La Femme: « C’est en rentrant dans le système que le groupe a pu évoluer »

La Femme a fait la connaissance du Strokes Julian Casablancas. "On l'a rencontré vite fait mais il ne s'est rien passé de particulier. On finissait l'album. Peut-être un jour..." © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Ils sont partout. Font la couv du Rock and Folk, assurent la première partie des Red Hot et parlent cul au Journal du Hard… Les Français de La Femme initient à leur Mystère.

Il semble loin le temps parfois un peu foireux du Do It Yourself où ils vendaient par inadvertance des CD vierges au sortir de leur concert (c’était au Vooruit en 2012). S’ils sont aujourd’hui auréolés d’un nouveau statut, font la une des magazines, sont invités au Journal du hard et joueront en janvier au Zénith de Paris, les Français de la Femme n’en ont pas moins gardé le contrôle de leur destinée pop et synthétique. Puis aussi leur sens un peu bordélique de l’organisation. Marlon Magnée a raté son train et quand il rejoint deux de ses complices dans les locaux de la RTBF, le faux blond ne semble pas encore bien réveillé. Faut dire qu’avec la sortie de Mystère, la gloire naissante, les sollicitations nouvelles, le Parisien de Biarritz n’a pas eu le temps de chômer. La Femme est en train de se gentrifier. « Trop de gentrification, ça tue un quartier. Mais un peu, ça fait toujours plaisir », sourit-il entre deux affalements sur table haute.

Toujours artisanale malgré ses accointances avec Universal, La Femme s’est mise à plancher sur son deuxième album il y a un an et demi dans un manoir breton. Un centre de réadaptation mentale, près de La Baule, dont le grand-père de Sacha Got, l’autre tête pensante du groupe, était directeur. « L’endroit appartient plus ou moins à sa famille. Du coup, on a pu le louer et vraiment se retirer, explique la chanteuse et claviériste Clémence Quélennec. On a bien mangé. On a fait du sport. Et on a commencé à enregistrer. Pas mal de guitares notamment. C’était dans le grenier. Ça nous a mis un pied à l’étrier. On avait besoin de s’isoler. Pas du succès. Mais des fêtes et du rythme de vie parisien. » « On est tranquilles, s’enquiert de préciser Lucas Nunez Ritter (percussions). On est des anonymes. On ne nous arrête pas dans la rue pour nous demander des autographes. Mais il fallait se mettre au vert. Réfléchir à ce qu’on faisait tranquillement et pas se retrouver à bosser toutes les prises, entassés dans une cave. »

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À les entendre, le titre de révélation de l’année aux Victoires de la musique en 2014 semblerait presque anecdotique. « Les Victoires n’ont pas changé grand-chose, disent-ils d’une voix. Ça nous a révélés à pas mal de gens parce que c’est quand même une grosse audience. Puis, ça nous a filé une certaine crédibilité dans le milieu. Mais c’était autre chose il y a 20 ans. Maintenant que le marché du disque s’est cassé la gueule, que les gens ne regardent plus la télé, ce n’est plus aussi significatif. Ça parle à certains et d’autres n’en ont vraiment rien à branler. Pour les jeunes du Centre qui sont venus vers nous sur la pointe des pieds et avec qui on a mené des ateliers, fait des boeufs et joué au foot, on était les mecs de la pub Renault. »

Les mecs de la pub Renault… L’artiste est parfois bien peu de choses dans ce monde mercantile. « Les pubs, on ne les fait que si c’est vraiment bien payé, explique Marlon. Une fois, on nous a proposé de jouer dans un spot et même de le réaliser. On aurait pu se mettre d’accord avec vraiment beaucoup de fric à la clé. Mais il n’y en avait pas au point de foutre sa gueule dedans pour vendre une grosse marque. Maintenant que tu n’écoules plus beaucoup de CD, c’est le genre de plan qui peut devenir prépondérant. C’est aussi pour ça qu’il semble de plus en plus compliqué de rester underground. Les artistes sont souvent liés à la pub et aux marques via des shows privés. Et en même temps, c’est grâce à ça que tu peux parfois financer ton CD, essayer d’investir de nouveaux territoires ou produire ton clip comme ça a été le cas pour Sphynx. »

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Profiter du système

La Femme mène intelligemment sa barque et prend tout ce qui est bon à prendre. Paie avec ses deniers l’enregistrement de son disque. Fait travailler ses CD par Universal, ses 33 tours par Born Bad… « L’idée, c’est de rentrer dans le système pour le changer, du moins le modeler et y prendre ce qui est susceptible de t’aider. Le système, tu ne peux pas le gérer. C’est une force trop grande pour toi. C’est Dark Vador. Au bout du compte, c’est quand même lui qui va te niquer. Il faut donc bien gérer ton image parce que tu peux vite t’orienter vers le gros mainstream sale. Faut pouvoir rester fier de ce que tu sors. Veiller à prendre les bons courants. »

La Femme:
© DR

Chanson en arabe (Al Warda), pochette signée par l’Italien Tanino Liberatore (« On aimait bien sa BD RanXerox« )… Ceux dans lesquels barbote pour l’instant La Femme sont du genre international. Le disque a même été mixé aux États-Unis par Sonny Diperri (Animal Collective, Hanni El Khatib). « Ce qu’il avait réalisé avant on s’en foutait. C’est juste qu’il a fait ce qu’on lui demandait. Sans essayer de changer nos chansons et placer ses effets. » L’indépendance. Encore. Toujours. « Faut voir de quoi on parle. Si tu es vraiment extrême dans l’underground indé, tu ne figures sur aucune plateforme de stream. Tu ne te produis même pas dans des salles. Tu joues avec ton groupe électrogène dans un champ. » « Pour certains, c’est un acte ou un souci politique, renchérit Nunez. Diffuser ta musique par n’importe quel moyen pourvu que ce soit le tien. » « Nous, on est depuis longtemps rentrés dans le système. En étant sur une major. En mettant notre album sur iTunes. En rentrant dans le circuit des concerts. Mais c’est comme ça que le groupe a évolué. Que le projet a grandi. »

La Femme n’a quand même pas hésité à repousser la sortie de Mystère initialement prévue en avril. « Le disque n’était pas assez bien. Depuis, on a changé des batteries. Rééquilibré des niveaux. Modifié des voix et des structures. » Musique orientale et sud-américaine. Rock, classique, sixties, eighties, psychédélisme ou encore italo disco… Elle se dit ouverte à tout. « Cet album, c’est La Femme en mode chanson française. Tu peux le jouer à la guitare acoustique. Les morceaux ont été créés comme ça. Plus on évolue et plus on apprécie la musique calme, posée et douce. » Disons que ça ne s’entend pas toujours.

Mystère, distribué par Universal. ***(*).

Le 18/11 à l’Orangerie (Botanique) et le 15/12 à l’Aeronef (Lille).

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