Dour, dimanche: le meilleur d’une dernière journée chargée

Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Où il est notamment question d’un Lomepal triomphant, de la machine de guerre Thee Oh Sees, d’un Girls in Hawaii des grands jours et de la tornade BCUC.

Black Flower

Voyage voyage… Dimanche sous le cagnard, en début d’après-midi, le Labo avait des petits airs de sauna et d’Éthiopie. On se serait même presque cru dans un film (Broken Flowers bien sûr) de Jim Jarmusch. Emmené par le saxophoniste et flûtiste Nathan Daems, les Belges de Black Flower font dans l’éthiojazz. Sont fans de Mulatu Astatke et de Mahmoud Ahmed. Mais ils ont aussi plus qu’un faible pour le dub, les Balkans et l’afrobeat d’un Fela Kuti. On y a même vu un mec jouer avec des coquillages… Dites-le avec des fleurs. (J.B.)

Equal Idiots

Equal Idiots
Equal Idiots© Olivier Donnet

Ils étaient du dernier Rock Werchter. Ont disputé la finale du Humo Rock Rally (c’était en 2016) et passé cinq semaines en tête de De Afrekening, le top de StuBru. Une guitare, une batterie. On connaît la formule. À défaut de réinventer la roue, les Equal Idiots (nettement moins connus au sud qu’au nord du pays) font de la musique pour se saouler la gueule et insulter le monde entier. Le tandem d’Hoogstraten s’est même fendu d’une reprise en franco yaourt de Ça plane pour moi. Anecdotique mais sympa… (J.B.)

Vels Trio

Badbadnotgood et Robert Glasper posaient leur patte sur les précédents jours de Dour. Les jeunes loups de Vels Trio suivaient, de près, leur trace entre jazz expérimental et hip hop, ce dimanche. Désormais classée parmi les incontournables de la scène jazz londonienne, la formation hypnotisait particulièrement ses instrumentaux hip hop, entre groove irrésistible et froideur tranchante. Tout sourire, l’équipe heureuse d’être là a prolongé cet état de grâce. Moses Boyd (batteur hors pair dont ils ont déjà assuré la première partie) les a en effet succédés, plus tard dans la soirée, sur la même scène. (M.-H.T.)

Lysistrata

Une heure avant la finale contre la Croatie ce dimanche, les français de Lysitrata avaient déjà fait gagner leur pays. Les trois maigres ados enchainaient en effet les uppercuts math-rock et noise avec une facilité déconcertante. Chacun tenait un micro, sur scène. Mais les cris furieux de Ben, leur batteur, perçaient plus que tout. À l’aise en mode stoner et balaizes sur des passages à la Fugazi, leur prestation d’une redoutable précision se vivait comme une descente aux enfers fascinante. Lysistrata, champion du monde? (M.-H.T.)

Flavien Berger

Flavien Berger
Flavien Berger© Olivier Donnet

C’était un peu l’échauffement des Bleus avant leur finale de Coupe du monde. En attendant son nouvel album prévu pour l’automne (Contre-Temps a été enregistré entre Paris et Bruxelles), Flavien Berger met dans sa poche les festivals d’été. Sa pop wave en français leur va plutôt bien au tein. Vomi turquoise, endorphine envolée… Seul avec ses machines, sa petite moustache et ses longs tifs, Berger célèbre le synthé, le kraut et la fête foraine. Fait danser la plèbe et réinvente le cri de Dour. Un beau numéro. (J.B.)

Ezra Collective

Réveiller une après-midi de plomb en festival est une mission délicate. Le faire pile au début d’une retransmission de finale de Coupe du monde française, à Dour, accroit les dangers. Quintet vénérant Fela Kuti, Ezra Collective réussissait ce paris envers et contre tout. Le quintet afrobeat réveillait l’après-midi jazz du Labo, après Vels Trio. Comme un seul homme, le chapiteau sautait entre percussions de carnaval brésilien et de passages presque house. Pas de doute, le renouveau de la scène jazz londonienne a bien eu lieu. Et il n’oublie pas de faire la fête… (M.-H.T.)

