Festival Les Inrocks Black XS: la France, tu l’aimes ou tu la tripes

© Olivier Donnet

Wu Lyf, Miles Kane, James Blake, La Femme… Les plus belles promesses de la scène actuelle étaient à Paris (entre autres) pour le festival des Inrocks. Demain, c’était ce week-end. Récit.

Si -comme certains l’affirment- le festival de Dour accueille avec un an d’avance les têtes d’affiche de Rock Werchter, on peut aisément dire du festival des Inrocks qu’il est, lui, l’initiateur de votre (très probable) future discothèque idéale. Il suffit de jeter un coup d’oeil dans le rétro pour s’en convaincre: The Libertines, The White Stripes, MGMT… Autant de groupes passés par le festival avant de dézinguer les planètes pop et indé. Carte de visite approuvée donc. Et puis il s’agit du festival du culte hebdo français Les Inrockuptibles, qui souffle cette année ses 25 bougies. 25 ans d’alternative à la France de Michel Drucker et de TF1 et un festival qui conserve ses valeurs originelles, à savoir la primeur aux découvertes et aux nouvelles tendances. A Paris, rendez-vous avec la France qui danse et qui pense.

Buzz and girls

C’est précisément au 120 boulevard Rochechouart (dans le 18ème arrondissement), non loin de Pigalle et de Montmartre, que le futur a commencé. Soit à la Cigale. Le mercredi 2 novembre. Et dans la salle au décor de théâtre italien régnait un air de catastrophe, de chaos assumé. A faire pâlir les lumières des projecteurs médiatiques mis sur des groupes qui ont pourtant choisi l’ombre et les souterrains. Après une mise en bouche électro onirique de Owlle, et une mise en jambe réjouissante des Normands de Concrete Knives (dont les mini-tubes FM Brand New Start et Happy Mondays vous sont chaudement recommandés pour passer l’hiver), c’était au tour de La Femme, le nouveau phénomène français, d’investir la scène. Oui, LA femme. Celle qu’on rêve finalement tous d’être ou d’aimer: belle bien sûr, sauvage, dangereuse, frondeuse, sexuelle mais pas facile. Le groupe composé originellement de quatre membres masculins (ils étaient plus nombreux ce soir) et d’une chanteuse était attendu avec une excitation palpable suite à son prometteur premier EP Le Podium #1 et n’a pas trahi sa réputation. Les cheveux peroxydés, vêtus de blouses blanches, les Basques ont joué l’urgence avec leur rock teinté de synthé et tenu la fosse de face avec leurs déjà incontournables Télégraphe et Sur la planche. On pense parfois au meilleur de la scène française des 80’s: Taxi Girl, Rita Mitsouko, Elli & Jacno… Mais impossible de classer cette musique finalement indomptable qui devient électro quand on la croit rock, surf quand on la croit psyché, sombre quand on la croit dansante. Tout au long du set, La Femme déambule au bord de la falaise. Et en voiture, à la vitesse d’un James Dean. Hypnotique. A vous remettre de la foudre et des éclairs dans le rock français.

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Wu Lyf se chargeait de conclure la soirée dans une grand-messe apocalyptique. Depuis plus d’un an que les Mancuniens suscitent l’enthousiasme, sur la foi du seul morceau Heavy Pop au départ jusqu’à la sortie de leur premier album Go Tell Fire to the Mountain en juin, le phénomène ne faiblit pas. Force est de constater que le mystère cultivé par ces quatre jeunes d’à peine 20 ans et leur intelligence artistique suscite le respect. Les programmateurs ont d’ailleurs mis tout en oeuvre pour convaincre Wu Lyf de sa présence, eux qui d’habitude contrôlent tout jusqu’au prix des billets de concert. Le groupe avait d’ailleurs déjà été invité à jouer au festival l’an passé mais avait décliné préférant peaufiner son art avant d’effectuer le grand saut live. Le public lui ne s’y trompe pas et se voue corps et âme à ce qui n’est finalement pas un groupe, mais une expérience. On pensait l’album ne pas tenir l’épreuve du temps. Mais bien sûr, Wu Lyf ne s’écoute pas: il se vit. Le chant tellurique et écorché de Ellery Roberts, porté par une guitare lunaire, finit sa route dans les tripes pour les secouer définitivement. Le set est dense. La cigale s’emballe de la fosse au balcon, tandis que certains hurlent les paroles comme si la paix dans le monde en dépendait. Sur scène le propos est rageur, contestataire et fait écho à l’époque. D’ailleurs quel autre groupe à vocation pop parle d’aujourd’hui comme Wu Lyf? Les Britanniques ont en tout cas les atouts pour s’inscrire dans l’Histoire et restent l’une des plus réjouissantes sensations de l’année, ne fut-ce que parce qu’ils sont un concept là où les autres se contentent souvent de n’être qu’un produit. Et en cadeau, une reprise habitée du Wicked Game de Chris Isaak.

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Des jeunes gens modernes

Vendredi 4 novembre, alors que Sarkozy se pavane aux côtés d’Obama à la télévision dans une opération com’ pré-2012 (rendant plus antipathique l’un que sympathique l’autre), on retrouve la Cigale et son effervescence toute parisienne. Mettons d’ailleurs à plat ce futile constat: les Parisiens sont beaux. Voilà, c’est dit. Stylés jusqu’au petit orteil, les filles ont la taille mannequin et les mecs la boucle parfaite. Et ils sont nombreux en plus. « Plus qu’un look, une attitude » disait l’un des frères Gallagher. Peut-être aussi le mimétisme des chansons racées qu’ils écoutent, comme celles servies par Cults. Les Américains s’y connaissent en matière d’habillage sixties et sucré de la plus commune des comptines pop. Confirmation dès le premier morceau, le très réussi You Know What I Mean. Si la voix de Madeline Follin n’est pas toujours très assurée, elle peut compter sur des compositions implacables et des refrains rassembleurs. Tout est charmant, jusqu’à la danse fragile et désarticulé de la Californienne qui provoque malgré tout quelques accélérations cardiaques. La balade Rave On retourne chaque coeur présent un à un tandis que le pétillant single Go Outside met tout le monde d’accord: à défaut d’être culte, Cults est déjà indispensable à 2011. Le cocktail rock-new-wave-pop façon girls bands s’avale d’une traite et laisse même un goût de trop peu (35 minutes de concert, sérieux les gars!?). Et nous voilà amoureux de ce groupe léger comme un mois de juillet.

