La loi de Balimurphy

Le groupe bruxellois s'est mis au vert pour préparer son quatrième album. © JEAN-FRANC?OIS SPRICIGO
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Dans la tempête, Balimurphy a pu tanguer, mais n’a jamais cédé. Plus direct et spontané, son nouvel album Nos voiles relance l’un des fleurons belges de la chanson rock en français dans le texte. En concert un peu partout cet été.

La vie d’un groupe, vous avez beau faire, ça ne file jamais droit. Vous pouvez essayer de prévoir, cadenasser, planifier, il y a toujours un moment où ça vous glisse entre les doigts. Actifs depuis la fin des années 1990, les Bruxellois de Balimurphy peuvent en témoigner. Au printemps dernier, ils ont sorti leur quatrième album, Nos voiles, qui leur a permis de tourner pour la première fois en radio, et d’enchaîner cet été les festivals. Mais tout n’a pas toujours été aussi fluide. Entre rock et chanson française, l’équipage a aussi dû apprendre à trébucher, et se relever.

Flashback. Il y a cinq ans, Balimurphy sortait La Déroute. Il jouait l’effet de surprise : tout à coup, ceux que l’on pensait coincés dans un univers chanson folk-musette, façon Ogres de Barback, se rapprochaient d’un certain rock tempétueux, plus très loin d’un groupe comme Noir Désir. Ce n’était pas non plus une révolution totale, mais bien un changement de cap. Mathieu Catala (batterie, voix): « C’était un album assez ambitieux, qui nous a demandé beaucoup de temps, d’énergie et d’argent. Il représentait aussi un virage plus calme, plus introspectif. Durant les trois années précédentes, on avait beaucoup tourné avec Poussière, qui était un disque très festif. Du coup, on avait envie d’autre chose. » Produit par Kris Dane (Ghinzu, dEUS), La Déroute a indubitablement ouvert de nouveaux horizons. Mais il a aussi décontenancé. Soit. Balimurphy est prêt à taper sur le clou, à faire l’effort de pédagogie nécessaire. Mais vous ne maîtrisez pas toujours tous les facteurs. « Les années précédentes, on pouvait compter sur une super tourneuse française. Mais quand elle est devenue programmatrice pour les Francos de la Rochelle, elle n’a plus pu s’occuper de nous. » Résultat: après un an à peine de concerts, la machine s’arrête. Net. Mathieu toujours, avec philosophie: « Cela fait partie de l’histoire d’un groupe. Il y a parfois des temps morts, il faut savoir les encaisser. Au début, vous vous agitez, vous vous mobilisez pour relancer le moteur. Mais à un moment, vous devez arrêter, sinon vous commencez à devenir bruyant. » Sagesse et modestie d’un groupe qui n’a jamais cherché à faire le buzz…

A un moment, vous devez arru0026#xEA;ter, sinon vous commencez u0026#xE0; devenir bruyant

Bousculé, Balimurphy prend alors le temps de se poser, pour faire une pause et réfléchir à la suite. Deux événements vont contribuer à relancer l’inspiration, et remettre de l’huile dans les rouages. Cédric Van Caillie (chant, guitare): « On a d’abord reçu une commande de la Comédie-Française pour une pièce chorégraphiée intitulée L’Autre. Un exercice très particulier, mais très intéressant. Pour la première fois, nous écrivions une musique à partir d’un texte qui n’était pas de nous. » L’autre déclic arrive avec la participation aux Secrètes sessions, organisées par le festival Francofaune. Pendant trois jours, Balimurphy se retrouve enfermé avec plusieurs autres groupes avec pour mission de pondre un morceau toutes les deux heures. Et de les rejouer trois jours plus tard sur scène. « Bien sûr, tout ce qui sortait n’était pas incroyable, mais on a pu se rendre compte qu’il y avait moyen de faire pas mal de choses en très peu de temps. »