Kokoko

Une machine à écrire pour boites à rythmes, une batterie fabriquée avec un grille-pain et une harpe conçue à partir d’un volant de voiture… Animé par des musiciens et des artistes plasticiens congolais, Kokoko réinvente la musique électronique avec des objets de récup. Entre art du bricolage et esthétique du recyclage, Kokoko, tout de jaune vêtu, fait remuer avec les instruments du bord. Quand le Do It Yourself de Kinshasa prend d’assaut le dancefloor… (J.B.)

BCUC

Ce n’est pas un groupe, c’est une tornade. Une tornade de Soweto qui qualifie sa musique de jungle africaine. BCUC (pour Bantu Continua Uhuru Consciousness) a mis à Dour l’une des grosses claques de son week-end. Des rythmes traditionnels Nguni et Tsonga, des percussions tribales, une énorme basse, des sifflets de mineurs ou encore une corne Imbomu (l’ancêtre de la vuvuzela)… Festifs et contestataires (ils veulent s’attaquer aux maux qui rongent l’Afrique), les Sud-Africains de BCUC réinventent la transe. Font muter la no wave. Et revendiquent l’héritage de Fela. Free funk, world, post punk… Grosse grosse bamboule malgré la concurrence de l’équipe de France. (J.B.)

Girls In Hawaii

Girls In Hawaii
Girls In Hawaii© Olivier Donnet

Depuis leur première apparition, en 2002 (alors qu’ils n’avaient même pas encore sorti leur premier EP), les Girls en ont fait des Dour. Celui de cette année était un grand cru, grâce à un jeu collectif puissant, et surtout extraordinairement dense. Fallait voir Rorschach, par exemple, se transformer petit à petit en un véritable monstre sonique, renversant tout sur son passage. Au moment où la France remportait sa seconde Coupe du monde, le groupe terminait encore avec un Flavor particulièrement foufou, Antoine empoignant un drapeau noir-jaune-rouge, grimpant tout en haut de la colonne de baffles. Dernière image: le groupe quittant la scène, alors que la sono lance le Viva Mexico du Grand Jojo. Olé, olé, they are the champions. (L.H.)

Tshegue

Flanquée d’un maillot des bleus, Tshegue réécrivait à Dour les titres afropunk de Survivor, son premier EP. Sa chanteuse congolaise Faty Sy Savanet y glissait ainsi des « on a gagné » dans certains de ses textes. Champion du monde, son pays d’adoption n’était – heureusement – pas au centre des débats, ce dimanche. Entre rythmes afros, rock et transe, l’heure était plutôt aux percussions, stars du concert. D’une batterie digitale à une section garnie d’une caisse claire et de congas, difficile de rester immobile. Danser et rire aux éclats? Une bonne idée pour célébrer une victoire. Ou digérer une défaite, selon les points de vue. (M.-H.T.)

Thee Oh Sees

Thee Oh Sees
Thee Oh Sees© Olivier Donnet

Si le rock à Dour ne soulève plus les foules (ici 2000-3000 personnes, une demi Caverne, à tout casser), il reste encore capable de sacrément secouer. Véritable machine de guerre avec ses deux batteurs métronomiques et synchro, Thee Oh Sees, a fait suer leurs pintes et le reste aux derniers valeureux excités. Bermuda, guitare à hauteur d’épaule, crachat facile… John Dwyer est le rock incarné. Le groupe californien sortira Smorte Reverser, son nouvel album (encore un), le 17 août. (J.B.)

Lomepal

On attendait un carton. On a eu droit à un triomphe. Dans une Boombox pleine à craquer, Lomepal a peut-être offert le concert le plus fédérateur et réussi du festival. Démarrage en trombes avec Palpal, enchaîné à Ray Liotta, et une version fascinante de Lucy: après trois morceaux à peine, le rappeur français a déjà complètement retourné le public, qui n’en demandait pas tant. Dosant ses effets, glissant même l’inédit Tout lâcher, Lomepal maîtrise parfaitement son sujet, donnant l’impression d’investir chaque mot, chaque phrase. La fin du concert est une énorme fiesta à laquelle sont invités ses « frères belges », Caballero et Roméo Elvis (Billet). Quand Lomepal passe la Pommade, c’est même carrément l’envahissement de terrain. Balèze. (L.H.)

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