Critique | Musique

L’album de la semaine: Mark Ronson – Uptown Special

Mark Ronson © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

POP | Producteur superstar, Mark Ronson tire les ficelles d’un nouveau blockbuster. Au générique: Stevie Wonder, Bruno Mars et même un prix Pulitzer.

Ceci n’est pas un hit, c’est une pièce montée. Un gros gâteau quatre étages, avec supplément chantilly. En clair, l’année vient à peine de commencer qu’elle tient déjà son Happy (ou son Get Lucky). Depuis sa sortie en décembre dernier, le Uptown Funk de Mark Ronson (et Bruno Mars) a atteint la première place des hit-parades partout dans le monde. Morceau à peu près aussi finaud qu’irrésistible, il renvoie immanquablement à James Brown, The Time, ou encore Was (Not Was). C’est bien sûr une blague, au mieux un hommage. Mais même avec le sourcil relevé et farceur, Uptown Funk pétarade à pleins tubes, méchamment allumé par les cuivres d’Antibalas et des Dap Kings. Un vrai plaisir coupable, hot damn!

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Soul à la coule

C’est un peu la marque Ronson. Depuis son travail de production sur le Back To Black d’Amy Winehouse, l’Anglais est devenu le spécialiste dès qu’il s’agit de passer un vernis moderniste pop sur les influences les plus oldies. Moins révolutionnaire qu’amoureux de la musique, Ronson incarne en cela bien l’époque actuelle: celle des curateurs -son album précédent ne s’intitulant pas Record Collection pour rien-, plus habiles à raconter des histoires à partir d’anciennes qu’à chercher à en inventer de nouvelles. Avec pas mal de roublardise (et un solide carnet d’adresses). Mais aussi, quoiqu’on en dise, une certaine sincérité et un détachement tout britannique qui l’empêche de passer pour plus kéké frimeur qu’il ne l’est en réalité.

A cet égard, le tapageur Uptown Funk est un cas isolé. Une exception criarde dans un album qui affiche volontiers un certain cool à la californienne (Summer Breaking). En témoigne la présence sur trois titres de Kevin Parker, le rockeur psychédélique de Tame Impala. Il est l’un des (surprenants) invités du disque -Ronson préférant comme toujours se tenir à distance du micro. Au générique, on retrouve encore les noms de Mystikal (le rap goofy de Feel Right), Andrew Wyatt (Miike Snow), mais aussi l’icône Stevie Wonder! La patron a même tenu à soigner les textes, en faisant appel à l’écrivain Michael Chabon (prix Pulitzer pour Les Extraordinaires aventures de Kavalier & Clay en 2001).

Ronson est également parti enregistrer dans les Royal Studios de Memphis, lieu mythique (Hi records, les classiques seventies d’Al Green). Avec le producteur/compositeur Jeff Bhasker (vu notamment chez… Kanye West), il a encore écumé les églises du sud des Etats-Unis pour tomber sur la voix de Keyone Starr, jeune inconnue de 23 ans qui joue le rôle d’une Chaka Khan plus vraie que nature sur I Can’t Lose. Le morceau sent les eighties, sonne comme les eighties. Un peu comme Heavy Rolling ou Daffodils, exercices soul léchés qui lorgnent eux du côté de Steely Dan.

Sans surprise, la superproduction pop d’Uptown Special accumule ainsi les clins d’oeil plus ou moins appuyés. Au risque de paraître creux, mais sans pour autant passer pour passéiste. C’est tout le secret de la formule Ronson, exercice de style qui, à défaut de donner forcément des grands disques, ne boude jamais son plaisir.

  • DISTRIBUÉ PAR SONY.

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