Charles Aznavour: « je ne suis pas vieux, je suis âgé. Ce n’est pas pareil »

Charles Aznavour © AFP/Joël Saget
FocusVif.be Rédaction en ligne

Charles Aznavour a bien voulu aborder sa jeunesse, ses plaisirs démodés, ses amis, ses amours et ses emmerdes, dans une interview accordée à l’AFP avant d’entamer, à 93 ans, une nouvelle série de concerts.

Une courte tournée européenne de douze dates, dont sept en France, avec des concerts à Sofia (30 novembre), à Vienne (9 décembre), à Amsterdam (3 mars), à Saint Petersbourg (25 avril), à Moscou (28 avril) attendent ce monstre sacré de la chanson française, qui a souvent répété vouloir chanter sur scène jusqu’à 100 ans.

Vous chanterez pour la première fois à Bercy, cela ne doit pas vraiment vous intimider…

Peu importe la salle, c’est le public qui compte.

Avez-vous encore le trac?

Ca s’est terminé le jour où j’ai compris que le public venait pour moi. Avant, je faisais les premières parties, le public attendait les vedettes.

Le rapport au public est toujours aussi passionné?

J’aime le public, le public m’aime. On est tout à fait d’accord.

Avant d’être une figure tutélaire, vous avez été vous-même soutenu. Par Piaf notamment…

Les jeunes qu’elle faisait monter sur scène étaient ses amants. Moi non. Elle m’a soutenu pour d’autres raisons. Mon passé s’accordait bien avec le sien. Mes parents étaient des étrangers, qui ne parlaient pas français. Ils nous ont, ma soeur et moi, laissés devenir des enfants de la rue. Piaf était une enfant de la rue. Ca nous a rapprochés.

Qu’y faisiez vous?

On faisait l’école buissonnière, on allait dans les bals-musette, les cinémas, les musées. Personne ne venait nous dire, « on ne fait pas ça ici », puisqu’on ne le savait pas. Ca été une grande chance.

Piaf, Trénet, Chevalier c’étaient vos inspirations?

Il y a eu aussi Constantin Stanislavski, Carlos Gardel, Bing Crosby, Mel Tomé, Frank Sinatra. Piaf a été la seule femme qui m’ait influencé.

Votre voix a longtemps été raillée, ça ne vous a pas empêché de chanter avec les plus belles comme Liza Minnelli…

Eh oui! Liza, je l’ai formée même. Je l’ai amenée à Paris en 1969, Bruno Coquatrix ne la connaissait pas. La première soirée à l’Olympia a été un succès immédiat. Son spectacle était fait avec beaucoup de mes chansons et une manière très française de les interpréter, pas vraiment « Broadway ».

Celui que vous avez aidé aussi, c’est Johnny Hallyday, peu soutenu par le monde de la musique à ses débuts…

Ils ont été très méchants avec lui. Henri Salvador a été affreux, il s’est levé dans la salle en disant qu’il n’avait rien entendu d’aussi mauvais. On n’a pas le droit de faire ça, même si c’est vrai.

Vous lui avez écrit Retiens la nuit, qui l’a fait interprète…

Mais il était un bon interprète! Comment ne s’en sont-ils pas rendus compte pendant toutes ces années?

Outre le talent, la détermination explique votre réussite. Elle se voyait dans vos concerts…

Ce n’est pas que j’en voulais tellement: je voulais surtout placer ce que je savais faire, c’est différent. J’ai fait de la danse classique, de la variété, du théâtre… Je me suis dit que si j’imprégnais mes chansons de toutes ces expériences, je trouverais mon style. Et c’est devenu « du Aznavour ».

D’autres, comme Yves Montand étaient aussi dans l’incarnation…

Montand faisait des gestes. (Il se lève et marche sur place, bras ballants) « Tam, tam-tam, sur les grands boul’vards! » Mais en quoi on reconnaît les grands boulevards? En rien! Il était pourtant studieux. Alors que moi, j’arrive sur scène en me demandant ce que je vais faire, et je le fais…

Y a-t-il un artiste avec lequel une émulation s’est créée? Gilbert Bécaud peut-être?

Pas vraiment. Lui, il voulait être le premier partout. Par exemple, il a été très malheureux de me voir faire le Muppet Show. Il m’a demandé comment j’avais fait. Je lui ai dit qu’on me l’avait juste demandé et il m’a répondu: « je suis jaloux ».

Dans votre dernier livre (Retiens la vie) vous affirmez ne jamais manger avant un concert, ni boire pendant. Pourquoi?

Je n’aime pas voir quelqu’un en eau sur scène. J’ai juste trouvé la façon. La modernité ce n’est pas d’être moderne. C’est d’être de son temps. Je n’aime pas qu’on dise que je suis vieux. Je ne suis pas vieux, je suis âgé. Ce n’est pas pareil.

Vous continuez de chanter en langues étrangères?

J’aime faire plaisir aux personnes qui viennent m’écouter, alors qu’elles ne comprennent pas le français.

Préparez-vous un nouvel album?

J’ai 40 chansons d’avance. Je vais en enregistrer une douzaine pour commencer. Puis je vais en distribuer. Après tout, avant je gagnais ma vie comme ça, en étant chanté par les autres.

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