El Vy, nouveau projet du chanteur de The National

El Vy, le nouveau groupe de Matt Berninger (à droite) et Brent Knopf (à gauche), sera en concert à l'AB le 7 décembre. © Deirdre O'Callaghan
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Échappé de The National, Matt Berninger s’associe avec Brent Knopf (Menomena) pour le nouveau projet El Vy. Et pose la question: c’est quand, la dernière fois qu’un disque a changé votre vie ?

Il n’a pas fallu longtemps: à peine annoncé, le concert d’El Vy, prévu le 7 décembre prochain à l’Ancienne Belgique, a affiché complet. Pas mal pour un projet encore inconnu il y a six mois à peine, et qui ne sort son premier album, Return to the Moon, que ces jours-ci. Pas mal, mais pas totalement surprenant. Derrière El Vy, il y a en effet un duo: celui formé par Brent Knopf -leader du groupe Ramona Falls et ex-membre de Menomena, tous deux issus de Portland-, et puis surtout Matt Berninger, chanteur charismatique de The National, ex-secret indie rock le mieux gardé des USA, devenu désormais extra big. Pour donner une idée, ces dernières années, le band est devenu assez important pour remplir Forest National. On comprend mieux l’emballement autour d’El Vy…

Les présentations faites, reste à définir les contours de… de quoi au fond? De la collaboration? Du side-project? Du supergroupe? Matt Berninger coupe court: « Ce n’est pas un groupe, parce que l’on en a déjà chacun un, auquel on tient. » Et de prolonger: »A cet égard, trouver un nom a été compliqué, parce qu’on ne voulait surtout pas que cela puisse justement sonner comme celui d’un groupe. C’est la principale, et en fait la seule discussion que l’on a eue quant à l’identité du projet. Ce qui est plutôt étonnant, vu notre capacité commune à se prendre la tête » (rires).

Voici donc El Vy -prononcez « elle vaille »-, entité aux contours musicaux flous, qui rappelle forcément les univers de ses deux auteurs, tout en ne leur ressemblant jamais. Brent Knopf: « On savait qu’on ne voulait pas que cela ramène trop à nos groupes respectifs. Mais on savait aussi que cela ne servait même à rien d’essayer. » Ou encore résumé par Berninger: « C’est comme les enfants d’un second mariage. Ils vous ressemblent et, en même temps, sont forcément différents de vos aînés » (rires).

Pour mieux comprendre la nature d’El Vy, il faut peut-être remonter à ses origines. Cela fait un moment que Knopf et Berninger se connaissent, depuis une douzaine d’années environ et une tournée commune entre The National et Menomena. Il y a cinq ans d’ici, Berninger propose à Knopf de lui envoyer les esquisses de morceaux dont il ne fait rien. « Je savais qu’il avait toujours beaucoup d’idées. Pas seulement bonnes, mais aussi nombreuses ». Matt ne croit pas si bien dire. Knopf lui balance les brouillons emmagasinés pendant dix ans. Soit quelque onze heures de musique, rassemblant quelque 450 fichiers, bouts de chansons en friche. Berninger commence alors à faire le tri, et range tout dans un fichier de son ordinateur, qu’il baptise Moon. « Un nom trop banal pour que qui que ce soit ait envie d’aller y fouiller », rigole l’intéressé. Mais pas seulement. « La lune, c’est aussi l’idée d’évasion, d’un monde à part, un peu secret… » Matt Berninger nous voit arriver: « Avec ce projet, il ne s’agissait pas de s’échapper de The National. Mais plutôt de la vie en tournée. J’adore la scène, mais tout ce qui tourne autour peut devenir très vite pesant. Au lieu de me retrouver au bar à boire des coups ou au club à faire la fête, je filais dans le tour bus pour bosser sur mon ordinateur, mes écouteurs sur les oreilles. Ces moments m’aidaient à me retrouver, à me connecter avec moi-même. En tournée, quand vous vous retrouvez souvent à flotter, un peu comme un astronaute dans l’espace, ce n’est pas superflu… »

Teenage years

La suite est une question de momentum. L’an dernier, Berninger et Knopf réussissent à bloquer un créneau dans leurs agendas. Avec tout ce qu’ils ont accumulé et ce qui reste encore en jachère, il y a matière à album, et même plus. Ils se rendent en effet compte à quel point Return to the Moon balaie les mêmes thèmes. Sans que cela ne soit prémédité, le disque se retrouve à tourner autour de l’adolescence. Un effet collatéral de la crise de la quarantaine? Berninger: « Ce n’est pas tellement une question de nostalgie. L’idée est plutôt de revenir sur ce moment où la musique vous aide à trouver votre identité. Ado, je me sentais paumé à Cincinnati. J’étais le nerd un peu arty, qui se promenait en combat shoes et en imper. Certes, je jouais au football, mais je n’aimais pas ça. Du coup, la première fois que j’ai écouté des groupes comme les Smiths ou REM, je me suis senti un peu moins isolé. Tout à coup, je trouvais une connexion au monde. » Vingt-cinq ans plus tard, la fonction de la musique n’a d’ailleurs pas fondamentalement changé pour Berninger. Il a beau être passé de l’autre côté du miroir, l’objectif est resté identique: « Elle m’aide à me dire que c’est OK d’être tel que je suis, ce père un peu effrayé, maladroit et socialement un poil inadapté » (sourire).

Entre les lignes, Return to the Moon évoque encore The Minutemen, groupe punk californien enragé et socialement engagé, des années 80. Ils servent en quelque sorte de parabole pour évoquer l’impact que peut avoir la musique. Y compris politique? Sur Paul Is Alive, Berninger chante par exemple: « Beatlemania made my mother think the way she does. » « Et avec The National, vous avez soutenu Obama », rappelle Brent Knopf. « C’est vrai, concède Matt Berninger. Mais je ne crois pas que la musique soit un outil de changement. Elle permet de relier les gens, de les rassembler autour d’une idée. Mais c’est tout. » Difficile d’ailleurs de trouver encore des artistes prêts à ruer dans les brancards. Brent Knopf: « C’est devenu très compliqué. Tout le monde est conscient que militer pour un candidat est casse-gueule, parce que vous avez beaucoup de chance d’être déçu une fois qu’il sera en fonction. Du coup, c’est difficile d’adopter des positions trop tranchées. Sauf évidemment sur Donald Trump. » Evidemment.

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