Critique | Musique

[L’album de la semaine] Xenia Rubinos – Black Terry Cat

Xenia Rubinos © Shervin Lainez
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

SOUL | Avec son deuxième album, Xenia Rubinos trouve le bonheur dans un mélange soul-jazz-r’n’b réjouissant, en creusant la question de l’identité raciale.

L’exercice a déjà commencé depuis un moment. Mais, dans la dernière ligne droite de sa présidence, le bilan de Barack Obama sera plus que jamais analysé, examiné, disséqué dans les mois qui viennent. À ce petit jeu-là, l’un des paradoxes du double mandat du premier président métis de l’histoire des États-Unis restera probablement le retour de la question « raciale ». On pensait les démons du passé disparus, étouffés. Il n’en a rien été. Une série de violences/bavures policières sont venues rappeler les biais raciaux d’un pays qui compte, par exemple, « plus de Noirs américains derrière les barreaux aujourd’hui qu’il n’y avait d’esclaves en 1850 » (comme le glissait le chanteur John Legend, lors de la cérémonie de remise des Oscars, l’an dernier).

De ces questions, la communauté afro-américaine en a toujours parlé dans sa musique. C’est encore le cas aujourd’hui. Au risque d’enfoncer le clou, un rappeur comme Kendrick Lamar représente ainsi assez bien cette nouvelle génération d’artistes « black », qui loin des ego trips hip hop ou des poses mielleuses du r’n’b, ont su réinsuffler du politique dans leur musique. On ne s’étonnera donc pas que ce même Lamar ait pu inspirer Xenia Rubinos, musicienne afro-latino dont le nouvel album interroge l’expérience de la « couleur » en Amérique.

Afropunk

Avouons-le: on était largement passé à côté du premier album de Xenia Rubinos. Sorti en autoproduction en 2012, Magic Trix avait dû attendre un an supplémentaire avant d’être publié « officiellement » par Ba Da Bing! (label de Brooklyn sur lequel est paru par exemple le premier Beirut). Quatre ans plus tard, la jeune femme latino (des origines entre Cuba et Porto Rico) revient avec un disque pétri d’ambition.

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Née du côté d’Hartford, capitale du Connecticut (et l’une des villes les plus pauvres des Etats-Unis), c’est en arrivant à New York que Rubinos a vraiment capté la puissance du hip hop et de la soul. Cet amour, elle l’assume pleinement sur Black Terry Cat. Rappelant par moments la lascivité aventureuse d’une Erykah Badu, Rubinos louvoie joyeusement entre rap, r’n’b, spoken word et effluves jazz, avec un bonheur égal. A l’image encore du (magnifique) dernier album d’Esperanza Spalding, la musicienne semble ne rien calculer, délivrant une musique remplie de surprises et de rebondissements.

Ambitieux mais toujours accessible, Black Terry Cat y met les formes… et le fond. Evoquant les standards de beauté occidentaux, I Won’t Say, par exemple, est inspiré d’un discours d’Abbey Lincoln, légende jazz et célèbre activiste. Sur Mexican Chef, Rubinos évoque par l’absurde la contribution des Latinos –« French bistro, Dominican chef/Italian restaurant, Boricua chef/Chinese takeout, Mexican chef »– et du peu de reconnaissance qu’ils reçoivent –« Brown walks your baby/Brown walks your dog/Brown raised America ». Questionnant plus largement l’idée d’identité (notamment en déjouant les clichés sur la manière dont devrait « sonner » une artiste latino), Xenia Rubinos réussit un disque où le discours pèse moins qu’il ne nourrit et charpente la musique. Brillant.

DISTRIBUÉ PAR ANTI.

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