Critique | Musique

[L’album de la semaine] The Horrors – V

The Horrors © DR
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ROCK | Chapeauté par le producteur d’Adele, le cinquième album des Horrors britanniques draine d’inévitables comparaisons eighties mais sous le signe de salutaires mutations.

Quoi de mieux qu’une embrouille sur la paternité d’une image pour buzzer un disque imminent? À l’heure où le New Musical Express est autant une feuille de chou de potins qu’un magazine rock -online seulement-, il y était raconté, mi-juin 2017, que The Horrors avaient plagié l’artiste Jess Kanda, collaborateur de Björk, pour la pochette de leur nouveau single, Machine. Un visage tuméfié en forme de poing également difforme, de fait très horror. Banal sauf que, d’emblée, Kanda défend The Horrors en proclamant que lui-même s’est à plusieurs reprises inspiré d’un autre plasticien anglais, Chris Cunningham, fameux pour son goût des déformations. Par exemple dans le clip choc d’Aphex Twin, Come to Daddy. Une morale? Une création ouvertement ancrée dans d’autres est donc justifiable si elle n’est pas pure copie mais mutation, voyage d’ADN et non clonage. Merci de la perche tendue parce que c’est exactement le sentiment dominant le cinquième disque du groupe de Faris Badwan, celui d’une distorsion d’influences (brillamment) assumées.

À Gary Numan auquel on pense d’emblée à l’entrée du disque (Hologram),on peut donc rajouter une série d’icônes plus ou moins référentielles des années 80: Simple Minds, ABC, Talk Talk, Tears For Fears, voire Duran Duran. Avec même quelques emprunts manifestes à la décennie précédente, la fin d’It’s a Good Life reprenant les synthés VCS3 des Who période Won’t Get Fooled Again. Un jeu de pistes générationnel à partir duquel The Horrors déconstruit le pastiche au profit de sa propre musique. La bonne idée est d’y avoir plongé Paul Epworth, fameux pour son travail de producteur sur la discographie d’Adele: loin des chromos de cette dernière, Epworth agit autant en mineur qu’en démineur. Il flatte les mélodies mais les truffe de pièges sonores, brisant l’horizontalité naturelle des chansons via une impressionnante sonothèque et d’incessantes ruptures de rythme. Comme si lécher le chaos potentiel virait finalement à la leçon d’harmonie, ainsi Machine et sa sulfateuse très Stooges. Donc le dub bossu de Press Enter to Exit, les guitares flatteuses de Weighed Down, les claviers volatiles de Gathering, agissent comme un contrechamp mille-feuilles à la voix de Badwan, planeur onirique donnant du grain à moudre à l’époque sur Gathering, écharpant la culture de la surveillance perpétuelle. Reprenant aussi d’autres histoires anciennes -les Pet Shop Boys dans Point of No Reply- pour les bercer d’énergies nouvelles, The Horrors décrochent 8/10 à leur test de chimie. Et peut-être même bien un nouveau tube avec Something to Remember Me By.

The Horrors, V, distribué par Caroline International. ****

Le 10/11 à Het Depot, Leuven.

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