Europavox : euro-visions

© OLIVIER TRALONGO

Le vainqueur de notre concours Europavox, festival européen de la musique qui s’est tenu ce week-end, nous a ramené ses impressions de Clermont-Ferrand. Et elles ne sont pas piquées de hannetons…

Par Maxime Morsa

Du 20 au 23 mai se tenait le festival Europavox à Clermont-Ferrand. Quatre soirs de musiques exclusivement européennes, où têtes d’affiche et groupes plus confidentiels se sont succédé. Quand le vieux continent donne de la voix, il est bon de l’écouter.

Si l’on prononce le terme Europe aujourd’hui, résonneront automatiquement les mots austérité et rigueur -et là on ne parle pas de l’allure de notre cher Herman Van Rompuy national. L’ambiance est à la morosité à Bruxelles. Il paraît que l’Europe va mal, qu’elle est malade. Bref les temps sont durs et cela ne devrait pas s’améliorer, nous dit-on. Mais à Clermont-Ferrand, on se moque franchement de la santé de l’économie européenne.

L’Europe chante encore et c’est tout ce qui compte.

Europavox fêtait cette année sa cinquième année. Peter Doherty, Gaëtan Roussel, Richard Hawley ou encore Arno étaient notamment de la partie. Depuis 2006, ce festival a pour ambition d’être le porte-voix de la scène continentale. C’est aussi l’occasion de donner un coup de projecteur sur le pays qui assure la présidence tournante de l’UE -l’Espagne pour cette édition. Europavox s’installera d’ailleurs à Bruxelles en automne. En attendant, les têtes d’affiche ont confirmé leur statut et les découvertes ont été nombreuses sur les trois scènes aménagées pour l’occasion.

Ouverture énergique

Le premier soir faisait la part belle au rock indé, à l’électro et… à Camélia Jordana. Alors « non non non « , elle n’a certainement pas séduit les rockers pur-sang avides de guitares et de bières. Mais « non non non », ce n’était pas si mal. La jeune fille a une voix qui lui permet de passer d’un répertoire soul ou bluesy à de la variété française même pas trop insupportable. Chapeau donc. Sur une autre scène (Magic Mirrors), les Tokio Sex Destruction ont mis le feu. Le groupe espagnol a joué une partition plutôt inventive.

Rock nerveux et funk débridé se sont succédé pendant leur set. Le chanteur a littéralement fait l’amour à son clavier. La fête était à son comble. Et pour la poursuivre, on a dansé avec la jolie Jen Onesailor. La DJ française a terminé de nous mettre sur les genoux à coup d’électro. Il ne restait plus qu’à aller se coucher.
Le deuxième soir était l’occasion de voir des Belges sur scène. Black Box Revelation a présenté son foudroyant album Silver Threats. Malgré une assistance peu nombreuse, le rock garage du duo a convaincu. Changement de décor ensuite. Rachid Taha a pris possession de la Coopérative de mai (scène principale) avec des invités de marque. Après que Gaëtan Roussel l’a rejoint pour jouer un morceau fruit de leur collaboration, c’est Mick Jones (ancien guitariste des Clash) qui est monté sur scène. Les deux artistes ont alors offert une prestation époustouflante.

C’est d’abord le répertoire de Rachid Taha qui a été revisité, avant deux reprises presque inespérées des Clash. Mick Jones a même chanté sur Should I stay or should I go. La rencontre entre cultures a véritablement fonctionné. Après, Gaëtan Roussel est revenu sur scène pour son show cette fois. Le Français confirme son virage résolument pop et s’abandonne sur quelques perles d’une simplicité émouvante (Des questions me reviennent, Les belles choses). Hocus Pocus (groupe français) jouait en même temps sur une autre scène. On nous souffle que le concert était renversant.

British rock is not dead

Troisième soir. On fait une pause douceur avec Hindi Zahra. La chanteuse franco-marocaine, dont l’album Handmade a fait forte impression à sa sortie, a charmé avec ses mélanges de styles et influences. « Mon objectif est de réunir le blues, le jazz, la musique orientale, la pop, etc. et de construire une musique qui me ressemble. Pas seulement assembler les genres, mais construire un ensemble cohérent », nous confie-t-elle. Et c’est réussi. Hindi Zahra nous a envoûtés pendant près d’une heure.

