Carl Barât, DJ qui mixe les mains dans les cheveux

Tout comme quelques jeunes groupies très lookées et les Ramones du Lycée Dashbeek, notre chroniqueur a été voir mixer Carl Barât à Flagey, ce samedi soir. Il en est revenu sceptique, hilare et supporter des petites mains du secteur DJ. Sortie de route, track #34.

Je ne suis pas le seul à le penser, Carl Barât, des Libertines, est un clone d’Eric Idle, des Monty Python. Un type qui s’habille comme une lesbienne, le marcel sous le perfecto, vraiment le total look de gouine. Charismatique, peut-être sympathique, mais sans doute chafouin, avec ses petits airs de diva qui donnent envie de lui cambrioler l’appartement, pour sa peine. Flagey, samedi, minuit passé, je suis là pour lui, à la fête d’anniversaire du Brussels Film Festival. Oui, là pour Carl Barât. Je n’ai pas vu les films projetés sur LCD Soundsystem et les Libertines, je n’ai pas assisté au concert des Chromatics et je ne vais pas non plus rester pour le DJ-set de Saul Williams, prévu vers 2h30, parce que je suis tout simplement claqué. Ce qui me titille, c’est de voir mixer Carl Barât. Rien de plus. Je suis loin d’être le seul dans le cas, à voir défiler les petites nénettes à peine pubères lookées indie qui se massent devant les platines pour mieux admirer l’idole en action. Contingent de groupies à comédons auquel on peut ajouter une poignée de Ramones du Lycée Dashbeek (Jean-Philippe Ramone, Didier Ramone, François-Xavier Ramone et Loïc Ramone), baby-rockeurs de la haute trimballant plus de miettes de Pain Quot autour de la bouche que de perles de crack mais qui se la jouent néanmoins rock and roll attitude à fond les ballons. C’est amusant à regarder, ce cirque, mais on note malgré tout une absence totale d’électricité dans l’air. L’attente se fait longuette, ça sue, mais les gens semblent s’en foutre totalement. Constitution de ce public: bonnasses dignes de finir James Bond girls et douchebags de compétition. Bref, on se croirait à Paris, ce qui est d’ailleurs exactement ce que devient la Place Flagey côté Belga: une recréation locale de l’ambiance pincée et beauf-branchée des alentours du Canal Saint-Martin.

Voilà, c’est parti! Carl Barât s’empare des platines, accompagné d’un « assistant » qui pourrait tout aussi bien être son frère ou un micheton. Assistant de DJ, cela fait bien rire, le genre de job A.L.E. qui doit changer d’acheter des poireaux aux octogénaires. C’est moins rigolo quand on sait que Barât est à moitié sourd, depuis l’ablation d’une tumeur derrière l’oreille, en 2005. Reste que le micheton a vite fait de dérégler un son jusque là tout à fait correct, quand il était aux mains de DJ Sofa. Volume différent d’un morceau à l’autre, quasi blancs, fréquences mal réglées, mains le plus souvent dans les cheveux que sur les potards… Ca frime sec pour un résultat pourtant à peine digne d’un mariachi. The Clash, Beatles, Happy Mondays, Outkast, The Smiths, les Libertines, ce n’est ni pathétique, ni spécialement embarrassant mais terriblement vain et abominablement prévisible. Il vous reste bien entendu permis de me traiter de Barât-joie de service, ceci ne restant qu’une opinion parmi d’autres.

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Seulement voilà, j’ai vite fait d’estimer qu’il n’y a pas à tortiller, c’est de l’escroquerie pure. Une encule toutefois moins strictement vénale que plus symptomatique d’une époque masturbatoire. Carl Barât, en totale mode personal branling, n’est pas plus deejay que Tom Barman, le grand con d’Hot Chip, Peter Hook de New Order ou encore le gars des Stone Roses. Que ces types passent des disques contre de l’argent et échappent au lynchage malgré le piètre résultat, c’est un effet de la pure pipolisation et nous sommes tous coupables de l’existence d’un contexte permettant cela: le gars qui se fait un petit pécule avec une activité qu’il ne maîtrise pas, ses proches qui n’osent pas lui dire qu’il passe pour un zozo, l’orga qui attire du monde avec un nom porteur mais inapte, le public qui vient pour tout un tas de mauvaises raisons, de la simple curiosité aux envies de starfucking. Bien sûr, demander à quelqu’un qui n’est pas DJ de passer de la musique en soirée peut être source de découvertes, d’étonnements, de regards joyeusement « anormaux » sur l’art de faire danser les gens. Le problème majeur, c’est que dès que le type est un peu connu, il a une réputation à tenir ou à tenter de gonfler, en jouant soit ce qu’il pense que l’on attend de lui, soit en tentant de casser son image, comme le fait souvent Tom Barman, chanteur pop se prenant pour un roi de la techno. Bref, c’est une marque qui segmente ses marchés, rien de plus, et on a presque plus de chances d’être agréablement surpris à la RTBF DJ Experience, où il n’est jamais impossible que Sébastien Nollevaux, en toute innocence, se mette à taper de la booty dégénérée dans le rythme.

Quoi qu’il en soit, tout cela reste très éloigné des missions premières d’un deejay: installer une ambiance, surprendre les gens, les emmener danser dans un univers de préférence inattendu, s’effacer derrière le son. À cet exercice-là, le seul « vrai » DJ de la soirée de samedi, était bien entendu Sofa, le régional de l’étape. Quasi inconnu, spectre musical extrêmement large, bonne technique, le type a joué le double de temps que les autres, probablement payé largement moins, le plus souvent devant 20 personnes qui regardaient le plafond, leurs fonds de verre ou les décolletés qui passaient. Comme d’habitude dans ce monde de merde, c’est donc celui qui en sait le plus qui a le plus fait tapisserie. C’est la même chose dans les médias, dans le cinéma, dans la mode, dans la musique, à la téloche, dans la politique, partout. Petites mains besogneuses et anonymes, sous-prolétariat éclipsé par l’aura en mousse d’idoles faussement polyvalentes, cet article est plein de bisous pour vous. We shall overcome, some day.

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Serge Coosemans

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