Critique | Musique

Kid Cudi – Indicud

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

HIP HOP | Après un essai « rock » passé largement inaperçu, le rappeur sort Indicud. Un troisième album inégal mais qui a la bonne idée de continuer à chercher.

Kid Cudi - Indicud

L’itinéraire de Kid Cudi n’a jamais été simple à suivre. Depuis le début, le rappeur né Scott Ramon Seguro Mescudi (1984) s’est employé à brouiller les cartes, à l’image de son flow flou, un brin paresseux. Il y a d’abord eu un premier hit, Day n’Nite. En 2009, le morceau remixé par les Crookers a fait un tube, tout en brouillant dès le départ l’image du bonhomme: Kid Cudi cartonne alors avec une version dance d’un de ses titres. Trois ans plus tard, rebelote avec le remix-kermesse de Pursuit of Happiness, signé Steve Aoki. Pas que cette confusion le dérange. Le bonhomme se tient de toute façon à distance de l’esthétique rap traditionnelle, seul sur sa planète. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si son premier album s’intitule Man On The Moon, ambitieuse galette à tiroirs, hip hop dans l’esprit, psychédélique dans l’intention, pop à la ligne d’arrivée, invitant au passage les rockeurs indé de MGMT. Vous avez dit éclectique?

Flou artistique

Après deux albums et un paquet de collaborations (la compilation Cruel Summer pour n’en citer qu’une parmi les plus récentes), Kid Cudi a d’ailleurs poussé la logique encore un peu plus loin, en formant son projet étiqueté « rock », WZRD.

Aujourd’hui, il est de retour sous son nom avec un disque qui reprend à peu près les choses là où il les avait laissées avec Man on the Moon II: The Legend of Mr Rager, sorti en 2010. Un indice le confirme dès le début de l’album, avec cette introduction intitulée The Resurrection of Scott Mescudi, comme le signal d’un retour aux essentiels. Dans le cas de Kid Cudi, cela veut dire une nouvelle tentative de fondre le format hip hop dans un cadre pop tout personnel. On a souvent comparé Kid Cudi à Kanye West (qui l’a d’ailleurs accueilli jusqu’ici sur son label GOOD Music). Il y a en effet une même ambition, la volonté de tordre le média rap. Mais là où Kanye West s’agite avec une frénésie et un sens de l’hystérie qui n’ont d’égal que son ego démesuré, Kid Cudi opère avec davantage de flegme. C’est toujours un peu la première impression qui se dégage d’Indicud, disque qui avance souvent au ralenti (King Wizard, Mad Solar…), entre flow chamallow et chant crémeux typique. Cette nonchalance ne sert pas toujours l’intéressé, qui semble rester à distance, regardant son sujet de loin, un peu trop relax et détaché pour passionner.

Pourtant, Indicud propose quelques pistes vraiment intéressantes. Certes, l’album est trop long: 18 morceaux enquillés, 70 minutes. En faisant le tri (le plantage Afterwards), il reste cependant pas mal de raisons de se réjouir et de continuer à compter sur Kid Cudi pour remuer un peu le cocotier. En ouvrant par exemple toujours autant sa musique: le folkeux Father John Misty est de la partie (Young Lady) et MGMT est à nouveau samplé. Solo Dolo Part II, en duo avec le désormais incontournable Kendrick Lamar, Beez avec RZA, ou Brothers avec A$AP Rocky et King Chip, montrent que Kid Cudi peut faire à la fois plus simple et tranchant, sans renoncer à son ambiguïté. Sur Cold Blooded aussi, il n’a peut-être jamais chanté de manière aussi fervente.

Résultat des courses: sans être un chef-d’oeuvre, Indicud montre que son auteur en a peut-être malgré tout toujours un en lui.

KID CUDI, INDICUD, DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL.

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