Critique | Musique

Drake – Take Care

HIP HOP | Après le carton de Thank Me Later, le rappeur canadien réussit un 2e album aussi évident que culotté. Une sorte de r’n’b romantico-gothique, plus vicieux qu’il n’en a l’air.

Drake, Take Care, distribué par Universal. ****
Ecouter l’album sur Spotify.

A quel moment les choses ont-elles basculé? Quand a eu lieu précisément le grand chambardement? Il n’y a pas si longtemps, le rap était encore (à) la marge. Il avait beau varier les gammes de couleur -festif, gangsta, politique, second degré… -, il restait un genre en soi. Un « segment » comme on dit. Et cela, même en faisant régulièrement des incursions vers le grand mainstream. Aujourd’hui, il n’a pas seulement intégré la pop, il en est devenu le centre de gravité. Mieux: il ne s’est pas contenté de prendre ses aises, il a aussi fait bouger les lignes. Le rap ne s’est pas dilué dans la pop, il l’a poussée dans des recoins inédits.

On pense à ça en assistant à l’agitation suscitée par la sortie du 2e album de Drake. En gros, cela fait un peu plus de 2 ans que le rappeur canadien (né Aubrey Clark Graham, le 24 octobre 1986) fait frétiller les charts. Son premier album, Thank Me Later (2010), avait cartonné, mais sans forcément nous convaincre. Difficile de s’emporter pour ce qui faisait penser à une version rangée de l’univers et, surtout, du flow du rappeur Lil Wayne -qui a d’ailleurs signé Drake sur son label, Young Money Entertainement… Aujourd’hui, voilà Take Care, et il faut donc trancher: Drake, nouveau petit génie ou hype forcément éphémère?

Double effet

Dès le départ, il faut au moins reconnaître une qualité à Drake: une certaine audace. Le rappeur aurait pu capitaliser le succès acquis jusqu’ici. Take Care montre au contraire un artiste braqué sur une idée, têtu et bien décidé à s’y tenir. De loin, l’album peut passer pour une simple roucoulade r’n’b (Over My Dead Body en ouverture), le genre de miel romantique qui a trop englué le genre. Rapidement pourtant, un certain malaise s’installe. Shot For Me laisse encore planer un doute avant qu’Headlines commence à plomber tout doucement l’ambiance. C’est le double effet Drake: le chant pour crooner, le flow rap pour balancer les vacheries.

Le rappeur n’a surtout pas peur de creuser tout le long la même veine parano et déprimée, quasi gothique (Buried Alive). Le rapprochement avec Kanye West (l’album 808’s & Heartbreak par exemple) s’impose. A cet égard, Drake se permet aussi en 2011 de sortir un véritable album, cohérent et abouti. Take Care flirte même par moment avec la monochromie. Tout en évitant, de justesse, la monotonie. Chaque titre s’arque ainsi sur une production au cordeau, principalement celle du fidèle 40 (Noah Shebib). Un travail du son très précis (écouté au casque, Take Care prend définitivement un autre relief), qui réserve plein de surprises ou de petits twists. Le morceau-titre (avec Rihanna) s’arque par exemple sur un remix de Gil Scott-Heron par Jamie XX. Ailleurs, c’est The Weeknd qui fait de Crew Love un ovni r’n’b fascinant.

Du coup, on a envie de s’emballer pour le disque de Drake. Evidemment, avec ses 80 minutes, l’album est beaucoup trop long et lourd à digérer. Mais c’est aussi pour ce genre d’excès, de parti pris, que Take Care intrigue. Et risque de ne pas quitter de sitôt notre playlist.

Laurent Hoebrechts

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