Concerts: zoom sur ces salles qui programment de gros poissons en été

Patti Smith a ses habitudes à l'AB. Le 27 octobre 2015, elle y fêtait déjà les 40 ans de l'album Horses. © Alex Vanhee
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Les Parquet Courts au Kreun pendant Dour, Britney Spears au Sportpaleis, Patti Smith et maintenant Nile Rodgers à l’AB. Les vacances d’été s’écoutent aussi cette année dans les salles de concerts. Tendance ou concours de circonstances?

Trois soirs en suivant. Trois sold out. Les 13, 14 et 15 août, alors que le Pukkelpop commençait à s’agiter dans les plaines du Limbourg, Patti Smith enchaînait trois concerts à guichets fermés dans les murs de l’Ancienne Belgique. Dimanche, c’était au tour de Nile Rodgers et de Chic de faire danser l’institution bruxelloise. Des événements auxquels on n’est pas vraiment habitués du côté du boulevard Anspach en août et juillet. Traditionnellement chez nous, les vacances scolaires sont synonymes de trêve pour les salles de concert. « L’histoire de Patti Smith est un peu particulière, explique Kurt Overbergh, le directeur artistique de l’AB. Elle voulait jouer au Pukkel mais les organisateurs du festival exigeaient une exclu. Patti aime notre salle, Bruxelles et un hôtel du centre-ville près duquel Verlaine a tiré sur Rimbaud. On a donc décidé d’ouvrir à un moment où on est normalement encore fermés et de l’accueillir pendant trois soirs d’affilée. »

Contrairement à la Hollande et à l’Angleterre, on a tendance à tirer les rideaux l’été du côté de l’AB, du Bota, de Forest et des autres… « À Amsterdam, le Paradiso et le Melkweg ne s’arrêtent pas. Il y a moins de festivals que chez nous aux Pays-Bas. Plus de monde aussi. 20 millions d’habitants à travers le pays. Et on parle de dix millions pour une capitale comme Londres… » « Ce sont des villes et des agglomérations avec une grosse densité démographique mais aussi un autre afflux de touristes, appuie le promoteur Christian Verwilghen, de Live Nation. Elles sont, avec nuitées, sur le parcours de beaucoup de visiteurs en Europe. Ça tient à leur statut. Elles possèdent aussi des salles de grand prestige qui peuvent se permettre de rester ouvertes toute l’année. » « Je ne suis pas convaincu que ça se reproduira. Qu’on ouvrira nécessairement en août l’an prochain, reprend Overbergh. Après les Feeërieën, notre festival gratuit en plein air (du 27 au 31/08 dans le parc de Bruxelles, NDLR) , on a déjà Feist, Death Grips et Janelle Monae d’ici le 8 septembre. Mais il est clair qu’un certain public veut voir des concerts l’été sans devoir se coltiner des festivals. »

Risky business…

Si les conditions d’écoute se sont nettement améliorées ces dernières années dans nos vertes pâtures (les chapiteaux se transformant parfois d’ailleurs en quasi salles de concerts), les spectateurs les plus âgés y sont souvent réticents. « Le festival, c’est lourd, c’est long, c’est fatigant. On a organisé des concerts l’été avec l’AB il y a 25 ans mais on a arrêté à la fin des années 90. C’était l’explosion du phénomène à l’époque. La concurrence était trop grande. Puis de juin à mi-septembre, c’est compliqué. Il y a les examens, les vacances, les secondes sessions… Et c’est une période où les prix ont tendance à flamber même s’il est possible de faire jouer les groupes à des cachets normaux pour remplir les trous dans leur calendrier. »

« Pour un groupe, l’été, c’est période de vaches grasses, la possibilité de se faire de l’argent et le moment de remplir son compte en banque, explique Christian Verwilghen. On dépend des envies des organisateurs de programmer ou non les artistes mais le concert en salle (qui touche moins de monde et paie moins bien, NDLR) est souvent la dernière option. Un peu partout, en juillet et août, c’est de toute façon les vacances du personnel et des équipes techniques. Les toutes grosses salles comme le Sportpaleis, Forest et le Palais 12 aussi sont normalement fermées. Il faut vraiment que ce soit un tout gros coup pour qu’un promoteur prenne le risque. »

Ce risque, c’est le public en vacances à l’étranger. C’est l’idée pas très sexy d’aller s’enfermer. C’est cette période d’intense concurrence en termes de distractions. Pour les artistes, le circuit des festivals n’est pas non plus qu’un moyen de capitaliser et de remplir le tiroir-caisse, c’est aussi l’opportunité de se présenter à un public plus large. « Il y a des exceptions à tout. Certains refusent les festivals. Mais plus souvent, les réticents dictent leurs conditions. Un spot particulier, un vrai soundcheck… Même les artistes avec une musique délicate sont dans le circuit. Quitte à revoir leur set pour le brouhaha d’un Open air. Il y a aussi des genres qui se prêtent mieux aux festivals qu’aux salles parce qu’on veut vivre une communion tous ensemble. Pas sûr que 9 DJ’s sur 10 de Tomorrowland remplissent la Lotto Arena ou le Palais 12. J’ai vécu des expériences dans des tentes techno dance avec 15.000 personnes. Huit mois plus tard, tu ramais avec le même artiste pour faire 1500 spectateurs à l’AB. »

En tout cas, vu le cagnard qu’on a eu cette année, ceux qui persisteront sur l’indoor pendant août et juillet devront penser à faire installer la clim… « On a en quelque sorte bénéficié de dérogations cet été. Mais ce qui arrive cette année est très rare. On verra ce que ça donne la saison prochaine. »

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