Charlotte Gainsbourg aux Nuits, l’ennui

Drôle de soirée gainsbourgienne. Au même Cirque Royal, il y a trente deux ans et quelques spasmes, on y voyait Serge G. réinventer sa carrière en compagnie de rastas sur des histoires de Lola Rastaquouère et de Marseillaise reggae.

Là, au second samedi des Nuits, c’est sa fille Charlotte, qui donne quatre-vingt minutes de concert en compagnie de Connan Mockasin: le groupe est néo-zélandais, basé à Londres, emmené par Connan Hosford, trentenaire qui évoque une photocopie de Kurt Cobain qui aurait moyennement bien tourné.

On y va d’autant plus sceptique que Charlotte G. actrice, inondée de talent et de culot -cf. ses saillies chez Lars Von Trier- porte un génome chanson d’une modernitébranchouilleuse qui, globalement, nous indiffère. Voire, nous agace définitivement. Retirez le nom et l’aura star, et vous verrez. Ses deux albums adultes -on met de côté le Charlotte For Ever paternel de 1986- 5:55 et IRM sont des affaires trop filandreuses pour notre compteur sentimental. Le casting international (supposé) mode rassemblant Air, Jarvis Cocker et le scientologue Beck, forme une bande son idéale quand on fait la vaisselle. Pas trop bruyante avec Charlotte dans le rôle de souris glamour.

On le dit avec d’autant plus de contrition (…) qu’en scène, dans ce Cirque aux deux tiers plein, la quadra de 1971, chante juste et bien, sincère et même touchante. Comment ne pas l’aimer, avec son profil maman Birkin -elle laisse tomber le micro, s’excuse, le public applaudit- et sa réelle présence charnelle? On imagine deux secondes ce que cela donnerait avec des mecs vraiment funky ou reggae ou juste un peu terriens, faisant dorer les sentiments de Gainsbourg junior sur le barbecue de la justesse, du désir et de la tension. Comme toute bonne musique. Charlotte chez Stax, Prince ou Kingston, percutant sa voix de volutes profondes, on vote pour.

Donc, malgré l’énorme capital de sympathie de la fille à Serge, on sent le public, pourtant courtois, s’ennuyer un peu, beaucoup, terriblement, ne pas comprendre pourquoi ces morceaux déjà moyens (Terrible Angels…) cherchent le groove sans le trouver, pourquoi Charlotte laisse ce Connan le barbant diriger la manoeuvre sur It’s Choade My Dear alors qu’elle se met à la batterie? Bref, malgré les uniformes des musiciens supposés taillés dans le look Orange Mécanique, il n’y a ici, rien de réellement excitant, dangereux ou improbable. Sauf peut-être quand à l’issue d’une première dizaine de titres, Charlotte et ses nouveaux amis reprennent le Ashes to Ashes de Bowie, mettant en relief la cruauté d’une chanson implacable face à des consoeurs qui ne le sont vraiment pas…

Philippe Cornet

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