Fallait pas m’inviter, semaine 10: Et donc, c’était comment, Intouchables?

Revenu de ses chroniques nocturnes, Guillermo Guiz plonge cette année dans le monde du spectacle et de l’art. Pour y découvrir des formes que sa grossière inculture lui avait cachées jusqu’ici. Fallait pas m’inviter, ça se poursuit ce vendredi. Avec une percée dans les salles obscures.

J’étais vierge, niveau Cluzet en tétraplégique (si ça c’est pas de la phrase d’intro forcée…). Bon, cette semaine, tu ne m’en tiendras pas rigueur, j’ai opté pour l’évidence. La facilité. Ou plutôt l’apparence de la facilité. Parce que c’est d’Intouchables, le gros carton français du moment, que je vais causer. Rassure-toi: le volcan Dayez qui sommeille en moi n’a pas décidé d’éjaculer sa lave sur cette page virtuelle, transformant son auteur en critique de ciné à cinq sous. Comme pour l’essentiel des sujets que j’évoque dans « Fallait pas m’inviter », le Septième Art n’a pour moi qu’une résonnance affectueuse, laquelle ne se conjugue avec aucune expertise reconnue par la loi. Donc, que ce soit répété: mon opinion sur ce film n’a pas valeur particulière. Le film, en lui-même, n’a d’ailleurs qu’une portée anecdotique: pour sympathique qu’il soit, Intouchables est aussi riche en bons gags qu’il est perclus de maladresses, de panneaux indicateurs d’émotions (là, gros plan sur les yeux mouillés avec musique tout plein de piano pas terrible) et de clichés. Vite vu, vite oublié, plutôt bien aimé.

Non, ce qui me semblait amusant dans la démarche, c’était d’aller mater un film dont tout le monde avait déjà parlé. Et que tout le monde m’avait déjà vendu. J’avais non seulement eu droit aux critiques des uns, aux commentaires des autres, au rayonnement des réseaux sociaux (Facebook et ses statuts pro-Intouchables par dizaines), mais également aux analyses, aux post-analyses et aux néo-post-analyses, un peu à la manière d’une Amélie Poulain, dont les supposés desseins cachés avaient été décortiqués pas de bien tortueux esprits. J’avais même ouï dire (lire en l’occurrence, parce qu’ouïr lire, c’est pas pareil, ça marche moins bien) qu’aux Etats-Unis, un célèbre quotidien ou hebdo new-yorkais était rentré dans le lard d’Eric Toledano et Olivier Nakache, coupables, selon la feuille, d’un film stéréotypé, voire raciste, voire surtout très mauvais. En gros, tout le monde était dithyrambique sauf ceux qui ne l’étaient pas. Et ceux qui ne l’étaient pas avaient fameusement l’air, vu de l’extérieur, de snobs aigris en quête de reconnaissance intellectuelle, de ceux qui ont TOUJOURS envie de couper le steak en 13, histoire d’arracher le nerf que les plus petits humains, dans leur sinistre ignorance, n’avaient pas décelé. Un chipotage utile à certain moment, mais qui pue quand même violemment la volonté d’exister systématiquement par la tangente.

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L’exemple du Fabuleux destin d’Amélie Poulain, détesté à rebours par une partie de la critique, s’était récemment trouvé un autre maître, avec Bienvenue chez les Ch’tis, dont le seul tort fut d’avoir amusé trop de monde. Même registre, mais en maillot (bleu et grenat): devant la domination mainstream et l’admiration mondiale dont il bénéficiait (et bénéficie toujours), le Football Club Barcelone s’était parfois fait allumer par la presse intello du ballon rond. So Foot, magazine que j’adore pourtant, s’était ainsi mis en tête de défendre l’ignoble José M. contre le degré 500 de la beauté gestuelle. Snobisme érigé en art ou volonté extrême de torpiller la pensée unique, peu importe: ce n’est pas parce que tout le monde aime un film, un groupe ou une équipe de foot qu’il y a forcément une couille dans le potage du bon goût. Parfois, simplement, le plus grand nombre peut taper dans le mille. Le King of Pop, même bien froid, c’est Michael Jackson, et c’est du mainstream de classe. Ceci nous éloigne un peu d’Omar Sy et de François Cluzet. Perso, j’avais un a priori plutôt positif sur le film: Cluzet est l’un de mes acteurs français préférés (depuis Les Apprentis de Pierre Salvadori) et Sy, surtout pour Omar & Fred (et surtout avant le SAV d’ailleurs), me fait plutôt bien rire en général.

Donc, l’exercice mental est (tout sauf) simple. 1) Les acteurs du film t’inspirent confiance 2) Le public adhère à mort et en fait un succès de masse 3) La presse est ultra-divisée 4) Devant les succès de masse, la critique pointue à quelques fois tendance à pisser dans du sable, juste pour écrire son nom 5) Ce n’est pas parce qu’elle pisse dans le sable qu’elle a tort 6) Bref, la seule manière de s’en aller vierge et découvrir un film qui marche, c’est de se masturber la tête au maximum pour oublier tout ce qu’on a lu ou entendu. Impossible. Chaque plan, chaque scène crie les « c’est pas si bien que ça » et les « c’est pas si pourri que ça ». Va-t’en, dans ces conditions, profiter du spectacle. Heureusement qu’il y les M&M, imperturbablement hors de prix certes, mais ultra réconfortants dans le fond de la dent. A la fin du film, je me suis dit qu’il faudrait simplement lui trouver un adjectif. Le premier à débarquer fut « mims » (ou son équivalent « un peu mignon comme ça »). Mais j’opterais pour « feel-good-movie-pas-top-marquant ». C’est moins facile pour le féminin et pour le pluriel, mais c’est toujours mieux que rien. En gros, je reviendrai, si je continue à payer dans le vide ma carte UGC Unlimited (si ça c’est pas une fin forcée!).

Guillermo Guiz

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