Critique | Musique

Dels – Gob

HIP HOP | Depuis Londres, le rappeur Dels balance un premier album épatant. Malin sans se prendre la tête, il mélange beats hip hop et electronica tordue.

La révolution (dernière en date) est en marche, et pour la première fois depuis longtemps, elle vient d’Angleterre. A Londres, le rock, ce vieux machin rouillé, est mort, ou en tout cas moribond. A la place, les kids se gavent de bass music, scotchés aux radios pirates qui balancent du dubstep anonyme, entre une cartouche UK funky et une sauvagerie grime. On l’assène depuis des mois, voire des années: avec des noms comme James Blake, Katy B ou Magnetic Man, c’est maintenant une réalité: le dubstep, et toutes les musiques qui l’accompagnent, est devenu le mainstream musical.

Bizarrement, la scène hip hop made in UK reste cependant à la marge du mouvement. Première musique urbaine, elle aurait pourtant son mot à dire. Comme si elle devait rester abonnée aux seconds rôles, sa principale qualité -être arrivée à créer son propre idiome, distinct du modèle américain- étant également le plus grand frein à son expansion. Il y a bien The Streets, l’immense Roots Manuva ou les tentatives d’une Speech Debelle. Mais le premier a décidé de ranger les crampons, tandis que le 2e a perdu de son tranchant (la 3e semblant, elle, perdue dans ses rêveries).

Une nouvelle génération semble cependant pointer du nez. On avait déjà relevé récemment les débuts épatants de Ghostpoet. Voici aujourd’hui Dels, pote du précédent, et nouvelle voix singulière sur la planète rap british.

Raison et sentiments

C’est tout sauf un détail: le premier album de Dels, alias Kieren Dickens, sort sur le label Big Dada. Soit l’assurance d’une certaine originalité du propos et de la démarche. Gob fricote par exemple autant avec les schémas hip hop de base qu’avec une certaine musique électronique, dites IDM (Intelligent Dance Music), faite de beep et de blitch -au hasard, la gueule cassée d’un titre comme Eating Clouds. On pense parfois aux audaces d’une Micachu. C’est normal: elle a mis son nez dans l’affaire (la production du titre Violina).

Plus surprenant, Joe Goddard est l’autre invité prestigieux. L’un des cerveaux de Hot Chip est présent sur 2 morceaux: l’instantané Capsize (sur lequel intervient également Roots Manuva) et Trumpalump, petit bijou où sa voix sentimentale se pose après un déluge de sons tout droit sortis de jeux vidéo vintage. A l’opposé, DLR est une sorte de ballade qui aurait oublié d’être mielleuse, trip nocturne à la mélancolie langoureuse.

A chaque fois, Dels cherche l’angle, le grain qui accrochera l’oreille. Pas tant pour la heurter ou la provoquer que pour lui faire voir la réalité un peu différemment: « Am I dreaming in colour or black in white? Is it truth that I’m living or am I living a lie? », balance notamment le rappeur. Le genre de questionnement poétique qu’on ne trouve pas souvent dans le hip hop. Ni ailleurs.

Laurent Hoebrechts

Dels, Gob, distribué par Big Dada/PIAS. ****

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