Critique | Musique

L’album de la semaine: Fauve – Vieux frères partie 2

Fauve © Philippe Cornet
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

CHANSON | Deuxième album pour le collectif parisien sans visage, doté d’une lueur d’espoir sans pour autant que les tsunamis de mots évitent totalement l’angoisse.

Il y a un an paraissait le premier album de Fauve. La curiosité est initialement virale: les vidéos réalistes du collectif (qui refuse de pouvoir être identifié sur les photos) collent particulièrement bien aux déferlantes de mots narratifs. Les chansons apparaissent comme autant de prises de tension d’une société française au bord de la syncope, Fauve en étant le messager jeune, goinfre de vie et pressé. Le succès est considérable: disque de platine en Hexagone et la demi-douzaine de copains, ex-étudiants en Economie ou en Droit, remplissent à 20 reprises le Bataclan parisien, soit 30.000 spectateurs. En mai dernier, dans un Cirque Royal comble et enthousiaste, on mesure cependant que ce rock-chanson enivré de ses propres diatribes ne pourra décemment aller plus loin dans la logorrhée verbale.

Incertitudes nauséeuses

A moitié vrai puisque le tome 2 des aventures fauvistes raconte toujours des histoires avec plein de phrases qui s’enfilent comme si elles étaient menacées d’extinction. Ce sentiment de vouloir dire, dire et dire encore est à la fois un signe de l’obsession française pour la littérature, y compris en musique, et le symptôme d’une « jeunesse » constamment égrenée en mots comme: « on se reposera quand on sera vieux », « profiter du temps qui passe » ou « J’ai 27 ans, bientôt 28 ». L’urgence de ne pas vieillir trop vite donc, encourage à tout sentir, tout humer, tout essayer, comme dans ce Juillet (1998) d’ouverture, ode parfumée aux quartiers métisses, carrefours intenses d’odeurs, de couleurs, d’enjeux et de corps, bien sûr. Quitte à ce que ceux-ci soient en souffrance annoncée: dans Azulejos, pour raconter ce qui semble être une maladie (au moins de l’âme), il n’y a que la seule voix de Quentin Postel, déclamant en dehors de tout instrument ses incertitudes nauséeuses, avant de conclure sur l’oxygène retrouvé, « Même que je m’y balade encore/Libre et la bite à l’air ».

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Le désir charnel et celui d’espace parcourent les onze morceaux, leur donnent du grain à moudre selon des formules qui échappent au tout-spoken word (ou presque) du premier album. Même s’il y a encore des moments (Sous les arcades) où Fauve carbure comme une version française/classe moyenne du Wu-Tang Clan, la diversification sonore est au programme. Les choeurs de Paraffine ou le riff de guitare presque guilleret de Tallulah en témoignent gentiment. Jusqu’où aller dans la temporisation, comment freiner l’incendie des mots? Les Hautes Lumières (encore une histoire d’amour), qui clôt le disque, prend la forme d’un slow: certes, Postel pétrole encore comme s’il était payé au verbe, mais la mélodie, les cordes et harmonies qui soutiennent ses doutes exposés couvrent l’ensemble d’une couche de saccharine digne du Top 50. Et ce n’est même pas une insulte.

DISTRIBUÉ PAR WARNER.

EN CONCERT LE 03/03 À L’ANCIENNE BELGIQUE, WWW.FAUVECORP.COM

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