Serge Coosemans

BX-Hell Underground (9 et fin) À partir des eighties: Thés dansants et trash gay avec Bernard Gavilan

Serge Coosemans Chroniqueur

DJ Kwak et Serge Coosemans partent cet été à la rencontre de figures s’étant dans un passé un peu oublié illustré au sein de différents undergrounds bruxellois. Le tout évidemment recouvert d’une bonne couche de zwanze…

Préparatif soirée réveillon Strong
Préparatif soirée réveillon Strong

« À Bruxelles, j’ai beaucoup contribué à la fête et au plus beau look », nous annonce d’emblée Bernard Gavilan, designer, styliste, fripier, deejay, indécrottable noctambule et one hit wonder le temps d’une mémorable reprise électro adaptant Patrick Coutin (J’aime regarder les mecs). Nous l’avons invité pour nous parler de l’underground gay mais très vite Bernard nous vante plutôt le souvenir des soirées Alka Seltzer et des débuts du Mirano (« ce club et cette faune m’ont littéralement fait remonter les couilles à la gorge, quel choc! »). Il se remémore aussi avec joie les soirées Belmondo à Gand, le Dirty Dancing et les thés dansants des dimanches après-midis de Planète Chocolat, il y a quelques années de cela. Des moments et des lieux où les gens se mélangeaient, où un gay pouvait reluquer un hétéro sans se prendre un marron, où la musique était variée, l’ambiance sereine même si survoltée. Une certaine idée de Bruxelles: tolérante, mixte, multiculturelle… mais surtout très canaille.

Dédicace de la pornstar Jeff Styker
Dédicace de la pornstar Jeff Styker

Notre camarade du jour peut également planter le topo en connaissance de cause de lieux et d’ambiances bien davantage méconnus du grand-public, plutôt réservés aux initiés, comme on dit: « Les premières soirées Strong ou les premières Démence, c’était isolé, en dehors de Bruxelles, dans des grosses baraques. C’était très folklo, très libertaire. C’est un autre monde, toujours assez effrayant au début. Des bars et des boîtes gay, il y en a de toutes sortes mais quand tu vas dans certains endroits où il est très facile d’avoir du sexe, la musique va à fond la caisse, les écrans diffusent du porno dans tous les sens, ce sont des petits endroits sombres avec des backrooms… La Démence, c’est devenu le fast-food du sexe. Tout le monde y est balèze, torse nu. Une grande partie des gens viennent là habillés normalement et se changent au vestiaire. Les gogos ne dansent plus sur un podium, ils sont en érection sur le comptoir… »

Mirano, 1997
Mirano, 1997

Un court-circuit dans les cerveaux intelligents et un réflexe simien chez les autres fera rapidement parler d’outrance. L’outrance du pédé décomplexé. L’outrance, ce cliché gay. Bernard Gavilan: « C’est fini de devoir être pédé pour être outrancier. Les Anges de la télé-réalité, Chelsea Girls, la Fashion Police de Joan Rivers… Voilà l’outrance d’aujourd’hui. L’outrance reste malgré tout une façon de s’exprimer pour bon nombre de gays. J’ai vécu la première Gay Pride bruxelloise -genre 40 personnes au Mont-des-Arts. Aujourd’hui, ça n’a plus rien à voir. C’est devenu un business, un carnaval, vraiment outrancier, avec des stéréotypes un peu pathétiques. La Gay Pride, ça reste malgré tout un moment pour la communauté homosexuelle où réclamer des choses, les dire. Se faire entendre. Je me faisais plus insulter dans les années 80 mais de nos jours, l’homophobie est très à la mode. Sur Facebook, c’est à celui qui va poster la meilleure vidéo d’un pédé qui se fait frapper et à Bruxelles. Tenir la main et embrasser quelqu’un du même sexe en dehors du centre-ville reste tout de même à mon sens assez courageux. On vit aujourd’hui mieux son homosexualité qu’avant mais il restera toujours des problèmes tant qu’on parlera des uns comme plus normaux que les autres. Il y a trop de pensées, de gens et de religions qui se montent contre les gays. »

Ce podcast étant avant tout culturel, on a sinon osé la question qui tue: est-ce que la culture gay, surtout noctambule, a toujours 3 longueurs d’avance sur les autres? Réponse sans vraiment y répondre: « À Bruxelles, je pense que la vie nocturne, pas que gay d’ailleurs, se consomme désormais autrement. On reste plus tard dans les bars -genre Belgica, Boys Boudoir et Dolores- depuis que le centre-ville est piétonnier. Le quartier gay s’est bien dessiné au fil du temps. C’est devenu un véritable petit Marais. » Gentryfication et pochetronnades, une autre certaine idée de Bruxelles.

BX-Hell Underground (9 et fin) À partir des eighties: Thés dansants et trash gay avec Bernard Gavi by Focus Vif on Mixcloud

Un grand merci à toute l’équipe de FM Brussel.

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