Balimurphy retrouve ainsi le goût d’une certaine spontanéité. La Déroute avait été longuement réfléchi, déconstruisant et reconstruisant pas mal de choses. Son successeur sera plus direct, moins tortueux. Mais sans pour autant balancer les acquis par la fenêtre. Cédric Van Caillie: « Je me souviens d’une discussion avec Kris Dane pour La Déroute. Après avoir entendu les morceaux, il nous a dit un truc du genre: « Ils sont très bien, et on peut rentrer en studio demain et faire un très chouette album. Mais ce sera un peu le même que le précédent. Ou alors on essaie de casser un peu tout ça. » C’était exactement ce qu’on recherchait! Du coup, il a diminué des tempos, changé des tonalités, etc. Clairement, il nous a amenés loin de nos habitudes. Aujourd’hui, avec Nos voiles, on est revenu à quelque chose de plus instinctif et direct. Mais le chemin qu’on a fait, on ne l’a pas oublié. »

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Remis sur les rails, Balimurphy fonce. Avec un seul mot d’ordre: jouer plus, parler moins. Mais c’est aussi à ce moment-là que François Delvoye, présent depuis les tout débuts, décide de quitter le navire… « On reste en excellents termes: si François n’est plus sur les concerts, il continue par exemple d’écrire pour le groupe. Mais c’est certain que sur le coup, c’est un choc, cela secoue tout. » Bousculé mais pas abattu, Balimurphy cherche directement un remplaçant. Il ne va pas trouver très loin: Rémi Rotsaert est guitariste chez Dalton Télégramme, comparses liégeois folk-rock et frères de coeur des Bruxellois. Mathieu Catala: « On se connaît depuis dix ans. Il a tout de suite dit « oui ». Il nous a vraiment botté les fesses, en apportant notamment des choses auxquelles on ne s’attendait pas forcément. Et puis, on a souvent eu l’habitude d’inviter des cuivres ou des violons, qui amenaient des couleurs supplémentaires. Aujourd’hui, c’est un peu Rémi qui prend toute cette place-là. Du coup, on revient à quelque chose d’encore plus organique. »

Mise au vert

L’été dernier, le groupe s’est donc retrouvé pour enregistrer son quatrième album. Pour l’occasion, il est parti se mettre au vert dans une petite maison de campagne, du côté de Bièvre. Rien de très luxueux. « Jusqu’il y a peu, il n’y avait pas d’électricité. Il fallait compter sur un groupe électrogène, mais qui faisait pas mal de bruit. Depuis deux ans, des panneaux solaires ont été installés sur le toit. Mais ils ne sont pas très nombreux. Du coup, il fallait faire gaffe: à part l’équipement pour jouer, on n’allumait rien. Pour tenir, on s’éclairait à la bougie, et on refroidissait les bières dans l’étang (rires). »

Avec ses onze titres, Nos voiles voit Balimurphy regonflé, démarrant symboliquement le disque avec la guitare surf tourbillonnante de Rémi Rotsaert. Où le groupe n’oublie pas non plus de regarder ce qui se passe autour de lui (Le Calendrier), mais moins pour ruminer que pour exalter. Disposition que Mathieu Catala résume bien: « On parle beaucoup de politique entre nous. Et c’est sûr que depuis deux ans, les signaux ne sont pas réjouissants. Mais c’est aussi ce truc très sombre qui nous a donné envie d’aller vers la lumière. Arrêtons de souligner et d’appuyer ce qui va mal. Il y a moyen d’être heureux. Ou en tout cas, et jusqu’à un certain point, de tourner les choses en dérision. »

Balimurphy, Nos voiles, distr. Freaksville Records.

En concert le 22 juillet aux Francos de Spa, le 29 juillet au Bluebird festival à Ohey, le 12 août au BSF, le 2 septembre au Ward’in Rock. Retour en salle le 7 février 2018, à l’AB, à Bruxelles.

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