Dour: bye bye les terrils, bonjour les éoliennes

Premier coup d'oeil sur le nouveau site en plein chantier. © DEBBY TERMONIA
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Les éoliennes remplaceront désormais les terrils dans le paysage. Cette année, pour sa trentième édition, le festival de Dour fait peau neuve et déménage.

Quelques tentes, des portails d’entrée, une énorme structure pas encore recouverte. À un mois de son coup d’envoi, le 30e festival de Dour commence à sortir de terre. Depuis le rond-point d’Élouges, on aperçoit les premiers signes d’activité. Surplombés par les éoliennes et leurs grandes hélices. Cette année, le Woodstock belge a déménagé. De quelques centaines de mètres seulement, certes, mais assez pour perdre de vue ses légendaires terrils .  » Ça faisait un bail qu’on en parlait, que ces grands espaces nous faisaient rêver. On a décidé de bouger, d’installer le site là où était le parking l’an dernier, explique le programmateur Alex Stevens. On est toujours attachés à un lieu. On y a des souvenirs. Tu as peut-être embrassé pour la première fois ta copine sous un arbre. Et tous les ans, tu y allais en pèlerinage lui faire un bisou. C’est lié à ton affectif, à ton histoire perso. Mais ce sont les gens qui font le festival, pas l’endroit. Ce déménagement, c’est à la fois une histoire de facilité d’organisation et de disponibilité des terres. Entre les entreprises qui devaient s’installer sur le zoning et les travaux imminents du contournement de la route de Dour, nous n’étions pas sûrs de disposer de tous les terrains de l’an passé… D’un autre côté, le site devenait un peu un serpent de mer. Un truc de plus en plus allongé, une espèce de limace où tu devais marcher deux kilomètres. En termes logistiques, c’était un casse-tête chinois. »

Avec quasi 30 ans de festival et d’expérience, le directeur Damien Dufrasne est devenu un spécialiste. Une édition de Dour, ça commence en premier lieu avec les envies des agriculteurs auxquels il loue les terres.  » C’est souvent une question d’argent mais certains ne veulent rien savoir. Ils ne veulent même pas qu’on leur parle de location. Il y a une famille où le père a 60 ans, le fils 35-40. Ils sont fermiers tous les deux. Parfois, on peut leur payer deux ou trois fois le montant qu’ils gagnent au final en cultivant. Mais le père dit: « Non, nous, ça ne nous intéresse pas. Moi, je suis fermier. » Et le fils dit: « Papa, tu te fous de ma gueule ou quoi? Ils vont nous payer deux ou trois fois ce qu’on gagne pour ne rien faire . » Et son paternel lui répond: « On est fermiers. On travaille. On est là pour cultiver la terre. On doit conduire un tracteur. On doit être sales le soir après avoir sué et travaillé. «  »

Dufrasne maîtrise son sujet. Il parle de qualité du sol, d’acheminement des eaux et d’installation d’électricité…  » Il y a cinq ans, on utilisait 5 000 mètres carrés de plaques de roulage. Cette année, j’en ai 55 000. Soit 480 000 euros hors TVA de location. Les gens ne s’en rendent pas compte mais il faut en vendre des tickets! 480 000 euros de bêtes plaques de fer qui sont là pour qu’on roule dessus. Sur le site, en plus, il n’y avait pas d’eau, ni électricité, ni téléphonie… Les opérateurs nous ont amené la fibre sur le terrain. On a tiré 14 kilomètres de Socarex pour l’eau et prévu 20 camions-citernes de 30 000 litres au cas où… Cette année est une année de dépenses. On ne peut pas déconner. »

Un million d’euros pour le changement de site

Comment déplace-t-on un festival, un gros village artificiel de 50 000 habitants? On se laisse guider par la musique.  » C’est notre colonne vertébrale. Donc, on a d’abord réfléchi à l’emplacement des scènes. Travail qui a été mené dès l’été passé, retrace Alex Stevens. Début septembre, on avait arrêté le schéma. Un schéma logique: quelles sont les scènes qui marchent le mieux à Dour? L’an dernier, c’était la scène principale, la Last Arena, avec les cartons de Phoenix, Justice, Die Antwoord. Mais aussi la scène DJ’s -la Balzaal- et la Boombox, la scène hip-hop. On a donc placé ces trois pôles principaux d’attractivité à trois points extrêmes du site pour répartir la foule. » Le Labo, lui, est désormais situé à l’entrée.  » C’est un lieu de découverte. On a envie que les gens tombent dessus en arrivant. L’an dernier, on était obligé d’ouvrir la Last Arena très tôt comme c’était la première scène sur la plaine. Maintenant, on pourra la fermer et contenir le public sur une partie du site jusqu’aux heures d’affluence. Ça va permettre aux plus petits groupes de jouer devant davantage de monde. »

Dour a conservé tous ses podiums et son équilibre musical. Sa scène indie pop, sa scène hip-hop, sa scène dub, sa scène électro/techno, sa scène découverte et sa scène rock.  » On s’est vraiment dit: quelle prog on veut faire et de quelles scènes a-t-on besoin alors? Quel est l’équilibre qu’on veut trouver? On a étudié comment les gens se déplaçaient et consommaient le festival. En termes d’arrivée, de départ. Et on a pensé un terrain qui correspond vraiment au public et à la musique qu’on veut programmer. »

Nouveaux chapiteaux (la Boombox et la Petite maison dans la prairie), du nouveau plancher partout… En termes d’infrastructures, Dour a mis le paquet. Programmation et organisation réunis, le festival est selon Damien Dufrasne sur une augmentation de budget d’un million et demi d’euros. Avec un million de plus seulement pour le changement de site.  » Je ne calcule plus. De toutes façons, c’est fait, c’est fait. On a vraiment investi en termes de confort et de qualité d’accueil. »

Dour a veillé à ce que les départs du lundi se fassent plus en douceur que l’an dernier ( » on a sept sorties différentes qui donnent sur trois axes routiers« ) et le camping est désormais très proche de l’entrée du festival ( » 800 mètres de ses extrémités au site de concerts, grand max » ). Les organisateurs ont créé un bar de deux étages fabriqués avec des containers maritimes de récup peints en noir: le Rockamadour, du nom du club que Carlo Di Antonio a créé à Dour dans les années 90 ( lire aussi page 34 et suivantes) et dont ils ont récupéré l’enseigne. Ils ont même été jusqu’à prévoir un camping confort.  » Ça permet à une partie du public de vieillir avec nous. Le festival, c’est un tout. Aujourd’hui, si tu as une toilette qui déborde, qu’un festivalier la prend en photo et fait un buzz sur Facebook, l’image de ton festival est morte pour une seule chiotte. Le moindre détail peut devenir une catastrophe sans nom avec les réseaux sociaux. »

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