Critique | Musique

Chronique CD: Robert Glasper Experiment – Black Radio 2

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

R’N’B | Après le succès du premier volet, Robert Glasper et son band remettent le couvert. Entre jazz, r’n’b, soul et hip hop, le meilleur de la black music.

Chronique CD: Robert Glasper Experiment - Black Radio 2

Sorti l’an dernier, Black Radio avait placé la barre très haut. Il cachait en effet difficilement ses ambitions: proposer, via le jazz, un résumé des musiques black, ou plus encore les fusionner pour aboutir à la synthèse ultime. Evidemment, la manoeuvre était loin d’être neuve, encore moins révolutionnaire. La soul a toujours lorgné plus ou moins franchement du côté du jazz. Les rapprochements sont encore plus évidents avec le hip hop: des projets Jazzmatazz des années 90 au récent Kamaal/ The Abstract du rappeur Q-Tip en passant par les emprunts de José James…

Il n’en reste pas moins que Black Radio avait visé juste. Essentiellement composé de reprises (parfois aussi décalées que le Smells Like Teen Spirit de Nirvana), l’album réussissait à trouver un élégant terrain d’entente entre jazz, hip hop, soul et r’n’b -il obtiendra d’ailleurs le Grammy du meilleur album dans cette dernière catégorie. A la tête des opérations, Robert Glasper remet aujourd’hui le couvert avec Black Radio 2. Même esprit, même résultat. Ou presque.

Queen Jill

Aux côtés du patron, on retrouve le bassiste Derrick Hodge, Casey Benjamin au synthé et le batteur Mark Colenburg. Glasper alterne, lui, piano et nappes de rhodes. La table est mise, et la liste d’invités claque: Norah Jones, Snoop Dogg, Emeli Sandé… Après la longue introduction, le rappeur Common prend ainsi en main I Stand Alone. Le riff de piano ramène immanquablement au Radio Daze des Roots -un clin d’oeil à un collectif hip hop qui n’est pas le dernier à faire sortir le rap de son ghetto et lui faire goûter à tous les rateliers de la great black music. Le morceau suivant, What Are We Doing, prend une direction plus r’n’b avec la voix de Brandy. Le trait est encore un peu plus appuyé sur Yet To Find, sur lequel vient roucouler Anthony Hamilton. Mais sans jamais perdre de vue l’objectif final, Glasper et ses camarades nuançant les couleurs tout en restant dans la même gamme bleu nuit. A cet égard, Jill Scott est sans doute la plus à l’aise dans ce registre. Sur Calls, elle multiplie les accroches, riant, tonnant, ronronnant, tremblant: impossible de ne pas tomber sous le charme. Ailleurs, Norah Jones apparaît sur le morceau le plus agité du disque, Let It Ride, auquel la batterie de Colenburg file un beat quasi drum’n’bass.

Curieusement, cela ne fait pas davantage sortir Black Radio 2 de ses rails. Même quand Snoop Dogg et Lupe Fiasco se glissent dans la pièce (Persevere), les rappeurs se fondent complètement dans le décor. C’est peut-être bien la limite d’un disque volontiers monochrome. N’empêche: album de r’n’b adulte, il a beau être moins spectaculaire que le premier volet (ou plus subtil, c’est selon), jamais Black Radio 2 ne baisse ses exigences, suite au moins aussi réussie que le premier épisode. Comme quand elle termine par une reprise, blême, du Jesus Children de Stevie Wonder par Lalah Hathaway, la fille du grand Donny étant rejointe par l’acteur Malcolm Jamal-Warner dont le spoken word rend hommage aux petites victimes de la tuerie de Newton de décembre 2012. Poignant.

  • Robert Glasper Experiment, Black Radio 2, distribué par Blue Note.

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