Kevin Morby/Steve Gunn: la Nuit américaine

Kevin Morby © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

L’ancien bassiste de Woods et l’ex-guitariste intermittent de Kurt Vile ont clos de magistrale façon les 22es Nuits Botanique.

Ca y est. Not Here, Not Now, la relecture des oeuvres de Reich, Fafchamps, Bartok et compagnie excepté, les Nuits du Bota ont vécu. Et plutôt bien d’ailleurs. Dimanche, c’est soir de Grand Chelem: toutes les salles du Botanique affichent un fier sold-out. Hot Chip fait danser un chapiteau surchauffé. Les filles d’Ibeyi ensorcèlent l’Orangerie. The Soft Moon a rempli le Grand Salon de Concert tandis que Villagers et Patrick Watson font Cirque comble. Un peu comme les absents, les retardataires ont toujours tort. Surtout ceux qui ont acheté leur ticket de Rotonde pour Kevin Morby. Changement de programme par rapport à ce qui était annoncé en début d’après-midi sur le site Internet du Bota, c’est l’ancien bassiste de Woods qui lance la plus belle double affiche des Nuits.

Dans la foulée d’un premier album lumineux écrit à la guitare acoustique dans des chambres d’hôtel, en gros une lettre d’amour à New York rédigée par un mec du Midwest, le globe-trotter (Morby est né au Texas, a grandi à Kansas City, percé à Big Apple et est désormais installé à Los Angeles) enchaînait fin 2014 avec Still Life. Un disque peut-être moins immédiat mais au final tout aussi solide que son prédécesseur. « Tu peux enregistrer des albums qui ont un gros son, tant que tu n’en vends pas beaucoup d’exemplaires, tu dois exister à plus petite échelle sur la route », déclarait récemment le jeune homme de 27 ans. Pas non plus en mode concert à emporter (quand il reprenait Bill Fay seul à la gratte acoustique, son porte harmonica autour du cou), le cofondateur des Babies (avec Cassie Ramone des Vivian Girls) a une classe folle. Juste entouré d’une bassiste (Meg Duffy) et d’un batteur (celui des Babies justement, Justin Sullivan), Morby, tout de blanc vêtu, jusqu’à la chemise de cowboy, chante comme Bob Dylan quand il semblait encore content de monter sur scène et revisite à sa manière le mythe du guitar hero. Le son, le phrasé, l’allure… Morby a tout bon. Jusqu’à la maîtrise du wouhouhou qui donne si souvent des envies de meurtre. Le splendide Harlem River se termine dans un déluge d’électricité. Séances de rattrapage le 24 mai au Charlatan (Gand), le 25 mai à La Péniche (Lille) et le 15 juin au Mad Café (Liège).

C’est dans un autre registre que le brillant Steve Gunn partage son petit coin d’Amérique. Jadis occasionnel guitariste de Kurt Vile, Gunn n’a ni sa voix ni celle d’un Kevin Morby. Mais profondément marqué par les Michael Chapman, La Monte Young et autre John Fahey, s’impose comme un vrai roi de l’hypnose. De la petite mélodie et de la poignée d’accords qui répétés à l’envi ensorcellent.

Accompagné par des musiciens belges, le bassiste Tommy DeNys et le batteur Erik Heestermans (les Stervende Honden déjà aperçus aux côtés d’Ignatz), Gunn construit patiemment son univers. Le bonhomme, fin de trentaine, prend plus que largement son temps pour réaccorder sa guitare entre les morceaux mais ce qui rendrait la plupart des concerts chiants et décousus participe à l’histoire d’une musique qui s’infuse et s’apprivoise. Way Out Weather (l’extrait qui a donné son titre au dernier album en date), Wildwood ou encore Milly’s Garden convainquent de leur entêtement contagieux et de leur folk (rock) obsédant. Manquait juste un quart d’heure de Kevin Morby (voire la présence de leur merveilleux « cousin » Riley Walker) pour que la soirée soit parfaite. See you next year.

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