Cherry Glazerr, retour au grunge

Cherry Glazerr © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Punky et déconneur, le trio américain Cherry Glazerr sort Apocalipstick. Des chansons post-grunge, emmenées par la jeune Clementine Creevy, leader tongue-in-cheek, féministre et pétomane.

Sur les premières photos du groupe, on peut la voir blonde peroxydée, la platine eighties, façon Lolita boudeuse. En vrai, on la découvre sauterelle châtain. Plutôt le look de slacker rigolote en fait, les lunettes double foyer planquées pour l’interview. En résumé, moins Blondie que Juno, l’héroïne ado décalée et flottante du film indé de Jason Reitman.

Elle, c’est Clementine Creevy, même pas 20 ans. Elle est la chanteuse/guitariste/leader du groupe Cherry Glazerr. Après une cassette en 2013 (Papa Cremp), elle a sorti avec son groupe un premier album il y a trois ans, alors qu’elle était encore au lycée. Haxel Princess était publié chez Burger Records. Avec ses guitares crasseuses, la musique proposée correspondait en effet assez bien à l’esthétique rock garage du label californien.

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Aujourd’hui, Cherry Glazerr sort son nouveau disque, intitulé Apocalipstick. C’est Secretly Canadian qui a repris la main. Le groupe n’est plus tout à fait le même. Le son non plus. Moins lo-fi, il a pris de l’ampleur, tandis que les chansons ont changé d’épaisseur. Cela étant dit, l’électricité domine toujours. Pas vraiment la tendance du moment. Du moins à en croire les prévisions qu’ont dressées différents médias pour 2017 (au milieu des rappeurs et chanteuses soul, à peine deux groupes à guitares dans les quinze mis en avant par le BBC sound of 2017). Pourquoi le rock? « Ce n’est pas comme si j’avais choisi. C’est simplement ce que je fais. Le fait est que le premier instrument avec lequel j’ai commencé à jouer était une guitare. » Clementine avait onze ans. Depuis, elle ne l’a plus quittée.

Orgasmes bioniques

Creevy est née à Chicago, mais a passé toute son adolescence à Los Angeles. Un père producteur télé (les séries Prison Break, NYPD Blue…), une mère écrivaine. C’est elle qui a suggéré le nom du groupe à sa fille. « En fait, dans la vraie vie, Chery Glaser est une journaliste radio, sur KCRW (la radio publique nationale, NDLR). On l’écoutait tous les matins dans la voiture, sur le chemin de l’école. Ma mère trouvait que ça pouvait être drôle d’appeler un groupe comme ça. En général, elle est très douée pour donner des noms bizarres aux choses… » Dans le salon de l’Ancienne Belgique où on la rencontre, Creevy est entourée de deux autres embres de Cherry Glazerr: Sasami Ashworth, claviériste et musicienne à tout faire (elle a commencé par le cor de chasse), et Tabor Allen, batteur barbu. Ils dégagent tous les trois le même cool californien. « On est très Los Angeles… »

Deux filles, un garçon donc. Une fois n’est pas coutume. Dans une interview, Creevy avait raconté avoir imaginé monter une formation quasi entièrement féminine, dont seul le chanteur serait un homme. « Je trouvais l’idée très cool, se marre-t-elle. C’est dingue que ça n’existe pas, non? Enfin, moi, je n’en connais pas en tout cas. Après, on peut le voir comme un statement. Pour une fois, c’est le mec qui passerait pour la marionnette, dont les filles tirent les ficelles. » Dans un sujet vidéo pour Vice, Clementine Creevy est présentée comme la nouvelle « millenial punk feminist icon« . Au début du reportage, elle n’hésite pas à dévoiler la pilosité qui décore ses aisselles, clin d’oeil à une Patti Smith (la pochette d’Easter), dont elle serait une version encore pouponne et déconneuse. « Si Cherry Glazerr était un super-héros, quel serait son pouvoir? Elle jouirait tellement fort que ses orgasmes détruiraient des immeubles entiers. »

Tant qu’on y est, on pourrait aussi voir dans le groupe californien une version rénovée du grunge qui a régné au début des années 90. On se rappelle du look négligé, voire un peu pouilleux -mal rasé, pas lavé-, en vogue à l’époque. Version Cherry Glazerr, cela donne le titre Trash People: « We wear our underpants three days in a row/My room smells like an ashtray« . Un côté gentiment déglingué qui a titillé Tyler, The Creator -le rappeur ayant même invité Clementine sur son album Cherry Bomb. Un romantisme cracra qui a séduit aussi immanquablement les modeux -Hedi Slimane a pioché dans la musique de Cherry Glazerr pour le défilé automne 2014 de Saint-Laurent.

Cherry Glazerr, retour au grunge

Ne comptez cependant pas trop sur Creevy -qui a également déjà fait ses premiers pas d’actrice- pour jouer les starlettes branchouilles et glamour. « Je ne suis pas différente des autres. Quand je rigole trop fort, par exemple, je ne peux pas m’empêcher de péter.« Plus loin: « Honnêtement, je ne comprends toujours pas pourquoi le monde de la mode est venu vers nous. Je sais juste que si l’on avait été un vieux chanteur noir obèse de 50 ans, on aurait eu beau faire la même musique, aucune compagnie ne serait venue frapper à notre porte… »

Sans doute le revival nineties a-t-il aussi aidé. Même s’il existe une différence entre la dépression morbide et apathique de la génération X et l’anxiété qui peut ronger aujourd’hui les millenials. Au moins dans la manière d’utiliser l’humour pour la dégoupiller. « Franchement, la vie est déjà assez compliquée comme ça pour encore se permettre d’être déprimé. Je ne dis pas que je n’ai pas mes mauvais jours, comme tout le monde. Mais on a parfois tendance à romantiser cet état, comme s’il fallait être au fond du trou pour créer ou être crédible. Bullshit. » Ce qui ne veut pas dire que la musique est une plaisanterie ou une simple récréation. Elle insiste: « C’est une nécessité. On n’est pas des vendeurs. On est des musiciens. On ne sait pas faire autre chose. Que ça fonctionne ou non… De toute façon, si vous vous lancez dans la musique pour faire de l’argent, que Dieu vous bénisse! (rires) Ça n’arrivera pas. Ou alors vous perdrez toute humanité en cours de route. » Avant de repartir, on lui demande tout de même quelle est son ambition: « Devenir une guitariste incroyable. Être quelqu’un qui écoute les autres. Et qui ne se prend pas trop au sérieux. » Cela doit être jouable.

Cherry Glazerr, Apocalipstick, distr. Secretly Canadian. ***(*)

En concert le 22/02, au Trix, Anvers.

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