Green Day vs Muse: combat de titans

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Au royaume des blockbusters, Muse et Green Day ont fait la rentrée. Pompe rock « hénaurme » d’un côté, simplismes punk-pop de l’autre. On compte les victimes…

GREEN DAY, ¡UNO!, DISTRIBUÉ PAR WARNER **
MUSE, THE 2ND LAW, DISTRIBUÉ PAR WARNER.**

Rock-business, ton univers impitoyable, tes sommets irrespirables. Car ce n’est pas tout d’atteindre les hauteurs, encore faut-il s’y maintenir. La preuve par deux. A ma gauche, Green Day, 1er album en 1990, 65 millions de disques vendus depuis (dont un bon paquet de Dookie, le carton sorti en 94), plus de 25 millions de fans Facebook. A ma droite, Muse, 1er album en 99, 15 millions de LP vendus depuis, près de 14 millions de « like ».

Honneur aux vétérans. ¡Uno! est le premier épisode de la trilogie que Green Day compte sortir d’ici le début 2013. Après le concept album politisé (American Idiot) et le rock-opera (21st Century Breakdown), Green Day semble avoir plus que jamais besoin de défis pour se motiver. A moins qu’il ne s’agisse plus simplement de trouver le gimmick marketing qui permettra de relancer l’intérêt pour des gloires vieillissantes? Car en soi, ¡Uno! ne propose rien de spectaculaire. A bien des égards, il est même une sorte de « retour aux sources ». Green Day back to basics, après 20 ans de carrière… Après tout, qui leur en voudrait? Surtout que sur la douzaine de titres proposés, la majorité tient ses promesses punk-pop. Simple, voire simplet, mais souvent foutrement efficace, mélodies quasi californiennes. On ne parle pas du single, le lourdaud Kill the DJ, mais de titres aussi bêtement amusants que Nuclear Family, Carpe Diem, ou Fell For You. Au bout de l’album, on a certes l’impression que le groupe aurait pu encore en pondre une dizaine dans le même moule, quasi les yeux fermés. Mais puisque, comme le chante Billie Joe Armstrong, « I just want some action, so gimme my turn ». Dont acte…

Muse est évidemment dans une toute autre position. À chaque album, les Anglais ont poussé un peu plus loin leur lyrisme rock. On les soupçonnait Radiohead du pauvre, alors que Matthew Bellamy et ses camarades ne rêvaient que de maximalisme à la Queen. En attendant, The 2nd Law était censé amener un nouveau souffle au groupe. Un moment de rupture. D’une certaine manière, il l’est en effet, parfois de la manière la plus improbable qui soit. L’album démarre par Supremacy, titre « jamesbondesque » boursouflé, entre solo FM et cordes à la Kashmir de Led Zeppelin. Dès le départ, Muse s’amuse à frôler le ridicule. Le single Madness est leur Zooropa à eux, proclamant un virage plus électronique. En effet, comme il l’avait annoncé, Muse se pique de reprendre des tics dubstep. Sur Follow Me, par exemple, ou The 2nd Law, décliné en deux parties. Les rockeurs revendiquent notamment l’influence d’un Skrillex: ce n’est pas étonnant, tous les deux se rejoignent dans leur rejet de toute subtilité… Comme tout blockbuster, l’album de Muse n’ennuie donc jamais vraiment. Par contre, le groupe a trahi ses promesses: s’il renouvelle (un peu) sa palette sonore, il reste braqué sur ses tics pompiers, aussi drôles (au 2e degré) que lourdingues.

Morale de l’histoire: que ce soit en revenant aux sources (Green Day) ou en essayant au contraire de surprendre (Muse), les poids lourds du genre semblent coincés, incapables de renouveler l’idiome rock. « How soon is now? », comme disait l’autre…

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