Forever Pavot, C.W. Stoneking, Wild Classical Music Ensemble: Nuit de folie

Wild Classical Music Ensemble © Olivier Donnet
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Psychédélisme et giallo, blues bientôt centenaire, rock expérimental jubilatoire et libertaire… Récit d’une Nuit Botanique extatique commencée du côté de l’Ancienne Belgique.

Il faudrait des chiffres pour étayer tout ça mais l’offre de concerts a littéralement explosé ces dernières années. En mai, fais ce qu’il te plaît. Entre les lives chez l’habitant, les gigs de plus en plus récurrents dans les bars et l’apparition des premiers festivals d’été pour l’occasion installés au beau milieu du printemps (il n’y a plus de saison messieurs dames), on ne sait trop pour l’instant où donner du tympan. Traversant ces semaines musicales foisonnantes, les Nuits du Bota, elles, brouillent les pistes. Flying Lotus et Godspeed débarquent avant les Nuits mais en font partie. Nick Cave joue au Cirque royal pendant mais sans relever de sa programmation. Bizarre, vous avez dit bizarre… Ajoutez à l’agenda les Nuits du beau tas (Gnod, BulBul), alternative « alternative » au célèbre événement bruxellois, et c’est tout le mois de mai qui vous mettra les oreilles à l’envers.

Samedi soir, on se la joue donc en mode Marathon Man et course effrénée contre la montre. Coup d’envoi 19h30 à l’AB Club. Dans le cadre de la journée de l’Europe (65 ans déjà la déclaration Schuman?), après une après-midi de débats sur la musique et le vieux continent, les Parisiens de Forever Pavot ouvrent pour BRNS et les vilains Polonais de Bokka. Suffit d’avoir eu un jour son album en main (il y est dessiné avec ses longs poils, son vieux pull et sa belle moustache) pour reconnaître Emile Sornin. Tout souriant, grimaçant, excité, exalté derrière son clavier, le protégé du label Born Bad, flanqué de quatre acolytes, plonge avec délectation dans ses ambiances de films. L’univers des François de Roubaix et Jean-Claude Vannier mélangé à celui du giallo. Type de thriller érotique d’épouvante pour lequel Ennio Morricone et Bruno Nicolai entre autres ont composé des bandes sons. Clippeur pour Disclosure, Dizzee Rascal et Alt-J, Sornin rocke et a le sens de l’image jusque dans sa musique.

Le cheveu gominé, le costard soigné, quelques plantes en guise de décor… Dans une grande AB aux trois quarts assises, l’Australien C.W. Stoneking voyage plus loin dans le temps. Fermez les yeux (et encore), ouvrez les oreilles. Direction l’entre deux guerres. Vieux blues, calypso, ragtime, vaudeville… Stoneking sait y faire. Deux choristes aux petites chorégraphies drôles et maîtrisées mais pas de cuivres pour l’occasion. Un autre temps que les moins de 100 ans ne peuvent pas connaître. Il y a toujours quelques remords à déserter un chouette concert mais le clou de la soirée, c’est au Botanique qu’on l’attend et que va l’enfoncer le Wild Classical Music Ensemble. A une heure où ils sont d’habitude couchés (cinq membres du groupe souffrent de handicap mental), les six rockeurs expérimentaux retournent le Grand salon! dans une performance viscérale et primale à l’énergie folle. « Bonjour, monsieur. Comment ça va? » Pendant que Johan sur le devant de la scène souffle dans son cor, Linh répète les mêmes paroles à l’envi dans une logorrhée obsessionnelle (De Werkers). Il y a aussi Kim à la guitare qui assure de main de maître la base rythmique avec le chef de projet Damien Magnette (batterie). Rudy, son noeud papillon, ses cuivres et ses cris déchirants. Et l’inimitable Sébastien. Planqué derrière ses lunettes de soleil de rock star (il est malvoyant), Sébastien est le showman de la bande. Il s’excite sur une basse percussive conçue et bricolée rien que pour lui. Chante, assure les intermèdes comme un chef et chauffe le public avec une jubilation non feinte.

Avec leur univers brut, noise, free, no wave, ces six-là pourraient sortir de la scène rock expérimentale new-yorkaise de la fin des années 70. Obsédant, trippant, bluffant, irrésistible et dansant, le Wild Classical Music Ensemble est comme son nom l’indique: sauvage. Une méchante claque et un concert après lequel toute l’after électro ne pourra que sembler bien fade…

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