Critique | Musique

Chronique CD: Angel Haze – Dirty Gold

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

HIP HOP | En forçant son label à sortir son premier album Dirty Gold, la jeune rappeuse Angel Haze a réussi son coup. À défaut de réussir tout à fait son disque?

Chronique CD: Angel Haze - Dirty Gold

On n’est plus jamais tranquille. Traditionnellement, le mois de décembre a toujours constitué une morne plaine musicale: peu de nouvelles sorties, beaucoup de best of à caser sous le sapin. Cette fois pourtant, alors que le critique s’apprêtait à profiter de l’apathie pour hiberner, mâchonnant une dernière fois la matière musicale de l’année écoulée pour dresser paresseusement ses tops, bardaf, ce fut l’embardée. C’est le cas Beyoncé, la superstar lâchant, du jour au lendemain, son nouveau disque, sans prévenir. Exemple encore avec la sortie de la jeune rappeuse Angel Haze, qui a balancé son premier album sur le Net, au nez et à la barbe de sa maison de disques. Motif? La promesse non tenue par la major de sortir l’objet en 2013. Le coup de gueule de la jeune femme était risqué -plus d’un s’est cassé les dents à vouloir doubler son label. Il sera cependant gagnant: Universal finira par publier le disque le… 30 décembre.

Qu’Angel Haze ait réussi son coup de force en dit long sur l’attente qu’a suscitée Dirty Gold. Schéma classique de la hype 2.0: la rappeuse américaine a commencé par sortir une série de mixtapes, avant d’être signée et de publier un premier EP « officiel ». Sa reprise de Cleaning Out My Closet d’Eminem avait notamment retenu l’attention, l’occasion pour elle d’évoquer les abus sexuels subis pendant son enfance. Par ailleurs, sa trajectoire ressemble fort peu à un long fleuve tranquille. Née Raykeea Angel Wilson, en 1991 à Detroit-la-déglingue, Haze a été élevée au sein d’une Eglise pentecôtiste fondamentaliste, proche du fonctionnement d’une secte: peu de contacts avec l’extérieur, pas de musique tolérée, aucun bijou, des interdits alimentaires… Finalement, sa famille s’enfuira pour rejoindre New York, où elle débarque à l’âge de 16 ans.

De ce parcours mouvementé, on retrouve fatalement des traces dans Dirty Gold, sans qu’Angel Haze en fasse son fonds de commerce. Que du contraire. C’est un peu la surprise de ce premier essai. Alors qu’on s’attendait peut-être à une charge frontale, à des harangues rap-électro énervées, Dirty Gold se dilue souvent dans la pop. C’est particulièrement frappant sur des ballades comme Planes Fly ou plus encore Battle Cry, en duo avec Sia, faiseuse de hits pour Rihanna (Diamonds) et David Guetta (Titanium). La chanson n’est pas exactement un ratage, elle manque juste de la personnalité et du tempérament que l’on pensait pouvoir attendre d’Angel Haze. Métisse black-cherokee, elle collabore notamment avec A Tribe Called Red, collectif électro qui intègre à sa tambouille des éléments musicaux tirés du patrimoine des Indiens « native » -preuve que la donzelle n’abandonne pas forcément tous les éléments de son identité. Sur White Lilies/White Lies, elle trouve encore le bon équilibre entre accessibilité et accents plus singuliers. Vu le tempérament affiché par Angel Haze, on espérait juste ces moments plus nombreux…

  • DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL.

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