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Nous passerons la prestation de Laura Marling, dont le folk traditionaliste nous a laissé aussi stoïque qu’un caillou, pour en venir au héros de la soirée: le crooner électro James Blake. Agé de 22 ans, l’anglais est à l’origine d’une petite merveille dubstep-trip-hop concocté modestement depuis sa chambre, soit un premier album homonyme. En live le jeune homme est accompagné d’un batteur et d’un clavier, appuyant ses boucles ensorceleuses et possédées. On ne sait trop si l’on peut danser ou si l’on doit se contenter d’admirer passivement ce spectacle chamanique futuriste. Derrière son piano, James Blake semble lui ne se poser aucune question. Nullement impressionné par son statut de prodige, le chouchou des branchés livre une prestation sérieuse et dépose sur Paris sa patte brumeuse dont on n’a pas fini de sentir les effets.

Voir la lumière

Samedi, on commence notre tour de chauffe avec Morning Parade. Ces Britanniques véritablement séquestrés par leur manager, qui a vu en eux les futurs dieux des stades (des mois qu’ils jouent dans une cave à la recherche de la formule magique), font de la dance avec du rock, ou du rock avec de la dance, on ne sait plus très bien. Le mélange devient en tout cas très vite nauséabond, même si l’on capte ici et là quelques intentions des plus nobles. Mais ne manie pas le gimmick dancefloor qui veut! Les refrains sont gros comme des camions et on croit parfois assister à une BO live de Twilight ou à la naissance des enfants de U2. Et le dernier album des Kings of Leon nous manquerait presque soudainement… Changement d’ambiance salvateur avec Foster the People. C’est à la lumière de leurs aînés MGMT que ces garçons là ont vu le jour et le ton est directement plus coloré. Plus en phase avec le public aussi, venu en nombre pour secouer son samedi soir sur le tube Pumped up Kicks. Mais les Californiens sont malins et savent saupoudrer malicieusement l’assistance de pépites dansantes et harmoniques avant de livrer le meilleur morceau. On pourrait parler de préliminaires mais il y aurait maldonne: ces chansons sont les prochains tubes attendus à leur tour par des hordes de clubbers capricieux. Mais pas faits que pour danser, les bijoux psyché-pop de Foster the People sont aussi autant d’occasion de siffler sous la douche que de draguer des éléphants roses. Et ce tube alors? Tubesque pensons-nous.

Lui ne semble plus avoir vu le soleil depuis la canicule de 76: Miles Kane monte sur scène toute guitare devant comme si les trente dernières années n’était qu’une erreur historique. On pourrait reprocher au britannique d’être en retard de deux guerres (celle du rock et déjà celle du retour du rock), mais l’ex-Rascals met au feu la théorie pour puiser l’énergie dans des riffs tapageurs et concis. Le public, pas rassasié, s’époumone sur les compos du frontman qui aime jouer les petites frappes romantiques so British. La moitié du bluffant projet The Last Shadow Puppets mouille le maillot pour imposer sa trajectoire solitaire et réussit le pari de l’hymne pop intemporelle avec Rearrange, 100% made in Liverpool dont il est originaire. Malheureusement les morceaux de son premier effort Colour of the Trap s’éparpillent sur la longueur et le set connaît quelques moments de flottement. Pour la peine Come Closer remet de l’acide dans les pluies. Rock is dead, et alors?

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Alors certains ont décidé de ne plus le sauver mais seulement d’en détourner quelques codes, tels les Friendly Fires. Les trois anglais reviennent cette année avec un deuxième album (Pala) à la fraîcheur et la sensualité désarmante. Et c’est le mercure qui explose à la Cigale. Porté par des sons tropicaux et diaboliquement entraînants, le chanteur Ed Macfarlane se lance dans des danses dont tout travail descriptif resterait vain. Qui pourrait exorciser ce garçon manifestement possédé?! Tellement atteint qu’il décide de descendre dans la fosse pour chanter littéralement au corps à corps avec le public. Cela a le mérite d’appuyer définitivement l’esprit festif de mélodies élevées aux néons des dancefloors qui n’en demandaient pourtant pas tant. Près d’une heure de show à ce rythme: les peaux sont plus brûlantes que tous les soleils du monde. (Très) sympathique feu (de joie).

Le Festival Les Inrocks Black XS s’achève ici pour nous. Lui continue: à Paris jusque ce lundi 7 novembre, et dans sa forme itinérante à travers la France jusque mardi 8 novembre. Il manque bien sûr quelques immanquables à la liste des concerts vus comme nos compatriotes et excellents Balthazar, la sensation rock vintage Hanni El Khatib, ou encore l’indispensable mélancolique Timber Timbre. Tant pis. Reste le souvenir d’un enthousiasme intact de la part des Inrocks pour défricher les nouveaux talents, conservant la conviction qu’un disque peut changer la vie. « Plus qu’un look, une attitude ». Définitivement. Et des vidéos à voir à cette adresse: http://blogs.lesinrocks.com/festival-les-inrocks/replay/.

Maxime Morsa

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