’est assez cool que des morceaux dont les plus récents datent de 1991 fonctionnent toujours. Mais quelque part, c’est gai de créer de nouvelles choses et de voir qu’elles fonctionnent aussi. Les réactions sont hyper positives là-dessus.

C’est bien de surprendre un peu le public…

MK: Oui, dans les années 70, les groupes testaient leurs morceaux en live. C’était nécessaire et c’est peut-être bien pour nous aussi.

Vous prévoyez de le faire avec les morceaux de l’album à venir?

DM: Peut-être indoor, oui. Au BSF, ça m’étonnerait parce que ce n’est pas trop le truc, mais peut-être dans les dates à venir. Il faut que l’ingé son sache un peu où on va, ne pas lui jeter un truc en pâture.

MK: Il y a quand même une phase d’enregistrement qui a lieu avant de jouer live. Le temps entre le travail studio et la fabrication du vinyle est tellement long maintenant qu’à un moment, on a envie de les tester.

Vous êtes loin du format single, mais est-ce que vous savez flairer à l’avance si un morceau va plaire ou non?

DM: L’ordre a été assez naturel pour le maxi. Mais on n’est pas un groupe à singles effectivement.

Mais il y a toujours l’un ou l’autre morceau, sur un album, qui ressort par rapport aux autres…

MK: Je suis le destructeur, pour un certain public, ce sera le single. Mais les radios ne joueront jamais un morceau comme Get Whipped qui fait 9 minutes. Mais le morceau est tout aussi hypnotique, entraînant même s’il est répétitif. Je crois que c’est le manager qui doit décider si c’est un single ou pas. Ou le label. Mais ça a joué des tours à certains groupes. Il y a beaucoup d’exemples de groupes qui ont composé vite une connerie pour faire plaisir au label ou au manager et qui ont été obligés de la jouer. Il y a des groupes qui deviennent fous comme ça. En métal, des groupes comme les Américains de Warrant qui ont écrit Cherry Pie, ils ont été obligés de le jouer en boucle alors qu’ils détestaient le morceau.

En même temps, il y a aussi des accidents heureux, comme ça a été le cas pour le Paranoid de Black Sabbath, par exemple.

DM: Ou Smoke on the Water aussi, qui était un bouche-trou.

J’ai toujours tendance u0026#xE0; dire qu’on u0026#xE9;tait un groupe d’u0026#xE9;gou0026#xEF;stes.

Est-ce que vous auriez des conseils à donner à des gamins qui se lancent dans la musique? Comment aborder l’écriture de morceaux? Ou le groupe tout court?

DM: C’est difficile parce que, sans prétention, je trouve qu’on est un groupe très à part. J’ai toujours tendance à dire qu’on était un groupe d’égoïstes. Quand on a commencé La Muerte, tous les potes qui jouaient dans des groupes me disaient « mais t’es en train de faire quoi? Merde! » Que des avis négatifs… Il faut d’abord croire en ce que tu fais. Pas nécessairement faire un truc parce que c’est à la mode. C’est le reproche que je pourrais faire au Humo’s Rock Rally. Si une année, c’est un groupe de grunge qui gagne, tu peux être sûr que deux ans plus tard, tu auras dix groupes de grunge qui se présentent. Alors qu’honnêtement, je crois que si on avait fait les présélections, on n’aurait même pas été pris. Personnellement, je suis assez anti-concours. C’est pas l’esprit. Déjà pour les films, c’est limite, mais pour la musique, je trouve ça pas possible. Éventuellement les tremplins.

MK: Soyez égoïstes, faites ce qui vous fait plaisir.

DM: Prenez du plaisir, oui. Que ce soit devant trente personnes ou à l’Ancienne Belgique, le plaisir est le même. J’ai sûrement pris autant de plaisir à faire le try-out avant l’AB avec 250 personnes, trois spots et des conditions « plus rock’n’roll que ça, tu meurs », et puis quelques jours après jouer à l’AB dans des conditions d’hyper luxe. J’ai toujours fonctionné comme ça: croire en ce que je faisais. C’est pour ça que j’ai arrêté, aussi. À la fin, je n’y croyais plus. Je continuais pour faire plaisir et ça n’allait pas. Les derniers mois, je me suis fait chier sur scène, aux répets. Je suis resté sur ce truc négatif et je pensais que j’allais rester à me faire chier, mais il a ce quelque chose qui est revenu. J’ai retrouvé les sensations que j’avais, le plaisir, pas de stress, toutes les conneries autour… Des fois, tu te dis que certains groupes se forment parce qu’ils veulent faire le Rock Rally et s’ils le perdent, six mois après, ils n’existent plus. Six mois avant, ils n’existaient pas non plus. Mauvaise base pour démarrer… Mais bon, on n’est peut-être pas l’exemple idéal non plus.

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C’est quoi le déclic qui a fait que tu as bien voulu recommencer le projet alors que tu en avais ras le bol?

DM: Marc avait fait une promesse pour jouer trois morceaux pour l’ouverture d’un club, en faveur d’une des filles qui avait tourné dans son long métrage gratuitement. Marc savait que je n’étais pas très très chaud, mais il avait dit oui sans m’en parler. Je ne voulais pas tomber dans une espèce de nostalgie « revival » et quand il est arrivé avec les noms qu’il proposait, j’ai trouvé ça marrant, intéressant à faire. Ça m’a mis la puce à l’oreille. Même si c’est La Muerte, c’est un nouveau projet, de nouvelles personnes, il y a une nouvelle énergie. On ne serait pas là maintenant si on avait reformé le groupe tel qu’il était à l’époque. Ça aurait été un couple qui se reforme, et après trois mois, les vieilles habitudes seraient revenues. Les vieux énervements, les vieilles rancoeurs… Ici, il y a tellement une énergie constructive que ça a été un déclic. Je suis venu répéter longtemps après eux, ils ont commencé sans moi. D’abord, ça a fonctionné avec eux, puis ils m’ont dit « maintenant, tu viens voir, on essaie. On fera le concert quand même, mais j’aimerais bien que tu sois là. »

MK: On l’attendait. De toute façon, ça n’aurait pas été possible sans lui. Finalement, il est venu et ça nous a donné un peu de crédit (rires).

DM: C’est un truc un peu dangereux à faire. Sur dix come-backs, il y en a neuf qui sont pathétiques.

MK: Ce qui est super, c’est de voir tout l’entourage qui amène beaucoup d’énergie, qui donne l’impression qu’il prend autant de plaisir qu’on en a nous-mêmes. Un déplacement de La Muerte, c’est une quinzaine de personnes, parfois plus, et on voit que tout le monde est chaud, s’amuse… On pense à eux aussi, on essaie de leur donner les meilleures conditions.

L’avantage aussi de revenir aujourd’hui, c’est que vous touchez une nouvelle génération. Moi par exemple, j’étais gamin à l’époque…

DM: Il y trois générations: les anciens, ceux qui ont juste raté parce qu’ils étaient trop jeunes quand ça a arrêté, et puis il y a les enfants des anciens. Et puis ceux qui découvrent complètement. Ça donne parfois des questions un peu surréalistes en interviews. Où tu sens que le mec n’a rien préparé, qu’il croit que c’est notre premier disque…

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