Festivals après les attentats: le salaire de la peur

Les Ardentes 2014. © BELGA/John Thys
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Entre inquiétude des spectateurs et augmentation des budgets sécurité, quel impact ont exercé les attentats sur l’économie des festivals? Petit tour des propriétaires.

Ce n’est pas arrivé souvent ces quinze dernières années. Est-ce même seulement survenu une seule fois? À quelques jours de son coup d’envoi, il restait encore des tickets en vente pour tous les jours de Rock Werchter. Des pass pour l’ensemble du week-end aussi d’ailleurs. Certains signes ne trompent pas les pros du secteur: le nombre d’encarts et de spots publicitaires que continue de diffuser le Gargantua de l’été festivalier, mais aussi le fait qu’il invite la presse il y a peu s’en aller voir Paul McCartney à l’étranger… Un stratagème pour tenter de relancer les ventes et de rameuter les foules. Au 30 mai, les compteurs affichaient 130.000 tickets vendus (combis et journaliers). Les raisons de ce relatif désintérêt? « Les effets des attaques que nous avons connues se font clairement sentir, indiquaient les organisateurs du festival dans un communiqué. Si les ventes en Belgique (et aux Pays-Bas) restent stables et suivent leur cours normal, moins de tickets sont vendus à l’étranger. »

Amplifiées ou pas par le Belgium Bashing, les explosions dans le métro et à l’aéroport ne sont pas restées sans effet sur l’économie des festivals. « On a clairement ressenti l’impact des attentats, abonde Irène Rossi de Couleur Café. Le 22 mars, nous avions fait une grosse annonce, tôt le matin, et elle est forcément passée inaperçue. Nous avions réalisé un super lancement, un très bon premier mois. Puis pendant quatre à six semaines, c’est devenu très compliqué. Après la date tragique, les préventes sont tombées de 25% par rapport à 2015 mais elles remontent fortement depuis la mi-mai. Je dirais aujourd’hui qu’on est en retard mais que la courbe remonte. Et comme on vend traditionnellement la plupart de nos tickets dans la dernière ligne droite… »

Le deuxième effet financier néfaste repose sur le budget sécurité. À CoulCaf, les coûts ont augmenté de 60% cette année. « On a pris des mesures supplémentaires. Les fouilles seront plus poussées. Ça nécessite du personnel. Nous avons également contracté une assurance annulation en cas d’alerte attentat. » Le Graspop, Werchter, Dour, Tomorrowland et le Pukkelpop ont quant à eux investi ensemble dans des détecteurs de métal, histoire de limiter les frais.

Moins touchés

Chacun son histoire. Son paysage géographique et démographique. Tout le monde n’est apparemment pas logé à la même enseigne en termes de fréquentation. « Ronquières marche encore mieux que d’habitude et avec Les Ardentes, on n’est pas trop mal. Objectivement, on est même en avance sur 2015, note Fabrice Lamproye. Nous sommes moins touchés, je pense, que Werchter ou un festival bruxellois. En ce qui concerne la sécurité, le budget a cependant augmenté d’au moins 25%. Nous avons renforcé le nombre de personnes employées par les sociétés de gardiennage, prévu des portiques comme dans les aéroports… »

Le Festival de Dour ne se sent pas vraiment non plus touché par la situation anxiogène ou une quelconque fébrilité sécuritaire du public. Les ventes se portent bien. « On était partis pour un complet à l’avance, je pense, mais je ne vais pas me plaindre. On est sur les mêmes bases que l’année dernière, se satisfait Alex Stevens. Il faut bien comprendre que plein de facteurs interviennent sur les ventes. Les histoires d’attentat peut-être. Mais sans doute davantage ailleurs que chez nous. Le prix du ticket. Certains deviennent trop chers. Ou encore la météo. Le temps moche n’aide pas à se projeter dans l’été. La vente de billets est une équation compliquée. S’y glissent aussi l’aura du moment, les souvenirs qu’ont les festivaliers des dernières éditions. On a de la chance. Nous avons de bonnes vibes et nous sommes dans une bonne dynamique. Il a fait beau ces dernières années. On a reçu le prix Redbull du meilleur festival. On a une image cool et le public y répond. »

Du côté des Fêtes de la musique, gratuites, qui se sont déroulées la semaine dernière, la question des tickets vendus ne s’est par la force des choses pas posée. Celle de la sécurité par contre a suscité une augmentation du budget de l’ordre de 6% et l’enveloppe qui lui est consacrée a été multipliée par trois. « Comme les Fêtes de la musique sont ouvertes à tous, placées sous le signe de la convivialité, on a dû sécuriser un site qui ne l’était quasiment pas, explique Claire Monville. Un spécialiste nous a épaulés. On a instauré la sécurité à l’entrée et renforcé la présence sur le terrain. La police conseille mais n’impose rien. Parce que personne n’a de solution toute faite. Nous, on s’attendait à ce qu’il y ait moins de monde. Mais plus tu t’éloignes de Bruxelles, moins le climat post- attentats aura d’effet. »

« Il reste davantage de day tickets que l’an dernier mais la proportion de pass et de billets journaliers varie chaque année, termine Frederik Luyten du Pukkelpop. Il est donc faux de prétendre que nous comptons moins de réservations. Nous ne serons capables d’évaluations claires qu’à la fin du mois de juillet. Nous avons pris conscience d’un monde nouveau après les attaques de Bruxelles, particulièrement dans l’organisation d’événements publics comme les festivals. Mais ça n’a pas vraiment attisé l’inquiétude de nos festivaliers. » Méthode Coué ou état de fait? On en reparle à la fin de l’été.

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