Serge Coosemans

BX-Hell Underground (7) À partir de 1963: Le clubbing black avec Jean-Armand Noah

Serge Coosemans Chroniqueur

DJ Kwak et Serge Coosemans partent cet été à la rencontre de figures s’étant dans un passé un peu oublié illustré au sein de différents undergrounds bruxellois. Le tout évidemment recouvert d’une bonne couche de zwanze…

Cette semaine, notre podcast vous parle d’établissements bruxellois où nous n’avons (quasi) jamais mis les pieds, ce qui est sans doute également vrai pour un grand nombre de nos lecteurs. Backstage, Enfants Terribles, 144, Memphis, Sparrow, Black & White… C’est l’underground africain, bling et avec pignon sur rue, mais paradoxalement inconnu de beaucoup, autant dire un monde véritablement parallèle. « Bruxelles est une ville de barrières », nous dit d’emblée Jean-Armand Noah, barrière entre Noirs et Blancs, bien sûr, mais également barrières entre réalités noctambules prosaïques et fantasmes d’un public bagarreur et camé. Arrivé en Belgique en 1963, cet universitaire camerounais a connu le Bruxelles où les étudiants africains n’avaient pour ainsi dire nulle part où aller, si ce n’est les Anges Noirs, une boîte-concept africanisante mais somme tout bien blanche. Là, c’est la barrière de l’argent qui faisait que les Congolais, Antillais et autres Haïtiens restaient souvent dehors. D’abord danseur (« sur le podium avec des filles »), Jean-Armand Noah ouvre plus tard des discothèques fréquentées par des fils de ministres, des diplomates et leurs gardes du corps. Il fait aussi jouer Sergio Mendes, Van Morrison, Frank Zappa, Lou Reed et Manu Dibango. Dégotte des « luminaires » de la Rue de Stassart pour des jazzmen américains aussi ivres que célèbres, à la demande de Pol du Pol Jazz Club, ce qui le fait marrer et le désole à la fois: il n’est pas entremetteur, juste entertainer.

Ce podcast a été largement édité car discuter avec Jean-Armand Noah, c’est s’entendre raconter longuement et avec beaucoup de passion 50 ans de Bruxelles et de son nightclubbing, d’ailleurs pas que black, le tout traversé de digressions souvent amusantes, parfois moins, qui s’intéressent autant au racisme latent du belge de souche, surtout au temps où les anciennes colonies devenaient indépendantes, qu’à la longue absence de réflexion sur le communautarisme en Belgique, contrairement à ce qui se pense à Londres ou à Paris. C’est parler de funk, de jazz, de Johnny Hallyday et aussi de ce concept très particulier qu’est le « congolais évolué », brave petit bonhomme diplômé qui recevait une belle maison dès que son intelligence était reconnue par les Blancs. C’est aussi, comme souvent, un peu se plaindre de la difficulté à Bruxelles de trouver des espaces où monter de belles fêtes et, surtout, de continuer à les faire vivre quand l’administration s’emmêle les pinceaux ou se montre très/trop tatillonne. C’est encore reconnaître au clubbing black bruxellois une pole position sur le funk, le bling et même l’idée d’after, bien avant la techno et un peu par hasard. Jean-Armand Noah: « Quand les autres boîtes fermaient, le personnel et les derniers clients venaient chez nous. On a décidé de proposer des petits déjeuners à l’étage, tandis que la musique continuait. Au départ, c’était un moyen sympathique de finir la soirée mais en mangeant les gens reprenaient des forces et ça pouvait alors continuer jusqu’à 10 heures, parfois jusqu’à 3 heures de l’après-midi. On a inventé l’after! » La suite en audio et c’est un véritable roman.

BX-Hell Underground (7) À partir de 1963: Jean-Armand Noah by Focus Vif on Mixcloud

Un grand merci à l’équipe de FM Brussel et tout spécialement à Geoffroy Mugwump pour la musique de fond (haha !)

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