Serge Coosemans

Et soudain, ça parla de sexe!!!

Serge Coosemans Chroniqueur

Dernièrement souvent interrogé au sujet de l’absence de sexe dans ses chroniques noctambules, notre désormais très vieux Serge explique ses attentes et ses visions d’une fête parfaite. Tout cela pour pécho en douce. Sortie de route, SO2E08.

Je suis né le 19 octobre 1969 et 43 ans plus tard, ce vendredi, T. Raumschmiere martyrise les aiguilles des platines de la Leftorium. On me dit qu’en trois fois moins de temps qu’il ne m’a fallu pour écluser une dizaine de verres, la plupart offerts, il a déjà pété une poignée de têtes de lecture, un vrai barbare. Le gars a l’air aussi démonté que sa musique, pourtant nettement plus audible que par le passé, mais je ne suis plus en état de fort m’en préoccuper. Il pourrait passer des valses de Vienne sous une aiguille à tricoter que cela ne changerait absolument rien à mon sourire perché et à ma tronche bien saisie. Faut dire que la première coupe de champagne a été avalée à 14 heures et que depuis, parents, amis, organisateurs, connaissances et même quelques parfaits inconnus m’ont encore davantage considérablement rincé le gosier et souhaité une vieillesse heureuse. Je ne comprends plus grand-chose à tout cela sinon que la Leftorium reste toujours ce genre de soirée où l’on peut rire cinq minutes avec des filles sans que la pimpette ne se sente analysée comme une morue fraîche à la Minque d’Ostende, pauvre petite victime d’un regard Zoolander en passe de très vite finir panée et tambourinée sur un capot d’Audi. Ça se parle, ça se sourit, ça se touche et si l’ecstasy y est certainement pour beaucoup, cela fait tout de même une très belle différence par rapport à ces trop nombreuses autres soirées bruxelloises où trop de gens sont prêts à sortir haches et kalachnikovs dès qu’on leur adresse la parole. Et donc, on en vient à parler de cul, la donzelle et moi, sans enjeu, sans drague, parfaitement détendus, et c’est la troisième fois en moins de dix jours que quelqu’un me sort que le cul, c’est le sujet totalement absent, ou presque, de ces Sorties de route. Le grand trou (chaud et plein de poils) d’un topo noctambule qui n’a pourtant pas l’air d’avoir eu beaucoup de tabous, au bout d’un an d’existence.

Fréquentant quelques serial-dragueurs et connaissant aussi pas mal de collectionneurs de râteaux, des anecdotes de drague et de (non) sexe de nuit, j’en connais bien quelques-unes, certaines même hilarantes. Ma préférée: celle du potosse qui se fait chauffer sa petite affaire dans l’ascenseur des Marolles au matin blême, se rend compte qu’il y a une caméra de la STIB qui enregistre le tout et stresse ensuite pendant bien 15 jours à l’idée qu’un employé facétieux n’uploade les images sur YouTube!!! Prix du mérite: se rouler des pelles sous une table, cachés par la nappe, pour ne pas être vu par le petit ami aussi haut que large, parti se ravitailler au comptoir et boire ses bières comme si de rien n’était à son retour. C’est amusant, tout cela, cela fait partie du monde nocturne, cela en dessine des réalités, mais cela reste aussi essentiellement de la forfanterie. Et pour deux trucs relativement marrants du genre, il y en a deux-cents de positions sexuelles acrobatiques et de décors coïtaux improbables qui sont totalement sans intérêt dans un cadre autre que le Guinness Book of World Records. Se gargariser de coups superbes et d’enroules majestueuses, c’est à peu près aussi élégant qu’une gourmette en or, des seins refaits et une clé de Porsche laissée en évidence sur une table. Ce n’est rien de plus que de l’extrême beaufitude pour quelqu’un comme moi, qui estime que les plus belles réussites en matière de drague et de sexe sont discrètes, voire même totalement secrètes; des opérations pouvant carrément être niées si interrogé par des tiers, même amis.

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De plus, j’estime que ceux qui ne retiennent que l’aspect chasseur de la fête en ont tout de même une approche assez malsaine. Beaucoup de gens ont écrit là-dessus, très bien même pour certains, dont Beigbeder quand il est le plus inspiré, Guillaume Dustan et ses récits de clubbing gay prédateur, voire même dans un genre nettement plus pisse-froid, Michel Houellebecq, qui disait que « le but de la fête est de nous faire oublier que nous sommes solitaires, misérables et promis à la mort. Autrement dit, de nous transformer en animaux. »

Vu que je ne me retrouve pas du tout dans cette compétition narcissique, je passe en fait beaucoup de virées sans drague, ni sexe, et plutôt en compagnie de gens principalement motivés par le fait d’être ensemble, rire, partager des histoires, échanger des choses, ressentir une certaine liberté, une sérénité, découvrir des lieux différents, des musiques audacieuses et puis, éventuellement, si cela se présente, s’enrouler et finir au plumard. Une fête ratée est une fête où les gens tirent la gueule, pas une nuit d’où on revient seul et la discothèque n’est pas un passage obligé lors de périodes de solitude, lieu quelque peu sordide où laisser s’exprimer des instincts et des comportements trahissant un mal-être énorme. Quelque part où ne plus jamais foutre les pieds dès que l’on forme un couple, en d’autres termes. Car c’est justement quand les roustons sont apaisés ou désintéressés et l’esprit détendu que les fêtes se font les plus belles. Quand la maturité fait préférer l’aspect culturel et social à l’appel de la grosse veine bleue et des montées d’oestrogène.

Ce n’est pas toujours évident à assumer, surtout dans un pays comme la Belgique, où quelqu’un passé 35 ou 40 balais qui sort encore en boîte a des chances d’être considéré comme un rabatteur de réseaux pédophiles, un flic en civil, un père à la recherche de sa progéniture ou un indécrottable loser à la vie sexuelle de moine pervers. C’est qu’aussi renommé pochetron et fêtard qu’il soit, le belge est au fond quelqu’un de très normatif, qui tolère beaucoup de choses la nuit tant que cela reste de l’ordre du rite de passage, que cela ne devient pas une culture assumée. C’est idiot mais c’est comme ça: il y a cette idée bien imprégnée que la discothèque descend du bal populaire, qui servait essentiellement à trouver une femme aux paysans. Et donc, personne ne trouve à redire des jeunes queues qui chassent la blonde en espérant qu’elle blinque un jour le sol de la cuisine pendant qu’ils rotent leurs bières devant le foot. Par contre, certains prétendront ne jamais comprendre ces couples, groupes et bandes de vieux clubbeurs toujours verts qui font tout le sel de soirées comme cette Leftorium; proposition de clubbing essentiellement axée autour d’un sens du partage et du plaisir qui n’a pas grand-chose à voir avec le darwinisme de boxer-short. Dit-il d’un oeil bien lubrique (contactez la rédaction, qui transmettra).

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