Critique | Musique

[L’album de la semaine] Chance the Rapper – Coloring Book

Chance the Rapper © DR
Didier Stiers Journaliste

RAP | À lui aussi, Dieu a donné la foi. Mais quand Chance the Rapper en parle, c’est sans prosélytisme.

La pratique de la compile sur bande puis sur cassette (quasi un art, auquel Thurston Moore des défunts Sonic Youth a consacré un joli ouvrage) n’a plus aujourd’hui, à l’âge des supports digitaux et de la dématérialisation, le caractère un peu « rebelle » qu’elle a pu avoir aux origines, à l’époque où elle était synonyme d’enregistrement pirate, bootlegging et autre vente sous le manteau. Elle reste cela dit bien vivace dans la culture rap et représente pour certains de ses acteurs une manière de se poser en marge du circuit « industriel » des (gros) labels. Ce sont aussi sur ces mixtapes, répertoriées en fin d’année par les médias spécialisés comme d’autres le font pour les albums ou les singles pop et rock, qu’on peut trouver les collaborations ou les compos les plus aventureuses, attendues, surprenantes… Et en la matière, Coloring Book fait pas mal la leçon à la concurrence.

En 40 ans, on a eu largement le temps de s’en rendre compte: la scène rap constitue elle aussi un large échantillon d’humanité. Chance The Rapper, Chancelor Bennett dans le civil, natif de Chicago, ressemble, lui, à un gosse qui vient de terminer son catéchisme. Et qui, sur cette nouvelle mixtape en train de susciter des « oh » et des « ah » chez les chroniqueurs les plus blasés, raconte à la fois son éveil spirituel comme sa lutte contre le mal. Petit détail biographique: Chance fut temporairement renvoyé des cours à l’âge de 18 ans pour possession de marijuana, un « incident » qui lui servit d’inspiration pour sa première mixtape, intitulée 10 Day. Chance en a aujourd’hui 23. Fidèle à son background musical plutôt soul, jazz et gospel, il entretient un réseau qui, dans le genre, force plutôt le respect. Un peu de name dropping? Allons-y: Action Bronson, Nosaj Thing, Kendrick Lamar ou encore Kanye West. On croise d’ailleurs le jeune homme (en featuring mais aussi à la co-confection) sur The Life of Pablo, le disque récent du même Kanye. Lequel se manifeste dès lors à son tour sur All We Got, la plage d’ouverture de Coloring Book, aux côtés d’une chorale, le Chicago Children’s Choir.

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A la suite de Yeezus, on croise quelques autres sérieux clients, parmi lesquels Future, à la voix plus rauque, et Justin Bieber himself, pour un Juke Jam qui sent cela dit un peu l’impro. Lil Yachty, l’une des promesses du cloud rap (éthéré, quoi), est également de la partie. Et pour Blessings, Chance, qui rappe aussi à propos des gens qu’il aime bien et de sa ville qu’il défend, a requis les services de l’activiste et poétesse Jamila Woods. En un mot comme en plusieurs, ce « livre à colorier », c’est du soleil dans les oreilles. Même s’il y est fait allusion aux violences policières et à l’esclavagisme. Jeune, mais pas con.

Chance The Rapper, Coloring Book. Mixtape.

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