Couleur café serré (J1)

Couleur Café © Ph. Cornet
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

De Tiken Jah Fakoly aux Girls in Hawaai, retour sur la première soirée du festival bruxellois.

Ciel plombé sur Couleur Café. Vendredi soir, le festival ouvre ses portes sous une grosse drache à contre-emploi. Il y a heureusement des petits miracles: dans le bar Clandestino, on s’est regroupé autour du karaoké. Le temps pour un quidam de massacrer New York, New York – plutôt version Johnny Rotten que Frank Sinatra – et la pluie s’arrête. Allez comprendre… A moins que ce ne soit les agitations de Skip & Die. Sur la scène Move, la Sud-Africaine Cata Pirata – mèches roses, top blanc, robe moulante à fleur, laissant bientôt place à un cycliste aux mêmes motifs – et ses trois compères néerlandais, dont au moins deux s’excitent sur leur batterie-percussion, tandis que le troisième, Daniel Rose, électrise son luth. C’est un peu foutraque, mais enlevé, électro world virant parfois à la trance arabisante (c’est tendance), remballant les plus gros nuages.

On sent qu’il va falloir un peu se battre avec ce Couleur Café. Le match risque de ne pas être simple à remporter. Le soleil qui se fait désirer, une affiche intéressante mais pas toujours évidente, et puis une nouvelle configuration à domestiquer… Le festival fait bien de s’accrocher à Tour&Taxis. Même si cela demande régulièrement des adaptations. L’inauguration du bâtiment passif bombé de l’IBGE a encore repoussé un peu plus les scènes vers la gauche du site, celle d’un nouveau parc vers la droite. De l’autre côté du canal, la nouvelle tour Up-Site (la plus haute à proposer du logement à Bruxelles) joue les vigiles, matant l’animation festivalière. Bruxelles change. Couleur Café aussi? Pas tant que ça finalement.

Premier grosse tranche festivalière de la saison, il est toujours synonyme de débuts des vacances, là où l’on file directement après la proclamation de fin d’année, danser sur la réussite ou boire à cette deuxième sess’ (mais oui, ça va allez). Couleur Café est toujours aussi ce drôle d’équilibre musical. Une formule qui étire les genres comme des élastiques, les mélange, les bouscule, le tout sous la bannière d’une « urbanité colorée ». Un terme qui ne veut rien dire, mais qui pourtant fonctionne. Vendredi soir, la scène principale, dite Titan, toujours aussi difficile à « occuper » proposait par exemple l’Ivoirien Tiken Jah Fakoly, suivi de Puggy, trio pop anglo-franco-suédois made in Brussels. Le premier glisse de la kora dans son classic reggae engagé – « On en a marre, le peuple en a marre », « Quand l’Afrique va se réveiller, ça va faire mal ». Bon, on est loin de sciences-po, mais la stature du bonhomme et son band (deux choristes, trois cuivres, un batteur qui tape juste, etc…) font gentiment passer les tirades de circonstances, la musique prenant le dessus. De leur côté, Puggy reste toujours un peu une énigme, pop band moins simple à caser qu’on ne le pense – Goddess Gladys qui voit Matthew Irons filer dans un solo quasi hard rock seventies, entre deux lignes mélodiques à la Elton John. Le concert commence piano. Il faut attendre 15 minutes pour que tombe le premier tube, To Win The World. Il y en aura d’autres…

Autre contraste. Juste avant, sur la scène Move, les Hollandais de De jeugd van Tegenwoordig balancent un rap-pop à fromages. C’est sans prétention, mais plutôt festif et dansant. Et en néerlandais dans le texte! Un frein? Pas pour grand-monde apparemment, puisque la foule afflue. De l’autre côté du terrain, les Girls in Hawaii (les photos) clôturaient leur premier passage à Couleur Café sous le chapiteau Univers. On ne va pas se mentir: le concert des Bruxellois tenait quand même un peu du pari. L’indie rock du groupe allait-il réussir à se fondre dans le décor bigarré de CoulCaf’? Les Girls ont en tout cas la bonne idée de lancer le concert avec Sun of The Sons: « Here comes the sun! ». We Are The Living enchaîne, suivi de… Not Dead. Certes, les Girls ne font toujours pas la roue sur scène, mais indéniablement, quelque chose se passe. Resserré, le set gagne en efficacité, le groupe lui-même paraissant complètement libéré par rapport aux morceaux les plus récents. Bizarrement, le son brinquebalant, mal ajusté, un peu sâle, donne du grain et de l’épaisseur. Mieux: de la puissance. En fin de concert, le classique Flavor en est l’exemple parfait, concluant un concert enthousiasmant, prenant, remuant même par moment. Avant de quitter la scène, Antoine Wielemans, chanteur du groupe rock francophone le plus respecté du pays, prend une dernière fois le micro pour hurler: « Waar is da feestje? » Et le public mélangé de Couleur Café d’hurler en choeur: « Hier is da feestje! »…

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