Critique | Musique

John Fogerty – Wrote a song for everyone

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ROCK | En compagnie a priori guère bouleversante, John Fogerty fait pourtant ressurgir la nostalgie juteuse de Creedence revisité.

John Fogerty - Wrote a song for everyone

Dans la bagnole sur l’autoroute, les deux passagers arrière dodelinent dès l’intro de Bad Moon Rising, plutôt irrésistible avec sa guitare-sauterelle dévastant un champ de rythmes joviaux. « Cling-cling/cling-cling-cling », dit le morceau, secoué de hoquets gourmands dont une voix mâle booste la boulimie chocolatée. Le bizarre n’est pas tant que le garçon et la fille embarqués kiffent la chose et décident qu’elle sera la B.O. de « leur prochain montage YouTube », mais qu’ils aient… douze ans.

Et qu’ils n’ont, of course, jamais entendu parler de Creedence, Fogerty ou du Zac Brown Band, sept country-folkeux à forte pilosité qui l’accompagnent sur Bad Moon Rising, chanson ayant quand même 44 piges au compteur… Le casting ricain un rien péquenot est la première chose notable de ce disque de quatorze titres, douze reprises et deux inédits. Ici, pas de transfuge mode de Brooklyn ou de vedette twittable pour transmuter le rock des bayous de l’ex-Creedence. Fogerty a choisi du lourd (Foo Fighters), du revenant (Bob Seger), du roots (My Morning Jacket, Dawes) et une cuvée d’interprètes country (Alan Jackson, Miranda Lambert, Keith Urban, Brad Paisley), sans intention aucune de vouloir updater un tant soit peu sa musique.

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Has beenage

Fidèle à lui-même, au fond, Fogerty, 68 ans: il arbore d’ailleurs le même type de chemise à carreaux que celles rendues célèbres à la parution du premier album de Creedence Clearwater Revival, en juillet 1968. Pour rappel, sous la direction autocratique de Fogerty -auteur-compositeur- chanteur-producteur-, son groupe californien va sortir sept albums studio en moins de quatre ans (…), vendus à plusieurs dizaines de millions de rondelles des deux côtés de l’Atlantique. En plongeant dans un Sud fantasmé (Born On The Bayou), CCR saisit le rock aux racines -reprises de Marvin Gaye, Little Richard ou Screamin’ Jay Hawkwins- et propulse une pop rhythm’n’blues aux guitares irrésistibles.

Ce qui est frappant, c’est justement la manière dont Fogerty -qui a conservé sa magistrale voix- parvient ici à tirer le meilleur de gens pas loin du has beenage (Bob Seger, Kid Rock) ou de l’autoparodie névrotique (Foo Fighters). Si l’on considère les deux inédits sans génie mais écoutables (Mystic Highway, Train Of Fools), il leur manque justement ce qui faisait péter le juke-box Creedence, durant sa brève existence, entre 68 et 72: une densité primesautière, un yin pop supérieur et un yang troussé d’épaisses racines noires, un truc un peu miraculeux qui résistait à l’analyse. Partiellement et deux générations rock plus tard, il semble bien qu’il en reste encore quelque chose d’attachant, y compris dans ce disque sans risque aucun mais totalement agréable.

JOHN FOGERTY, WROTE A SONG FOR EVERYONE, DISTRIBUÉ PAR SONY MUSIC.

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