King Khan, le roi cramé au Roots & Roses

King Khan © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Il a failli tourner moine bouddhiste et est l’Indien le plus cramé de la scène soul et garage. King Khan raconte grandeur, décadence et pétage de plombs avant de se faire le Roots & Roses le 1er mai.

D’origine indienne, né à Montréal (c’était le 24 janvier 1977), et aujourd’hui installé à Berlin avec sa femme et ses deux filles, King Khan a l’éclectisme international d’une pub pour Benetton et connu le mode de vie déglingué d’un roman sous psychotropes (Las Vegas Parano?) façon Hunter S. Thompson. Potes des Black Lips avec lesquels ils ont créé un supergroupe de gospel imbibé, les Almighty Defenders, et sorti un album, il y a cinq ans déjà (« on devrait bientôt s’y remettre »), Arish Ahmad Khan et Mark Sultan (futurs King Khan et BBQ) officient milieu des années 90 au sein des Spaceshits et signent deux albums et une poignée de singles sur Sympathy for the Record Industry, label qui lancera la carrière des White Stripes et braquera les projecteurs sur la scène garage de Detroit.

« Je n’ai jamais eu mes quinze minutes de gloire, glisse King Khan en salopette, un bandana sur la tête, dans sa loge de l’Aéronef. Je me souviens encore des interminables tournées en van à travers les Etats-Unis. On se faisait 30 dollars par concert. Sacrifiant jusqu’à la vague idée d’une existence normale. A l’époque, dans les années 90, il n’y avait pas encore de GPS. Avec les Black Lips, on arrachait des pages dans les atlas des stations essence. C’est ce qui nous servait de carte routière. On n’avait pas de GSM non plus. Je suis content d’avoir vécu tout ça. C’était le Far West. » Beetlejuice du rock’n roll, vrai music lover, King Khan a baigné dans le breakdance et le hip hop étant gamin, et clame en vrac son amour pour les 13th Floor Elevators, James Brown, Otis Redding, Screamin’ Jay Hawkins… L’an dernier, le cul coincé entre soul et punk cuivré à la Saints, il sort son quatrième album avec les Shrines: l’irrésistible Idle No More. Le nom d’un groupe d’Indiens d’Amérique qui lutte pour un meilleur traitement des populations indigènes à travers le monde. « Je leur ai demandé la permission d’utiliser leur nom. Je voulais promouvoir leur cause. Une bonne partie des médias, spécialement au Canada, est contrôlée par la droite. Or, ces populations indiennes, dont on parle finalement très peu, vivent dans des conditions épouvantables. Parfois pires que dans les pays du tiers-monde. Une incroyable injustice qui se perpétue depuis des siècles. »

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Lou Reed et Jodorowsky

Quand il s’est fait chasser de la maison par son père, King Khan est parti vivre chez l’un de ses potes dans une réserve. Deux de ses meilleurs amis étaient des Mohawks. « L’un d’entre eux est mort il y a quelques années. J’ai perdu trois proches en l’espace de deux ans. Un suicide pour l’un, les drogues pour l’autre et un cancer pour le troisième. Ça m’a secoué », avoue le Berlinois d’adoption. Dans le tas, il y a forcément Jay Retard. « La première fois que j’ai parlé à Jay, c’était au téléphone. Il avait 17 ans. Je l’interviewais pour un canard. Puis, on a partagé un show avec lui à Memphis. Quand on est arrivés, il nous a dit qu’il n’y aurait personne. Que tout le monde le détestait et qu’il avait très mauvaise réputation. C’était vrai. Il y avait cinq types dans la salle. Les mecs d’Impala et Greg Oblivian… Cette nuit-là, j’ai dormi chez Jay. On a arpenté toute la ville pour essayer de trouver de l’herbe. Mais la seule chose que tu pouvais acheter à Memphis à l’époque, c’était du crack. Et on ne voulait pas spécialement en fumer. On a été chez sa mère. Elle était réveillée à cinq heures du mat. On a glandé avec elle. Fumant des pétards dans un parc à caravanes… »

Burnout, court-circuit… King Khan a mis pratiquement cinq ans –« même les génies sont constipés parfois »– pour terminer son dernier album. « J’ai dû faire une pause. Prendre soin de moi et de mon cerveau. Je perdais la tête et en même temps toute connexion avec la réalité. Je venais en plus de rencontrer deux personnes qui avaient fait ce que j’étais. Ça m’a ébranlé. »

D’un côté, il y a Jodorowsky dont il a croisé le fils à un mariage. « On a sympathisé. Je lui ai raconté que son père était mon gourou. Et j’ai finalement été invité par Alejandro qui m’a appris quelques trucs de tarot. The Holy Mountain est l’un de mes films préférés. Quand je l’ai vu, je vivais dans un château en Allemagne où j’étais parti m’installer après avoir découvert la musique de Sun Ra. »

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De l’autre, il y a Lou Reed et sa femme Laurie Anderson. Le couple l’a invité à un festival australien dont il est le curateur. « J’ai glandé avec eux pendant quelques jours. Fait du tai-chi avec Lou. Lui ai présenté un aborigène sans abri avec qui je voulais rejoindre les Black Panthers… »

En Corée, éclate une grosse bagarre avec Mark Sultan (ils viennent d’enregistrer un nouveau King Khan & BBQ, sortie prévue en 2015). « Je ne savais pas trop quoi faire et je me suis retrouvé dans ce monastère dirigé par des femmes. Je ne savais même pas que ça existait. Elles m’ont accueilli. Nourri. J’avais l’air complètement cinglé. »

King Khan écrit une lettre à toute sa famille en disant qu’il veut arrêter la musique et devenir moine. Sa belle-soeur Rose McGowan, « l’actrice, qui a joué dans le diptyque Grindhouse de Tarantino et Rodriguez, celle qui a un flingue à la place d’une jambe », lui conseille d’aller voir un médecin. « Je suis rentré dans le monde de la psychiatrie. J’ai tout recommencé à zéro. Ça a été du lourd. J’ai pris ces drogues faites pour éliminer la pensée ou du moins empêcher mon cerveau de courir. Je ne savais même pas si je redeviendrais moi-même. J’ai arrêté la musique pendant deux ans. Puis la chanson Darkness m’est venue à l’esprit. Ça m’a remis en selle. Aujourd’hui, je me sens mieux que jamais. » Vive le roi…

  • ROOTS AND ROSES, LE 1/05 À LESSINES. AVEC THE SONICS, POKEY LAFARGE, LITTLE X MONKEYS, DRIVING DEAD GIRL, FRED AND THE HEALERS, THE EXCITEMENTS… WWW.ROOTSANDROSES.BE

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