Guns N’ Roses: la fleur au fusil

© REUTERS/Vincent West
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

24 ans après s’y être arrêtés avec le Use Your Illusion Tour, Axl, Slash et Duff McKagan jouaient samedi à Werchter. Welcome to the jungle…

C’est le premier concert de rock auquel j’ai assisté. C’était le 11 juillet 1993. Pile poil au même endroit. J’avais quatorze ans, l’aval de mes parents. Et j’avais fait le trajet en bus organisé depuis la grand-place de mon bled paumé. En première partie, il y avait Brian May. Le ticket était à 1100 boules (on parlait encore en francs belges) et je ne me souviens pas du prix des pintes (fuck 3 euros today). Je ne suis même pas sûr que j’en descendais déjà. À l’époque, pour moi, les Guns, c’était une compile en cassette qu’un pote m’avait fabriquée, un étudiant aux Beaux-arts par la suite devenu militaire… Puis aussi le Tribute à Freddie Mercury. Axl Rose avec la gueule de Jésus sur son t-shirt et l’inscription Kill Your Idol qui chantait Bohemian Rhapsody en compagnie d’Elton John (un moyen de faire taire les accusations d’homophobie dont le groupe avait fait l’objet avec les paroles de One in a Million)… J’ai revu les Guns ensuite. Pukkelpop. Graspop. Aucun souvenir. Trou noir. Cette fois, de toutes façons, c’est pas pareil. C’est comme un pèlerinage. En plus de Rose (et de Dizzy Reed), il y a pour le coup Slash et Duff McKagan. La triplette magique est reconstituée. Au début des années 90, la seule qui la concurrençait dans ma caboche adolescente, c’était Van Basten, Gullit et Rijkaard… Pas sûr qu’aujourd’hui, ça vaudrait encore un déplacement à San Siro…

On peut regretter le prix méga élevé des tickets (91 euros). Vomir le Golden Circle. 156 balles si t’es pas VIP juste pour pouvoir assister au concert bien placé, depuis cet espace pour friqués et privilégiés où il y a autant d’ambiance qu’un dimanche après midi chez Michel Drucker. Il y a évidemment des questions de fric derrière ce Not in This Lifetime Tour (aux States, le groupe s’est pris quelque trois millions de dollars par concert). Puis bedonnant, bouffi et amoché par des opérations de chirurgie esthétique, Axl (55 balais) a vieilli et fait même un peu peur. Il change de tenue aussi souvent que Grace Jones, a perdu un peu de sa voix (mais pour hurler ça va) et garde ses sprints légendaires pour la fin du concert. En attendant, les mecs (27 morceaux, trois heures sur scène) sont quand même sacrément généreux dans l’effort.

À quelques mauvaises exceptions près (quelle daube quand même ce Chinese Democracy), les 58.000 spectateurs de Werchter Classic auront droit à un rutilant best-of et à un putain de « human juke-box » avec flammes, détonations et feux d’artifices… Welcome to the Jungle, Rocket Queen, You Could Be Mine, Sweet Child O’Mine… Les tubes s’enchaînent sans un mot ni temps mort. Avec évidemment un paquet de reprises dont les Américains s’étaient fait une spécialité. Le Live and Let Die des Wings, Attitude des Misfits avec l’intro de You Can’t Put Your Arms Around a Memory de Johnny Thunders (deux morceaux extraits de Spaghetti Incident), Wish You Were Here de Pink Floyd, The Seeker de The Who ou encore Speak Softly Love, le thème signé Nino Rota du Parrain… Le guitariste Richard Fortus (« il a quelque chose d’Izzy Stradlin et un feeling stonesien », dit de lui le chef, « comme s’il était possédé par Keith Richard »), le batteur Frank Ferrer et la claviériste Melissa Reese, première femme tout de même de l’histoire des Guns, font le boulot. Le Knockin’ on Heaven’s Door de Dylan suit le Black Hole Sun de Soundgarden, hommage au récemment disparu Chris Cornell…

Il y a peu de place à l’improvisation dans pareille machine. Juste quelques moments de la set-list où les Guns se laissent l’embarras du choix (Patience aurait pu remplacer Don’t Cry, New Rose prendre la place d’Attitude, on a même trouvé des traces récentes de My Michelle). Nostalgie? Regarder ce cinglé d’Axl me met 24 ans dans la gueule, me rappelle si besoin en était que je finirai par crever (au plus tard au mieux). Mais en fermant les yeux ou en matant Slash le virtuose qui a toujours la même dégaine, le visage planqué sous ses bouclettes et son chapeau, rien ne semble avoir changé… Le concert a débuté avec les deux mêmes chansons qu’en 1993 (It’s So Easy et Mr Brownstone) et se termine de la même façon. « Take me down to the Paradise City where the grass is green and the girls are pretty« … Je ne l’aurais pas mieux dit.

Setlist: It’s So Easy / Mr. Brownstone / Chinese Democracy / Welcome to the Jungle / Double Talkin’ Jive / Better / Estranged / Live and Let Die / Rocket Queen / You Could Be Mine / Attitude / This I Love / Civil War / Yesterdays / Coma / Speak Softly Love / Sweet Child O’ Mine / Out Ta Get Me / Wish You Were Here / November Rain / Black Hole Sun / Knockin’ on Heaven’s Door / Nightrain // Don’t Cry / The Seeker / Paradise City

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