Festivals enfants admis (ou pas): les fans et les enfants d’abord

Gaëtan Streel au Deep in the Woods 2012. © Olivier Donnet
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Enfants a(d)mis, enfants proscrits, enfants gratuits… Du Deep in the Woods à Dour, les grands événements musicaux des vacances ont chacun leur « kids » politique. Zoom, à hauteur de mioche, sur l’été festivalier.

Article initialement paru dans le Focus du 24 juin 2016.

« Ils ne savent pas vraiment comment ils sont coiffés. On dirait toujours qu’ils sont un peu bourrés. La notion d’argent leur est inconnue. Pour eux ça n’a pas d’importance d’être nus. » Comme chante Philippe Katerine, les enfants de moins de trois ans (et même les plus grands d’ailleurs), c’est pas comme nous, c’est pas comme nous, c’est pas comme nous… D’où cette question fondamentale: qu’en faire quand vient l’été des festivals? « Les enfants, ça sert à rien. Faut les brûler. Comme au Brésil », vous aurait conseillé Didier Super de manière peut-être un peu radicale. Les emmener semble une option plus raisonnable. Mais si lors d’une enquête qui remonte à 2011, un parent britannique sur cinq révélait avoir embarqué son enfant de moins de cinq ans à un festival lors de l’année écoulée, l’initiative peut, en fonction de la destination, se transformer en véritable enfer.

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1.200 spectateurs maximum, le cadre forestier du domaine de Massembre, un service de baby-sitting en soirée (pas pour la formule camping toutefois)… Le Deep in the Woods est chez nous l’un des festivals les plus familiaux. Très flamand de public (nombre de festivaliers de Gand et d’Anvers ont jadis participé à des séjours organisés par les Mutualités chrétiennes dans ce centre de vacances qui accueillit ses 800 premiers mioches en 1951 dans le cadre de cures d’air préventives), l’événement namurois s’est dès le départ positionné de par son concept comme un rassemblement musical réservant une place de choix aux enfants.

« Le site, un grand camp de vacances verdoyant, offre déjà beaucoup de possibilités, avance sa chargée de com’ Justine Montagner. Promenades, jeux d’eau et d’escalade… Les enfants sont même invités à participer au nourrissage des animaux avec l’équipe du domaine. Mais on ne se limite pas aux particularités du site. Nous organisons aussi un parcours d’accrobranche ou encore une mousse party qui rend les gamins complètement dingues. Avec le collectif bruxellois Dustlab, les enfants pourront même cette année imprimer des dessins sur du bois et rentrer chez eux avec un puzzle. » Les chiffres ne trompent pas: l’an dernier, au Deep in the Woods, 21% des festivaliers avaient moins de douze ans.

Gratuit pour ces derniers, le Cactus à Bruges est aussi assurément l’un des événements musicaux de l’été où l’on croise le plus de mioches, de bambins et de poussettes… « C’est historique, glisse Loes Maveau. Dès le début du Cactus, il y a 35 ans, des animations étaient prévues pour les enfants. Quand nous étions encore gratuit, les familles débarquaient le dimanche avec leur nappe et leur pique-nique. Le concept a un peu changé mais nous ne sommes pas le méga festival où on a peur de laisser ses gosses faire ce qu’ils veulent et s’en aller trop loin. Ils peuvent se promener sans crainte de se perdre. C’est lié au site mais c’est aussi une question d’ambiance, de feeling. » Dans le ravissant et féerique Minnewaterpark, plusieurs activités sont ainsi proposées au jeune public. Notamment un atelier circassien. « Rien de dangereux, hein, sourit Loes. Nous n’avons jamais eu d’accident. C’est juste ennuyeux pour les enfants de devoir se coltiner une journée entière de concerts. Alors on les occupe. Notamment grâce à la compagnie de cirque Woesh qui leur apprend quelques tours et trucs. » Cette année, le Cactus inaugure par ailleurs l’Oasis, une aire de relaxation pour petits et grands.

Gratuit pour tous, le Sfinks, à Boechout, baigne dans le même vent de juvénile fraîcheur avec son Kidz Village, son Kidz Podium ou encore ses Kidz Ateliers. Et que dire du LaSemo? Dans le parc d’Enghien, il propose un tas de spectacles et animations jeune public, invite Henri Dès, prévoit des plats enfants, une foire (L’Amusoir), des baby-sitters (1h30 max), des gradins spéciaux et même des plaques de roulage pour poussettes.

A Esperanzah!, du côté de l’Abbaye de Floreffe, on a aussi toujours visé un public familial. Au Village des enfants, comme pour les adultes, on fait rimer musique avec conscientisation. Labyrinthe, roue musicale, jeux de construction recyclables… Le thème de cette année, « les réfugiés des quatre coins du monde », promet des univers colorés. Le Village n’est pas une garderie et chaque mioche doit toujours y être accompagné d’un adulte, mais des spectacles figurent au programme et la Mutualité chrétienne met gratuitement à leur disposition des casques de protection auditive.

L'Arbre nomade à Esperanzah
L’Arbre nomade à Esperanzah© Esperanzah

Enfants friendly

A Couleur Café, les enfants de moins de dix ans accompagnés d’un adulte ne payent pas et les gosses reçoivent à l’entrée une carte sur laquelle sont inscrites les coordonnées de leurs parents… Il n’y a cependant pas de garderie prévue. Les enfants perdus sont confiés au stand de la Croix Rouge et les poussettes sont déconseillées. Ce qui n’empêche évidemment pas les petites têtes blondes ou les enfants du soleil à la peau dorée d’y trouver leur compte. « Nos cours de danse -Bollywood, hip hop, Lindy Hop, afro fitness, salsa, merengue- rencontrent toujours un vif succès auprès des enfants. Et les ONG présentes sur le site organisent souvent de petites animations qui leur parlent », souligne-t-on du côté du festival urbain.

