La belle hip-hop, le rap au féminin

Blu Samu © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Inauguré l’an dernier à Bruxelles, le festival La belle hip-hop propose à nouveau une affiche rap entièrement accordée au féminin.

D’abord désamorcer un cliché, ou à tout le moins le nuancer: non, le hip-hop n’est pas un genre exclusivement animé par des hommes. Dès les origines (Sha-Rock, par exemple, membre des Funky 4 + 1) jusqu’à MC Lyte, en passant par Missy Elliott ou Nicki Minaj, les femmes ont apporté leur pierre à l’édifice d’un mouvement devenu entre-temps global et mainstream. Aujourd’hui, elles occupent même à nouveau une place non négligeable, au moins dans sa composante américaine la plus spectaculaire, via le succès d’une rappeuse comme Cardi B.

Roxy
Roxy© GS

Pour autant, il ne faudrait pas non plus se voiler la face. Comme dans la plupart des autres musiques, on est loin de la parité: les femmes restent largement sous-représentées. D’où l’intérêt d’un festival comme La belle hip-hop, organisé à Bruxelles, et dont la programmation s’étalera sur une semaine entière, entre concerts, débats, documentaire… (lire ci-dessous). Lancé en 2017, il remet logiquement le couvert cette année. Il sera à nouveau inauguré symboliquement le 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Derrière l’initiative, on retrouve Fatima Elajmi, et la structure Souterrain production, incontournable sur la scène bruxelloise depuis de longues années (dans laquelle on retrouve notamment Rival de CNN). « L’idée était de créer un événement avec une programmation hip-hop 100 % féminine, qui brasse toutes les disciplines du mouvement. » Aussi bien le rap donc, que le graffiti, la danse, ou le deejaying… « L’ambition est également de proposer un festival étalé sur huit jours, réparti sur huit lieux différents, et proposant des artistes venues de huit pays », précise encore Fatima Elajmi.

Malikah
Malikah© GS

Suite au mouvement #metoo, on aurait pu éventuellement penser que La belle hip-hop allait prendre un tour encore un peu plus offensif. Son instigatrice refuse pourtant d’apposer le qualificatif « féministe » à l’événement. « Pour moi, il est assez chargé, notamment de connotations qui peuvent vite devenir un peu extrémistes. Le festival qu’on organise prône très clairement l’égalité des genres. Mais je ne dirais pas qu’il est féministe. »

N’empêche: il s’agit bien de faire bouger les lignes . « On sent que les choses évoluent depuis quelque temps. Mais, si on ne veut pas noircir le tableau, il ne faut pas non plus l’enjoliver: il reste encore pas mal de boulot. » Pendant une semaine, le festival bruxellois va donc discuter, réfléchir et surtout prouver par l’exemple que les filles comptent dans le hip-hop . « Notre but est de montrer qu’elles ont autant de talent que les garçons. L’an dernier, on a par exemple fait venir la championne du monde américaine de beatboxing. Il faut insister et répéter que le hip-hop est pour tout le monde. » Un discours adressé aussi bien aux hommes qu’aux femmes qui ne se sentent pas toujours légitimes ou autorisées à prendre le micro. « En France, les rappeuses sont de plus en plus nombreuses. Mais en Belgique, la scène est encore très limitée. En proposant des artistes féminines sur le podium, en leur donnant une visibilité, notre souhait est que cela donne envie à d’autres de se lancer. »

Pinqy Ring
Pinqy Ring© GS

Tout cela n’implique pas forcément d’aligner une affiche aux noms ronflants. Aux gros blockbusters, La belle hip-hop préfère une programmation qui va chercher notamment du côté de la Turquie (Ayben), de l’Inde (MC Manmeet Kaur) ou du Liban (Malikah). « On veut sélectionner des artistes qui véhiculent un contenu positif, qui ont des choses à dire et à échanger. Si l’objectif est de faire bouger les choses, c’est important de venir avec des messages pertinents. Quelqu’un comme Pinqy Ring, par exemple, qui est originaire de Chicago, n’est pas seulement une rappeuse. C’est aussi une artiste investie sur le terrain, qui donne des conférences et des cours à l’université. » Pour l’occasion, toutes les artistes présentes ont également participé à l’enregistrement d’un morceau en commun. Pressé sur vinyle en édition limitée (le titre créé l’an dernier, lors de la première édition, occupera l’autre face du disque), il sera disponible le jour de l’inauguration du festival. Sisters gonna work it out!

Au programme

La belle hip-hop sera donc lancé le 8 mars, avec un débat organisé à la Villa Empain, avenue Roosevelt. Les intervenants, parmi lesquels l’Anglaise BGirl Roxy, la journaliste française Juliette Fievet, ou encore Alain Lapiower de Lézarts urbains, échangeront autour de la thématique: « Women in Hip-Hop, Appearance or Transparence? »

Dès le lendemain, le festival déménagera et investira le Botanique pour la grosse soirée-concert. Elle rassemblera une affiche internationale, avec Krtas Nssa (Maroc), Pinqy Ring (USA), Malikah (Liban), BGirl Roxy (UK), Dee MC (Inde), Ayben (Turquie), Gavlyn (USA), MC Manmeet Kaur (Inde), ainsi que les « régionales » de l’étape que sont Blu Samu et le duo Kab & Lipass.

À côté de ces deux événements principaux, on peut encore signaler, notamment, la grande battle, qui aura lieu le 11 mars au Viage; ou encore, la projection du documentaire français B-Girls, en présence de la réalisatrice Nadja Harek, au cinéma Galeries, le 14 mars.

Infos: www.facebook.com/Labellehiphop

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