Critique | Musique

Don Pullen – The Complete Remastered Recordings

JAZZ | Le pianiste Don Pullen fut plus qu’une étoile filante de la great black music, comme le démontre l’intégrale de ses enregistrements pour le label Black Saint.

DON PULLEN, THE COMPLETE REMASTERED RECORDINGS ON BLACK SAINT & SOUL NOTE, 7 CD SET BXS 1017 CAMJAZZ (HARMONIA MUNDI). *****

Révélé par Charles Mingus dont il fut le pianiste des derniers enregistrements majeurs (Moves, Carnegie Hall, les séminaux Change One et Change Two, tous publiés en 1974), Don Pullen (né en 1944 et qui fit ses débuts discographiques aux côtés de Giuseppi Logan dans les années 60) succédait, dans ce rôle, à Jackie Byard qu’il sut parfaitement remplacer grâce à des racines musicales plongeant dans le rythm’n’blues et à la capacité, comme son prédécesseur, à jouer tous les styles de piano, du ragtime au free jazz. Les rencontres musicales qu’il fit à cette occasion (le saxophoniste George Adams et le batteur Dany Richmond) mèneront à la création du quartette Adams-Pullen avec lequel il enregistrera, de 1979 jusqu’à la mort du batteur en 1988, onze albums. Pourtant, plus que chez Mingus ou au sein de ce groupe qui cédait parfois à la facilité, le véritable legs musical de Don Pullen est à chercher dans les disques publiés sous l’étiquette Black Saint.

Percussif et sensuel

Réunis dans un coffret minimaliste, les 7 albums enregistrés entre 1976 et 1985 par le label italien permettent de (re)découvrir le pianiste dans différentes formules instrumentales et artistiques, entouré des grands de l’époque -Sam Rivers, Joseph Jarman, Chico Freeman, Don Moye, Olu Dara et Fred Hopkins en tête. Même si tout ici est d’un niveau superlatif, on mettra d’abord en avant les deux albums en solitaire du pianiste, dont le foisonnement créatif démontre sa formidable capacité à jongler avec les styles. Les évidentes parentés qu’il entretient avec Cecil Taylor, dont il possède la puissance percussive et le débit torrentiel dans les pièces les plus free (Healing Force, 1976), comme avec son mentor Muhal Richard Abrams, au sein de titres plus composés (Evidence of Things Unseen, 1983), ne gomment en rien une authentique personnalité qui a su faire sienne la densité du premier comme la versatilité féconde du second. En tête-à-tête avec le batteur Don Moye (Milano Strut, 1978), c’est du côté explosif de Taylor qu’il semble pencher entièrement -mais avec une sensualité et un sens de l’organisation dramatique qui renvoient à Abrams. Aux côtés de Don Moye, à nouveau, et du partenaire de ce dernier au sein de l’Art Ensemble Of Chicago, le saxophoniste, clarinettiste et flûtiste Joseph Jarman (The Magic Triangle, 1979), il offre un précipité de cette « Great Black Music » dont l’AEOC fut le premier chantre -avec en prime un blues chanté par ses soins. Les deux disques en quartette ont toujours été considérés (on ne sait trop pourquoi) comme les poids légers de sa discographie. Pourtant, en les réécoutant, ce sont tous deux (Capricorn Rising, 1975 et Warriors, 1978) de petites perles free. Le premier offre un duel au couteau entre le pianiste et le légendaire Sam Rivers (saxophones soprano et ténor, flûte), alors que le second (Chico Freeman au ténor) relève plus de l’aventure collective. Enfin, en quintette (The Sixth Sense, 1985), il témoigne de ses qualités d’arrangeur dans un ensemble néo-bop mais aux interventions solistes (les siennes comme celles d’Olu Dara à la trompette) toujours aussi fulgurantes.

Philippe Elhem

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