Couleur cité

© Philippe Cornet

Pour sa dix-neuvième à Tour & Taxis, Couleur Café déménage à l’intérieur-même du site. Nouvelle séquence d’une saga urbaine qui traduit un lien particulier à Bruxelles. Patrick Wallens, le boss, s’en explique.

« Quand on est arrivés à Tour & Taxis, le terrain appartenait encore aux Douanes et était dans un terrible état d’abandon, infesté de rats qui squattaient les vieux wagons. A l’arrière du site subsistaient une quinzaine de voies de chemin de fer, rendant le lieu complètement impraticable. On est donc allés expliquer notre situation à la SCNB et avec le charme de la jeunesse et de l’aventure (sourire), on les a convaincus de démanteler des dizaines de tonnes de métal et de vieux bois à leurs frais. C’était cinq mois avant la première édition. » Dix-huit ans plus tard, CC s’apprête à faire flamber sa vingt-troisième édition (1) avec un déménagement in situ, redisposant le festival sur une zone propriété du Port de Bruxelles (…). Redistribués, les scènes, bars, restos, et espace VIP, gagnent du terrain sur le no man’s land sauvage qui tend vers le boulevard du Jubilé. Tout cela parce qu’un immeuble de bureaux pour l’IBGE est « sur le point d’entrer en chantier ». Epée de Damoclès qui dure depuis pratiquement les débuts: « Cela doit être la quinzième édition sous menace », rigole Patrick Wallens. « Même si dans les années 90, Tour & Taxis était dans le trou de cul de Molenbeek, près du Canal, où personne ne s’aventurait, il est ensuite devenu une sorte de miroir aux alouettes. » Référence à Music City, mégalo projet qui prévoit de construire une salle de 12.000 places et des galeries commerciales: le financement ne s’est jamais fait. « A un moment, la SNCB a vendu le terrain et des bâtiments à une société privée avec laquelle nous dealons toujours. Rétrospectivement, je m’aperçois que c’est plus sécurisant que de dépendre intégralement des politiques (…). On a mis quatre, cinq éditions à faire découvrir l’endroit, à devenir les ambassadeurs d’un quartier où ils ne couraient pas les rues (sourire). »

Amener les spectateurs en bateau

En deux décennies, même si ses environs se sont (partiellement) boboisés, Tour & Taxis reste une bizarrerie communale: « L’entrée du festival se fait par la rue Picard qui est sur Molenbeek mais le site proprement dit appartient à la Ville de Bruxelles. Depuis deux ou trois ans, l’intégration avec le quartier est meilleure, moins « symbolique ». Aujourd’hui, le camping de 3000 personnes (déjà complet), fait vivre les commerces des environs tout en devenant un vrai lieu zen: le festival ferme à trois heures, et à quatre heures, tout est calme. Clairement, le lieu nous a donnés une identité, même si j’oublie parfois le côté extraordinaire du site. » Si CC ne devra sans doute pas quitter T&T avant deux ou trois ans (?), l’équipe a depuis longtemps exploré les plans bis. Parmi ceux-ci, le Parc d’Osseghem, juste à côté de l’Atomium, reste l’outsider n°1, même si y déménager coûterait de 300.000 à 400.000 euros. « Dès la cinquième édition, on a exploré tout le Canal de Bruxelles jusqu’à Vilvorde à la recherche de lieux. On est même allés jusqu’aux Forges de Clabecq, on y éclairait le décor et c’était magique, et puis le RER devait arriver à Tubize: on imaginait acheminer des spectateurs par train au coeur des Forges ou par bateau. Mais dépolluer le site coûtait à l’époque 1,5 milliard de francs belges… ». Ce qui fait beaucoup de mojitos et nouilles thaï.

Philippe Cornet

(1) LES QUATRE PREMIÈRES ONT EU LIEU AUX HALLES DE SCHAERBEEK

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