Critique | Musique

L’album de la semaine: Thelonius Monk – Solo 1954-1961

Thelonius Monk © Avalon Archives, Ltd
Philippe Elhem
Philippe Elhem Journaliste jazz

JAZZ | Toutes les plages solos des albums Prestige, Vogue et Riverside de Thelonius Monk ont été réunies au sein d’un double CD, plus quelques petites surprises.

La carrière de Monk n’a réellement pris son envol qu’au milieu des années 50. Jusqu’à cette époque, le pionnier du be-bop resta largement incompris par les amateurs de Charlie Parker ou de Bud Powell, entraînant comme triste conséquence une production discographique presqu’inexistante. Si Blue Note n’avait pas existé, on peut même se demander combien d’années se seraient écoulées avant que Monk ne finisse par publier un premier disque sous son nom, alors même que ses débuts professionnels remontaient à 1941 (il était le pianiste maison du Minton, un club considéré comme le laboratoire du nouveau style qui allait bientôt révolutionner le jazz). Les albums solos de Monk, cinq au total (le dernier faisant partie de ce que l’on appelle La London Collection, une session pendant laquelle le pianiste, sans contrat depuis 1968, enregistre en 1971 ses trois derniers disques en Angleterre), constituent la colonne vertébrale d’une oeuvre qui, hors compilations, pèse tout juste 25 LP et se clôture définitivement avec les précités, la carrière du pianiste s’achevant pour sa part deux ans plus tard après une ultime apparition publique.

L'album de la semaine: Thelonius Monk - Solo 1954-1961

Ce sont les trois premiers de ces cinq albums que l’on retrouve majoritairement (mais pas seulement) dans ce livre/disque cartonné où deux CD entourent un fascicule bilingue (français/anglais) de 60 pages consacré à l’histoire et la discographie du géant. Ironiquement, le premier LP solitaire de Monk (qui, jusqu’alors, n’était pratiquement jamais sorti de New York) est enregistré en France par Vogue pendant le Festival de Jazz de Paris en 1954, festival dont il est l’une des têtes d’affiche. Sorti sous le titre Thelonious Monk Solo, il sera réédité au fil du temps sous d’autres appellations comme The Prophet ou Portrait of an Ermite. Les deux autres sont issus de son nouveau label, Riverside, créé au milieu des fifties par Orrin Keepnews, un admirateur inconditionnel du musicien. Si le piano utilisé à Paris n’est pas de première qualité (mais les magnifiques remastering de ces repiquages ne le laissent en rien deviner), Monk peut compter sur deux instruments presque parfaits lors des sessions d’où naîtront Himself en 1957 et Alone In San Francisco en 1959 -ce dernier étant sans doute son chef-d’oeuvre solitaire.

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Les autres titres de cette intégrale proviennent d’un album Prestige et de plusieurs Riverside où Monk avait pris l’habitude de compléter ses enregistrements en trio, quartette et quintette, par une ou deux plages seul au clavier. On trouve cependant la vraie cerise sur le gâteau de cette compilation dans les cinq titres inédits (et de bonne qualité sonore) issus d’enregistrements réalisés, pour certains, par la Baronne Pannonica de Koenigswarter (chez qui, comme Charlie Parker 23 ans plutôt, le pianiste s’éteindra en 1982). L’art pianistique unique et génial de Monk, un art fait de silences, de répétitions, de progressions d’accords étranges, d’archaïsme et de dissonances mais aussi de thèmes inoubliables (Round Midnight, Ask Me Now, Blue Monk, Epistrophy, etc.), ne semble jamais aussi évident que lorsqu’il est délivré dans le dépouillement quasi-autiste (ce qu’il fut diagnostiqué a posteriori) d’un tête-à-tête avec l’instrument.

LE CHANT DU MONDE CMJ8742376.77 (HARMONIA MUNDI).

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