« Nous sommes enfants friendly mais nous ne prévoyons rien de spécifique pour eux et ils sont laissés à la responsabilité de leurs parents, explique Fabrice Lamproye au sujet des Ardentes. Essentiellement parce que notre public cible est plutôt du genre adolescent. Par contre, lors de la Fête des Solidarités, sur laquelle nous travaillons également, il y a une cité des enfants, des concerts, des animations, une garderie… C’est une question de profil d’événement. »

Si en juin dernier, la Fête de la Musique, fête de tous les publics, prévoyait forcément un tas d’activités à destination des gosses, on ne fabrique pas encore d’instruments en légumes à Rock Werchter. Et pourtant. A Saint-Cloud, les organisateurs du Rock en Seine ont tout prévu. Les enfants âgés de six à dix ans sont accueillis comme de véritables spectateurs avec une programmation qui leur est consacrée tout au long de la journée. Boumette, séance de maquillage, cours de musique et de danse, tournage d’une émission de télé, espace BD… Le Mini Rock en Seine en est déjà à sa septième édition.

Il n’y a pas de limite à la curiosité des enfants. Pourquoi devrait-il y en avoir à l’offre musicale qui leur est proposée? Les organisateurs du festival Jazz à La Villette ont ainsi monté le Jazz à La Villette for Kids. Un concert Sur la route avec Alan Lomax, une relecture de Pierre et le loup, un ciné-concert autour du Vieil Homme et la mer ou encore le versant scénique de Jazzoo, livre musical destiné à faire découvrir le jazz aux enfants, figurent entre autres au programme…

Kidzik

Les festivals de musique adaptés aux enfants, c’est bien. Les festivals de musique destinés aux enfants, c’est encore mieux. A Louvain-La-Neuve, pour le jeune public, il y a depuis 2010 le Kidzik. L’idée est d’y faire découvrir aux gosses les multiples facettes de la musique tout en s’amusant, de concerts magiques en ateliers malins. Dans la cité universitaire, ils dessineront des chansons, joueront sur des batteries dont les éléments sont des participants, pianoteront sur un clavier en bananes et carottes. Ils entreront avec An Pierlé dans un monde sonore et fantastique habité par une fillette qui vient de la lune, un homme de sable qui quitte sa grotte et une chauve-souris qui aime avoir la tête à l’envers (Slumberland). Ils assisteront à un BD concert de Karin Clercq et Marie Warnant (Michael et moi), feront le tour du monde en chansons avec Samir Barris, ou encore se livreront à une initiation humoristique à la musique de Schubert avec un troisième prix du Concours Reine Elisabeth… « La Ferme du Biéreau est la maison de toutes les musiques. Et comme il ne se passait pas des tonnes de choses l’été pour les enfants, on a voulu proposer un événement musical qui leur serait dédié, retrace Vassilia van der Heyden. Nous avons pris le parti d’aborder les styles les plus divers. Ça va du jazz aux musiques du monde… Tout en visant les enfants de 0 à 12 ans. »

Le Kidzik à Louvain-la-Neuve
Le Kidzik à Louvain-la-Neuve© Ferme du Biéreau

Au total, une trentaine d’ateliers et une quinzaine de concerts s’enchaîneront en trois jours, du 27 au 29 août. Le Kidzik attire environ 3.000 personnes par édition. « On veut accueillir les enfants dans de bonnes conditions, dans un environnement acoustiquement idéal. Mais on sent une demande importante du public. Ainsi, depuis cinq ans, le festival se décline aussi dans sa version bruxelloise en divers lieux de la capitale. On vient avec papa et maman, mais pas seulement. C’est un peu cliché mais sur le classique par exemple, ce sont souvent les grands-parents qui accompagnent. Un enfant a théoriquement l’esprit vierge de tout préjugé. Que ce soit du jazz ou de la musique fabriquée avec des instruments de papier comme celle de Max Vandervorst, il va appréhender les choses sans trop d’idées préconçues. On essaie de présenter les choses de manière didactique. Mais dans le jeu, sans tomber dans le scolaire. »

Dans un autre genre, le festival de Dour a tenté il y a quelques années l’expérience du festival pour enfants mais il ne s’est guère obstiné. « Avec le Dour Kids, on a essayé de répondre à la demande familiale dans le Hainaut mais nous ne l’avons pas assez bossé et nous n’avons pas réussi à le faire prendre, reconnaît Alex Stevens. On développait Dour en même temps. Puis, c’était compliqué de venir une semaine avant. On s’est rebaptisé Les Trois Terrils parce que les grands ne voulaient pas venir. Genre: je ne veux pas aller à un festival d’enfants. Il aurait fallu un autre terrain, un autre moment. »

Quant à la version adultes, elle n’est pas spécialement conseillée aux plus jeunes. « Notre cible, c’est les 18-25. Les potes qui viennent passer leurs vacances en tente. On a des jeunes parents bien sûr, mais ils s’arrangent pour placer leur progéniture. Un Stromae, un Bigflo et Oli peuvent amener un public de 8-10 ans mais c’est une autre typologie d’événement. Perso, les enfants, je leur conseille plutôt le camp scout. »

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