Critique | Musique

L’album de la semaine: Richard Thompson – Still

Richard Thompson © Vincent Dixon
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ROCK | L’Américain Jeff Tweedy produit le nouvel album de l’Anglais Richard Thompson, pour un résultat qui intensifie la grâce d’un folk-rock sans âge connu.

En Belgique francophone, Richard Thompson est un quasi-inconnu au look de garagiste amish brodant des comptines folk hippies. Bravo les Wallons pour la finesse d’analyse. Sur ce coup-là, les Flandriens, comme une bonne partie de la sphère pro-occidentale, ont pigé que le sexagénaire à béret beatnik sur tête de jésuite est bien l’un des musiciens les plus consistants sortis de la cuisse de Sa Majesté. Qui lui décerne d’ailleurs en 2011 le titre d’Officier de l’Empire de l’Ordre Britannique pour services rendus à la musique. Même si on ignore généralement la gelée royale, on note au passage le CV d’un chanteur-guitariste-compositeur ayant été repris par R.E.M., Elvis Costello, David Byrne, Dylan, Dinosaur Jr. ou encore The Blind Boys of Alabama. Pas seulement pour son jeu de guitare -fruité, vivace et slalomeur- mais aussi pour des compositions qui échappent à la volatilité des modes et genres. Comme si du Moyen Âge à l’ère 2.0, la musique n’était que le même gène naturel d’une chaîne sans discontinuité ni rupture ontologique fondamentale. En 2006, Thompson sortait d’ailleurs un album –1000 Years of Popular Music– accréditant cette hypothèse.

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Ce qui est plaisant et même fascinant sur l’album -son 25e solo- c’est le fait de ne pas devoir marquer les chansons d’une provenance décisive. On sent bien les racines folk, mais leur structure jeune-vieille est déconcertante, comme les occasionnels choeurs presque funky joignant une énergie rock et des solos de guitare électrique intenses et ramassés. La clarté des propositions ressort de neuf jours d’enregistrement au studio de Jeff Tweedy à Chicago: le travail du leader de Wilco est chirurgical et sans emphase, il enlève les scories et dégage le terrain, ce qui renforce encore la voix de Thompson. Chant élégant, d’une évidente clarté même s’il transporte quelque chose de shakespearien, au sens d’une grammaire complexe qui couve l’individualité des chansons et dessine des repères profonds, à décoder. Ou pas. Ses manières vocales qui rappellent David Byrne -sans la frivolité de coq stressé- construisent un cadre serein, indépendamment de la tonalité de textes parfois engagés, comme par exemple celui de Dungeons For Eyes, allégorie politique sur le sens de la résistance armée. Thompson aime raconter l’inconnu (She Never Could Resist A Winding Road) mais, à 66 piges, décide de terminer le disque sur un hommage charmant à ses guitaristes préférés. Une sorte de… Rockcollection supérieur, où il est question des Shadows et de Django Reinhardt, héros de jeunesse. Clôture ludique d’un disque sérieux, durable et émouvant.

DISTRIBUÉ PAR V2 RECORDS.

EN CONCERT LE 7 OCTOBRE À L’ANCIENNE BELGIQUE.

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