Dan Auerbach et l’âme musicale de Nashville

Dan Auerback © DR
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Sur son second album solo, Waiting on a Song, Dan Auerbach -moitié guitaristique des Black Keys- fait rougir les chansons en compagnie de vieux renards du Tennessee. Résultat? Un vintage juke-box jouissif.

Jet-laggé dans un honorable hôtel d’Amsterdam, Dan Auerbach ressemble à un mélange de Dutronc père, période Van Gogh, et fils, période gueule de bois. Le rouquin de 38 ans, moitié juif, n’a pas grand-chose à dire sur la religion, même si les dix titres de Waiting on a Song sont sans aucun doute fabriqués sur l’autel sacré de la chanson (lire encadré). Du rock humide de parfums rétro qui glapissent d’indolence, bouclé avec les briscards locaux John Prine et Duane Rockabilly Eddy.

Pourquoi t’être installé à Nashville?

Pas mal de jeunes viennent y fonder de nouvelles sociétés: il y a un peu de hype sur les endroits où il faut paraître, les nouveaux restaurants et tout cela parce que certains veulent nous faire croire qu’il s’agit du prochain Portland (sourire). Mais une grande partie de la ville reste intacte comme le joint en bas de ma rue où tu peux manger un burger avec, en général, pas plus de deux autres clients. J’habite là depuis huit ans parce que je voulais un lieu où installer un studio, où la musique résonne. Je n’ai vécu que dans deux endroits: Nashville et ma ville natale, Akron, Ohio.

Connue pour son industrie country, Nashville croise aussi la soul et le gospel comme une porte vers le Sud. C’est une raison supplémentaire d’y être?

Oui. À Nashville, tu te lèves et tu ne sais pas ce qui va t’arriver: l’excitant, c’est l’inconnu. Le sens de l’aventure sonique et humaine. L’idée de Waiting on a Song est de créer quelque chose à partir de rien, que le shit happens: on utilise sans doute des modèles de musique ancienne, mais sur ce disque, la basse est forte et propre, pas maigre et distordue comme dans les années 50. Il ne s’agit pas de fabriquer une relique.

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Mais de renouer avec la qualité de grands disques bouclés en ville?

Oui, comme Son of a Preacher Man de Dusty Springfield, Crazy de Patsy Cline, Pretty Woman de Roy Orbison, Suspicious Minds ou In the Ghetto d’Elvis. Cette ville respire de fantastiques disques country mais aussi de pop et de gospel ou du Lay Lady Lay de Dylan sur Nashville Skyline.

Travailler avec des gens aussi fameux que John Prine ou Duane Eddy, est-ce que cela s’assimile à un travail en famille?

Oui, on travaillait chaque semaine sur le disque, les musiciens s’arrêtaient au studio, juste pour écouter, pour traîner. Il y a une forme d’addiction au studio qui ressemble d’ailleurs à un premier amour: je jouais du bluegrass en famille quand j’avais treize ou quatorze ans. J’ai commencé à enregistrer l’été dernier: on écrivait du lundi au mercredi et on enregistrait du jeudi au samedi. D’ailleurs, on n’a pas arrêté: on était en studio la semaine dernière, sans même penser à en faire un disque.

Y a-t-il une chanson politique sur le disque?

Livin’ in Sin pourrait être considérée comme telle: « We’re an awful mess/But you and me are an awful bless » (rires). J’imagine que la morale est de toujours vouloir regarder le bon côté des choses. Je suis très chanceux de faire ce que je fais parce que la musique est le seul besoin que je ressente, même si je hais l’idée de devoir jouer devant des gens pour être moi-même. Je n’ai pas cette obligation.

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La musique comme processus de guérison et d’apaisement?

Oh oui, absolument. Une grande chanson peut transcender la chose religieuse, ethnique, la langue: certaines donnent une sensation unique, même si l’émotion que tu transmets est aussi la chose la plus difficile à capter.

Tu étais en concert à Paris le soir du massacre du Bataclan, jouant au Trianon avec ton groupe The Arcs. Tu peux nous raconter?

On avait donné ce magnifique concert, devant le meilleur des publics. Tout le monde avait ce sentiment d’élévation et puis on est arrivés en coulisses et on a vu tous ces gens contrariés. Parmi eux, Doudou, notre promoteur depuis des années, qui était aussi celui du concert des Eagles of Death Metal au Bataclan: initialement, on était d’ailleurs supposés jouer au Bataclan mais il a décidé de changer la salle avec celle du Trianon sans exactement que je sache pourquoi (…). Il avait été au show des Eagles plus tôt dans la soirée et puis a décidé de venir au Trianon. C’était tellement… bizarre. On est montés sur le balcon du Trianon et on a vu ce ballet d’hélicoptères, puis le bâtiment a été fermé et gardé, un truc dingue… On est montés dans le bus la nuit même en direction de l’Italie où deux jours plus tard, on a donné l’un de nos shows les plus tendus, le dernier de la tournée. Puis on est repartis en Amérique. C’est difficile de mettre des mots là-dessus…

Que dirais-tu sur l’Amérique aujourd’hui?

Qu’elle est volatile comme elle l’a toujours été, les changements sont là, sans que tout cela ne soit vraiment positif. Pas sûr que j’écrirai une chanson là-dessus parce que je n’ai jamais été porte-parole pour autrui, je n’écoute pas les protest-songs. J’aime tellement la musique que quand on l’utilise pour des raisons politiques, elle peut perdre sa brillance, son scintillement, même si je peux comprendre l’impact sur les gens. Et puis je n’ai pas grandi dans une période où les choses étaient aussi échauffées que maintenant, tout semblait plutôt hunky-dory

Dan Auerbach – Waiting on a Song

Dan Auerbach et l'âme musicale de Nashville

Distribué par Warner. ****

Contrastant avec un premier album psyché-rugueux, ce second solo joue la partition sucre d’orge: tout ici n’est que guitares et choeurs fondants, clap-hands, accords ludiques et réverbérations joyeuses. Cela pourrait en être écoeurant mais la solide charpente des chansons va à la pêche aux orchestrations inspirées, comme si le rock 2017 consistait d’abord à revenir à la jouissance. Cela donne des carillons tels que la plage titulaire, Malibu Man, King of a One Horse Town et Stand by My Girl, idéalement profilés pour le cruising et les bonnes radios. Ni plus ni moins.

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