Critique | Musique

Chronique CD: Julien Doré – Løve

Julien Doré © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

CHANSON | Avec son 3e album, Julien Doré fait semblant de baisser un peu la garde, entre pop sentimentale et chanson amoureuse.

C’était il y a exactement dix ans. M6 répliquait à la Star Academy de TF1 en lançant son propre télécrochet. Depuis, la Nouvelle Star ne s’est plus arrêtée, diffusée aujourd’hui par D8. La musique a disparu de l’écran télé, se lamente-t-on souvent. A certains égards, pourtant, elle est partout. Sa forme a juste changé. Elle s’est transformée en karaoké géant. On peut s’en plaindre, mais il faut bien concéder une chose au genre si souvent décrié: il a été l’un des seuls endroits où la pop culture a pu s’exprimer. Et tant pis si les gamins ont découvert Bob Dylan, Alain Bashung ou Jeff Buckley via l’interprétation over-the-top d’un candidat acnéique, ils feront bien la suite du chemin par eux-mêmes. Après tout, c’est aussi ça, la musique à l’ère du 2.0: un grand mash-up décomplexé.

Cette donnée, Julien Doré a certainement été le premier à en saisir la portée, dans toute sa dimension post-moderne: rien ne se perd, rien ne se crée, tout est recyclé. Adepte de Marcel Duchamp, l’ancien élève des Beaux-Arts de Nîmes passera ainsi son écolage télé à s’emparer des morceaux pour mieux les détourner. On connaît la suite. Le blond chanteur remportera la Nouvelle Star saison 5, en 2007. Mieux: il réussira à rebondir directement après, avec un premier album, Ersatz, vendu à plus de 250.000 exemplaires… Trois ans plus tard, en 2011, Bichon peinera davantage, dépassant à peine le quart des ventes précédentes. On y a tout de même remarqué la participation de Françoise Hardy. Echange de bons procédés: celle-ci invitera Doré sur son dernier L’Amour fou.

Idiot savant

Chronique CD: Julien Doré - Løve

Comme un écho à cette collaboration, Julien Doré sort aujourd’hui un 3e album, intitulé… Løve. Prononcez « louve », comprenez « lion », en danois dans le texte. Le bichon maltais à la Deschiens a donc laissé place au regard triste du félidé. Fini les forfanteries? Il y a de ça dans un disque qui se plaît à égrener une certaine mélancolie amoureuse. Sur le single Paris-Seychelles, la mélodie assume sa langueur menthe-à-l’eau seventies. Les paroles sont à l’avenant, aussi précises que joliment énigmatiques: « Te sourire dehors/à Angoulême/un chasse-spleen Melchio/Paris-Seychelles. » C’est l’une des plus belles réussites du disque. Il y en a d’autres comme Corbeau blanc, qui part notamment sur les traces de Manset, ou le plus léger Chou Wasabi en duo avec Micky Green.

Pour autant, les vieux réflexes refont régulièrement surface. On veut parler de ce maniérisme et autres petites coquetteries qui brouillent le message. Platini, par exemple, comme love song désabusée et pince-sans-rire, loupe sa cible, ni grotesque, ni vraiment touchante. En jonglant avec les références (ici encore Sébastien Tellier, Biolay…), Julien Doré a toujours cherché à s’échapper: surtout ne pas être pris trop au sérieux, ne pas se laisser enfermer. Mais du coup, à force de jouer l’idiot savant, et de prendre la pose, on ne sait toujours pas qui il est précisément. Løve donne bien quelques (jolis) nouveaux indices. En attendant les éclaircissements suivants.

  • JULIEN DORÉ, LØVE, DISTRIBUÉ PAR SONY.

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