Critique | Musique

Jean-Michel Jarre, retour vers le futur

Jean-Michel Jarre, dans son studio de Bougival, Paris. © AFP/Thomas Samson
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Pionnier de l’électronique, Jean-Michel Jarre revient après huit ans d’absence. Et convoque un casting cinq étoiles, le temps d’une leçon d’histoire synthétique.

A 67 ans, Jean-Michel Jarre reste, plus que jamais, une énigme à décrypter. Fils de Maurice Jarre -le compositeur de BO aux trois Oscars-, il fut d’abord disciple de Pierre Schaeffer, au sein du Groupe de Recherches musicales: au coeur des années 60, Jean-Michel Jarre est alors fasciné par les expérimentations électro-acoustiques et les théories musicales du maître. Une décennie plus tard, pourtant, c’est dans une carrière pop qu’il se lance, en écrivant notamment pour Christophe (Les Mots bleus, Les Paradis perdus), Françoise Hardy et même Patrick Juvet… A ce moment-là, Jean-Michel Jarre oeuvre dans l’ombre. Il n’y restera plus très longtemps. Dès 1976, il sort Oxygène, puis deux ans plus tard Equinoxe. Entièrement instrumentaux, à la fois planants et hypermélodiques, les disques carburent aux nappes de synthés, et deviendront des best-sellers internationaux. Les eighties seront décisives. Jarre se laisse happer par l’air du temps: celui d’une décennie fascinée par le fric et l’hyperbole. Le Français enchaînera les concerts grandiloquents, place de la Concorde, à Moscou, à Pékin, pour le Pape, devant les pyramides… Alors que l’électronique s’est greffée sur la musique de danse -prenant le maquis dans les clubs underground pour y créer les mouvements house ou techno-, il passe désormais pour une superstar mégalo. Et mettra pas mal de temps à s’en remettre…

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EDM moi non plus

Huit ans après son dernier album, Jean-Michel Jarre revient aux affaires. Dans l’intervalle, son étoile a retrouvé un peu d’éclat, réhabilitée par la jeune génération. L’atmosphère a également changé: l’electronic dance music -dites EDM- a tout balayé sur son passage, et le gigantisme de certains événements (cfr. Tomorrowland) n’est pas sans rappeler la démesure des sons et lumières des années 80. Il n’est ainsi pas complètement étonnant de voir Jarre bosser aujourd’hui avec Armin van Buuren, tête de gondole dance, sur Stardust. Heureusement, le morceau n’est que l’une des nombreuses collaborations qui constituent le nouveau Electronica 1 (un second volume est prévu l’an prochain). Sous-titré The Time Machine, le disque fonctionne comme une leçon d’histoire, brassant large dans les musiques électroniques. Qu’il s’agisse de rappeler les prémices krautrock (Tangerine Dream), l’apport des musiques de film (John Carpenter), de l’électropop (Vince Clark, Little Boots), les incursions dans le rock (Pete Townshend), ou l’indie rock (Fuck Buttons), voire le classique (Lang Lang), sans parler des expérimentations arty (Laurie Anderson), des digressions trip hop (3D de Massive Attack), ou encore de la contribution Frenchie (Air, Gesaffelstein, M83)… Soit seize morceaux pour autant d’invités. Par la force des choses, Electronica 1 dégaine et tire un peu dans tous les sens -y compris dans le vide. Au-delà de l’exercice, ludique, il reste ainsi un objet bizarre, forcément inégal, et surtout difficile à saisir en tant qu’album. On ne peut pas tout avoir.

JEAN-MICHEL JARRE, ELECTRONICA 1: THE TIME MACHINE, DISTRIBUÉ PAR SONY.

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