Critique | Musique

Gang Gang Dance – Eye Contact

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POP EXPÉRIMENTALE | Avec son cinquième album, Gang Gang Dance continue de rêver une pop bizarre, libre et aventureuse. En défrichant un peu le chemin, mais sans sacrifier de son étrangeté.

On a d’abord passé pas mal de temps à chercher la bonne étiquette. Comment présenter Gang Gang Dance? Dans quelle case ranger le groupe new-yorkais? Pas forcément pour l’y enfermer, mais bien pour donner des pistes à ceux qui auraient par exemple été intrigués par le titre Glass Jar, dernier « single » en date, exubérance sonique longue de 11 minutes… De la pop expérimentale? Les termes pourraient paraître contradictoires. Et s’il faut être lucide, ils le sont la majorité du temps. Avec GGD, pourtant, l’un n’empêche pas l’autre.

Avec ce cinquième album, le groupe new-yorkais parvient en effet à accrocher l’oreille, sans jamais sacrifier sa singularité. Aussi tordu et bizarre soit-il, Eye Contact n’est jamais abscons: la partie droite du cerveau reste la plus stimulée. Quand on rencontre Brian Degraw, il réfute d’ailleurs toute démarche intellectualisante. « Au contraire, tout le processus est assez instinctif. On n’essaie jamais de venir avec des grands concepts. C’est vraiment de l’improvisation à laquelle on donne une certaine structure. »

A ses côtés, Lizzi Bougatsos. La chanteuse est pour une part importante dans le mystère des morceaux de GGD. Plus que jamais, sa voix semble venir d’ailleurs, princesse tonkinoise évanescente (Sacer) qui fait parfois écho aux tournures vocales de Karin Dreijer Andersson (du duo The Knife). « Pour la première fois, j’ai travaillé avec un producteur pour mes voix. Auparavant, c’était les autres membres du groupe qui s’en chargeaient. Le problème est qu’ils n’avaient pas toujours le temps de m’aider. Cette fois-ci, le fait d’avoir quelqu’un qui puisse se concentrer avec moi sur le chant m’a beaucoup aidé et ouvert l’esprit. »

Funk rembourré

Officiellement (…), Eye Contact est la tentative la plus accessible du groupe. Degraw sourit: « On continue à appeler nos morceaux des chansons, même si elles partent d’impros. Dans nos têtes, on essaie toujours de faire un disque pop… » Et par bien des côtés, Eye Contact l’est en effet. Le titre Romance Layers en est l’exemple le plus abouti. Avec Alexis Taylor (Hot Chip) en invité de premier choix, il ressemble à un funk moelleux et rêveur de début de soirée, comme si Prince se retrouvait à faire du Balearic. A l’autre extrémité du spectre, Glass Jar se déploie avec le même naturel, n’éclosant réellement qu’après six minutes, soit à la moitié du morceau. Il y a bien deux, trois moments où le groupe flirte avec un psychédélisme un peu poussif ou des rêveries cheesy qui ne collent pas toujours au reste (Chinese High). Mais la plupart du temps, les paysages sonores décrits par GGD fascinent par leur douce étrangeté: du tribalisme dance de Mindkilla au crescendo émotionnel de Thru and Thru, qui conclut le disque.

Pour la première fois, le groupe n’a pas repris pour sa pochette un élément visuel emprunté à Nathan Maddox, leur camarade tué en 2002, foudroyé par un éclair. Cela ne veut pas dire que GGD a fait un trait sur son passé. Mais bien qu’il est prêt à s’appuyer dessus pour aller encore un peu plus loin. Eye Contact en est une preuve éblouissante.

Gang Gang Dance, Eye Contact , distribué par 4AD.

Laurent Hoebrechts

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