Festivals: techno, toujours pareille?

Carl Cox en live au Château de Chambord © AFP Guillaume Souvant

L’été, le soleil tape. Le bpm aussi. Et souvent, d’année en année, on lit les mêmes noms sur l’affiche des festivals. Alors, au lendemain de Dour et à la veille de Tomorrowland, on tente les constats.

La foule est dense. Elle oscille. Gauche, droite. Une vague humaine, de la lumière partout, quinze mille personnes. Au loin, une forme. Un DJ en live, brouillé par la poussière. Soudain, les hi-hats s’accélèrent. Un filtre, parfois. C’est le drop. Comme un col de Tour de France, on le sent venir, on voit l’arrivée. Quelques coups de pédale, le souffle est coupé. Le sommet. Une même cadence, quatre sur quatre, et tout le monde danse.

Ça, c’est le scénario festival. Énorme scène, gigantesque public. On sort du club. De l’intime aux prairies. Mais la techno reste la techno. Le savoir-faire est le même. Tout en haut des affiches, il y a des noms qui résonnent. Les headliners qu’on connait par coeur. Ils s’installent un peu partout. Jusque-là, tout va bien. Mais à force de s’attirer toute la lumière, ils en cachent les autres. L’impression de n’entendre qu’un son, qu’une esthétique, qu’une seule fréquence.

Ben Clock, Dave Clark, Nina Kraviz. Des artistes qui tournent. L’année, ils prennent l’avion de club en club. L’été, ils jouent devant des milliers de personnes au soleil. Le haut de l’iceberg qui rapporte. Alors, on se pose des questions. Les mêmes gros noms partout, ça fait quoi à la techno? Et l’on en vient à se demander s’il n’existe pas une techno des grosses scènes, une techno des festivals.

À Kiosk Radio, les artistes défilent. Tous les jours, un relais dans le Parc Royal. Beaucoup de DJ’s qui grattent la musique, qui cherchent. On y entend des petits, comme des plus grands. Et Jim Becker, l’un des DJ fondateurs de Kiosk, dresse un constat: « Dans les différents styles de festivals, il y a des écuries d’artistes qui squattent les premières places des affiches.« 

La conséquence, un type de son attendu dans ces grands événements. « C’est une création commerciale à la base, un coup de marketing. Ça s’est transformé en une demande de la foule. DJ’s et public sont prisonniers d’un script déjà écrit« , précise Jim Becker. La techno serait devenue mainstream?

Des clubs aux scènes en plein air

« Il y a des noms qui appâtent, qui permettent de remplir des scènes énormes. Mais parler de techno de festival, non. Parce que chaque artiste a sa personnalité. Amélie Lens ne joue pas comme Charlotte de Witte, Ben Clock ne passe pas les mêmes disques que Villalobos« , soutient Brice Deloos, du collectif FTRSND. Eux sont plutôt synthétiseurs modulaires et machines homemade. Pour la musique de Détroit, plus grande est la scène, plus l’esthétique sonore sera mainstream.

D’un club de 900 personnes à une scène en plein air, il y un monde. La perception est différente, le public change. Dans les festivals, les genres se mélangent. Les musiciens doivent plaire à un public qui ne leur est pas toujours acquis. Dans ce contexte, on arrondit les angles. On chatouille moins les oreilles.

« Le public est très hétéroclite, ça peut être des personnes qui vont voir Nekfeu et finir devant Umwelt à deux heures du matin, raconte Mathieu Fonsny du Dour Festival. Ce n’est pas du tout une musique sectaire chez nous. » L’idée: transposer les soirées intimistes des clubs dans les chapiteaux d’été. Le tout sans en dénaturer l’esprit. On vise moins les freaks, ceux qui dansent dans les sous-sols sombres toute l’année.

Alors, on l’entend où l’innovation? Dans les petits clubs, dans les festivals dédiés à aux genres qui expérimentent. En Belgique, ils sont plutôt rares. À Eupen, il y a le Meakusma. Un événement dédié à ceux qui tentent, aux bruits bizarres. À Bruxelles, on trouve par exemple le Brussels Electronic Marathon, les Nuits Sonores, Listen Festival.

Mais le manichéisme n’a pas sa place dans la musique électronique. Les artistes du haut de l’affiche continuent de produire, de se réinventer. Ils gardent les niches. Car de son côté, l’invisible de la techno vit sur internet. Il y trouve son public. Et des plateformes, comme Kiosk Radio, comme FTRSND. Ça danse et, toujours, ça écoute.

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