Couleur Café J3: café du dimanche

© Philippe Cornet

Les Brigitte font (peut-être) rêver Michel Drucker, Zebda fait des histoires et les Gogol Bordello se donnent comme s’ils venaient de découvrir l’électricité.

Pendant très longtemps, la seule Brigitte connue de nos services était ma cousine à laquelle j’avais emprunté vers 1973 (…) le Hunky Dory de Bowie. Le vinyle est toujours dans la place mais Brigitte-la-cousine a été remplacée par un duo de filles françaises se produisant sous un pseudo, hommage paraît-il à la Bardot d’avant le Front National. Un premier album et des concerts zazous ont fait remonter la cote du prénom, déclenchant, c’est sûr, une future génération de Brigitte dans les berceaux branchouillés. En scène, pour la troisième journée de CC, Sylvie Hoarau et Aurélie Saada, débarquent sur la scène du chapiteau Univers en grand uniforme mystikke, à mi-chemin d’un clip Enigma et de la créature foetale d’Alien. Les trois musiciens sont, eux, habillés au surplus d’Orange mécanique. Le public, plutôt jeune et féminin, trouve marrant les allusions multiples à la féminité exacerbée comme avenir de la femme de l’homme. Si j’ai bien tout compris, le répertoire mêlant minauderies et fausses parures las vegasiennes -en particulier des robes en lamé semblant provenir de la garde-robe secrète de Tom Jones- est osé, funky et transgressif. Après trois morceaux et autant de clics photos, on doit bien dire que cela nous laisse assez indifférent, ne sachant pas trop si Brigitte -le groupe- peut éventuellement réveiller quelques zygomatiques ou juste faire rêver Michel Drucker. Un dimanche après-midi. Faudra aussi nous expliquer la profondeur symbolique des deux chèvres en plâtre regardant les spectateurs d’un oeil morne à l’avant-scène. De l’art peut-être.

Un peu avant, Zebda, sur la grosse scène Titan, fait moins de manières mais plus d’histoires. Le chanteur Magyd Cherfi et les deux jumeaux , sous le soleil du dimanche après-midi, sont là pour raconter leurs chansons. Celles d’un groupe mis en repos entre 2003 et 2011, et qui a la bonne idée d’être ressuscité depuis environ une année, assez tip top avec ses revendications socio-politiques dans une France assoiffée de changement. Les Toulousains, trouvent le bon groove funky, ramenant des vieux morceaux comme Le bruit et l’odeur, sorti en 1995 dans le sillage d’une citation de Jacques Chirac affirmant qu’une partie de la population -plutôt immigrée et sudiste…- faisait (un peu trop) de bruits et d’odeurs pour le voisinage français. Si l’expression n’avait pas déjà été employée par un certain Nicolas S., sûr que le come-back de Zebda a un bel effet karcher sur toutes les conneries et intolérances qui semblent actuellement en pleine croissance olympique.

Le principe du festival rock, c’est aussi de libérer l’énergie plein pot, de rajouter une dose de naïveté au cynisme majoritaire et d’enfoncer quelques portes ouvertes avec un sens de l’émerveillement béat. Face à une foule de fans assoiffés devant le Titan, plus grand espace de CC, les new yorkais de Gogol Bordello, se donnent comme s’ils venaient de découvrir l’électricité. Emmenés par l’ukrainien de naissance Eugene Hütz (1972), une espèce de Borat aussi porté sur les collants fluos, les Bordelleux livrent une tambouille où le n’importe quoi fait office de Beaux-Arts, un gumbo skapunkyspacy théâtral où le percussionniste en survêt de cycliste cosmique prend un moment les devants alors que le violoniste russe se donne des airs de Tchaïkovski des égoûts du meilleur effet. Bref, la bande des Gogol se marre et cela pogote dans les trente premiers rangs…Magique, certes pas, mais efficace.

Philippe Cornet

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