Laurent Raphaël

Chic alors!

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

ÉDITO | Prenez un courant musical ultra populaire, conchié comme il se doit par toutes les sous-cultures du moment pour son goût excessif de la fête et son manque apparent de conscience politique, laissez-le reposer pendant trente ans après sa mort par overdose, et vous obtiendrez un complément survitaminé que s’arrachent désormais les chapelles, même les plus pointues.

Vous avez dit bizarre? C’est pourtant à peu de chose près le sort réservé au disco, honni hier par les tenants du bon goût, encensé aujourd’hui par leurs descendants. Et remis solidement en selle par Daft Punk (lire le Focus du vendredi 17 mai). S’il y a comme une filiation naturelle entre électro et disco -même culte du refrain entêtant, même appel à la révolte corporelle, et surtout même biotope, le dancefloor-, il est cocasse de voir un groupe sorti de la cuisse du Jupiter de la French Touch Pedro Winter s’en remettre à la magie de Nile Rodgers, ce vieux gourou faiseur de tubes pour toute la famille. D’accord, les kitscheries qui jalonnent la carrière du duo casqué annonçaient quelque part la couleur. Mais comme quoi, la coolitude n’est pas une science exacte dont les théorèmes seraient gravés dans le granit des consciences une fois pour toutes. Elle est à géométrie variable.

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En comptant sur l’effet lustrant du temps et sur l’amnésie des modes, les pires genres finissent tôt ou tard par devenir fréquentables. Comparé aux révélations d’Alex Beaupain, nouveau prince de l’intelligentsia parisienne, le coming out des robots siamois sonne d’ailleurs presque comme des retrouvailles. L’auteur de Après moi le déluge aligne en effet sans rougir ses casseroles inspiratrices dans la presse française: Jeanne Mas, Kim Wilde et même… Stéphanie de Monaco. Un ouragan d’humour? Apparemment non. Le bonhomme assume ses plaisirs coupables. Courageux. Mais ce qui surprend le plus, c’est qu’il puisse le faire en toute impunité. On évoque juste des réminiscences eighties, une nostalgie rafraîchissante comme si les années 80 se résumaient à une compile Nostalgie… Il y a dix ans, cet aveu lui aurait sans doute valu le goudron et les plumes de la part des mêmes arbitres culturels.

Conclusion: aujourd’hui, pour être repéré sur le radar de la hype, il ne faut pas lésiner sur la ringardise. Alors, allons-y. Voyons voir ce qu’on a sous le matelas des apparences trompeuses. Tiens, tiens, n’est-ce pas là un Human League? Et juste à côté un Soft Cell? Et ici, c’est quoi? On dirait un petit Simple Minds. En fouillant bien dans les recoins sombres, on doit même pouvoir trouver des traces d’un Rick Astley, d’un Imagination ou d’un Abba. Si, si. On avoue avoir mâchonné ces guimauves synthétiques sans faire la grimace, entre un Joy Division et un Dead Can Dance. Alors Nile, si tu nous lis, ne sois pas timide, appelle-nous. Le synthé qui dort dans le grenier depuis qu’on se rêvait en Cerrone moules-frites devrait encore pouvoir cracher un hit planétaire…

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