Critique | Musique

Chronique CD: William Onyeabor – Who Is William Onyeabor

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

FUNK | Luaka Bop, le label cofondé par David Byrne, déterre de l’oubli William Onyeabor, un mystérieux musicien nigérian au groove et au funk futuristes.

Chronique CD: William Onyeabor - Who Is William Onyeabor

Qui est William Onyeabor? Est-il toujours en vie? Pourquoi personne n’a vu ses films? Possède-t-il vraiment son propre moulin à farine, un cybercafé et un héliport? Des questions, il y a longtemps eu lieu de s’en poser au sujet de l’énigmatique musicien nigérian adulé par Caribou, Damon Albarn et les 2 Many DJ’s… Et pour tout dire, la plupart restent encore aujourd’hui sans réponse. William Onyeabor est une énigme. Un de ces personnages insaisissables qui, à l’image d’un Rodriguez, permettent encore au mystère de subsister et de flotter dans l’industrie du disque à l’heure du tout Internet et de l’espionnage généralisé.

Tout ce qu’on a longtemps su du prince William, c’est qu’il avait sorti huit albums d’afrobeat sur son propre label, Wilfilms Records, entre 1977 et 1985. Puis qu’il aurait (informations à prendre avec des pincettes) étudié le cinéma en Union soviétique et possèderait un moulin à farine…

Après avoir proposé ses services au label Luaka Bop, l’écrivain Uchenna Ikonne, à la tête du blog de musique africaine Comb & Razor, a mis neuf mois avant de lui mettre le grappin dessus. Il aura ensuite fallu deux autres années pour convaincre le bonhomme du bien-fondé d’une réédition. Ou à tout le moins de lui faire signer un contrat de licence pour une compilation.

Les diggers qui ont permis à ce disque d’exister ont retrouvé sa trace dans la région d’Enugu, au sud du Nigéria.

Lorsqu’Eric Welles de Luaka Bop est arrivé l’été dernier à l’adresse qui lui avait été communiquée, il a atterri dans un drôle de magasin sombre et vide où une dame suspicieuse lui a demandé s’il venait de Russie avant de l’escorter jusqu’à une maison de trois étages suintant le luxe des années 80 et comprenant un salon de 40 personnes.

Si Onyeabor a construit un studio de cinéma, enregistré et pressé tous ses disques lui-même, il est aujourd’hui un drôle de businessman accro à la télévision chrétienne. A part ça, sa vie reste enveloppée d’un intriguant mystère. Onyeabor s’est depuis un bout de temps terré dans le silence et n’en sort que pour parler de Jésus. Quand il a refusé de tailler la causette avec l’auteur chargé du livret de son disque, les représentants du label ont cru à une stratégie pour tenter de faire grimper les enchères. Or, le vétéran qui avoisine les 70 ans se fout apparemment de l’argent… Onyeabor a connu une gloire soudaine dans son pays et a tout aussi rapidement disparu dans la nature. L’un ou l’autre de ses titres figurait déjà sur des compilations dédiées au Nigéria des années 70 et 80 comme The Funky Fuzzy Sounds of West Africa (2005) mais ses albums sont introuvables.

C’est dans les synthés futuristes qu’il faut s’en aller chercher la particularité de cet extra-terrestre. Selon la légende, William a pu enregistrer avec du matériel Moog alors que ces instruments étaient hors de prix et difficiles à débusquer en Afrique, parce qu’il avait été embauché comme représentant pour la marque de synthétiseurs… En attendant, les neuf longs morceaux de Who is William Onyeabor? sont irrésistibles. Funky, groovy, psychédélique et un peu kitsch… Chaleur on the dancefloor.

  • William Onyeabor, Who Is William Onyeabor, distribué par Luaka Bop/V2.

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