Après Rachid Taha, on peut dire que la France et la musique orientale font bon ménage. C’est ensuite au tour de Peter Hook de nous faire voyager dans un autre monde. L’ancien membre de Joy Division (qui vient tout juste de recevoir la médaille de Clermont-Ferrand) nous envoie dans le passé, en reprenant l’ensemble de l’album Unknow pleasures sorti en 1979. Trente ans après le suicide de son chanteur Ian Curtis, la musique de Joy Division n’a rien perdu de sa fougue et de sa noirceur. Beaucoup dans la salle n’ont pas l’âge d’avoir connu le groupe originel, mais tous s’oublient complètement avec la prestation de Peter Hook et connaissent les chansons par coeur.

La fin du concert est tout simplement grandiose avec l’interprétation de Transmission et Love will tear us appart. En 1979, Margaret Thatcher devenait Premier ministre du Royaume-Uni et Unknow pleasures naissait. Aujourd’hui les conservateurs sont à nouveau au pouvoir et Peter Hook ressuscite le célèbre album du groupe. Faut-il y voir un signe? Dans une autre salle, Richard Hawley (lui aussi britannique) a brillé avec son folk sombre et mélancolique. Et le groupe suédois JJ a clôturé la soirée dans une atmosphère pop rêveuse. On n’est pas encore revenu sur Terre…

Doherty, plus british que jamais

Le dernier soir était LE soir pour tous les jeunes amateurs de rock de Clermont, puisque que Peter Doherty venait pour la première fois. Avant cela, les Danois de The Kissaway Trail se sont distingués. Leur musique oscille entre rock et pop et laisse entrevoir quelques succès radiophoniques. Les Plasticines sont ensuite montées sur scène. « C’est un peu pourri ça non?! », lance une fille avant le concert. C’est vrai que les 4 filles ont parfois difficile à se faire accepter hors des frontières parisiennes. Pourtant, il faut bien reconnaître qu’elles envoient du vrai rock garage qui n’a rien à envier aux autres groupes, avec un set presque exclusivement en anglais.

Le son et l’énergie sont là. « C’était pas si mal en fait », conclura finalement la fille à la fin du concert. L’idéal avant d’accueillir Peter Doherty en tout cas. Le Rimbaud du rock (qui n’est pas français mais anglais donc) est arrivé à l’heure! Avec juste une guitare et une bouteille de vin. Il a livré une prestation élégante et poétique. On a entendu des titres des Libertines, des Babyshambles et issus de son album solo, ainsi que quelques raretés qui étaient les bienvenues (Dilly Boy, The ballad of Grimaldi). La très pop chanson What Katie did est toujours aussi efficace.

On assiste aussi à quelques moments plus intimes avec Lady don’t fall backwards et Down in Albion. Plus british que jamais, Peter Doherty est certainement ce que l’Europe a offert de meilleur depuis de nombreuses années. Tandis qu’au Magic Mirrors (une autre salle) la belgitude d’Arno battait son plein. La Belgique peut rentrer la tête haute.

Place to be

Le festival Europavox s’achève donc là. Pas de problème « de type grec » (comme à Cannes) ici… Même Peter Doherty est venu (c’était la question qui agitait les spectateurs). Clermont-Ferrand aura été la réelle place to be. Les européens ont chanté, ont dansé, ont échangé… Le mélange des styles comme horizon, le festival a prouvé que la culture rassemblait et qu’elle était sans doute l’unique bouée de sauvetage de nations perdues. Impossible de voir tous les groupes présents évidemment…

Mais on repart avec l’idée d’une Europe plus vivante que jamais, loin des représentations souvent bureaucratiques des commissaires européens et des institutions. Europavox a réussi son pari. Et bientôt, lorsqu’on vous demandera quel genre de musique vous écoutez, vous pourrez répondre: « De la musique européenne! ». Vous serez alors de vrais branchouilles. Bientôt…

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