Serge Coosemans

BX-Hell Underground (6) 1983-1994: La vie selon La Muerte, avec Mark Lagoon et Dee-J

Serge Coosemans Chroniqueur

DJ Kwak et Serge Coosemans partent cet été à la rencontre de figures s’étant dans un passé un peu oublié illustré au sein de différents undergrounds bruxellois. Le tout évidemment recouvert d’une bonne couche de zwanze…

Le kick, c’est au fond toujours la même affaire. Si ça se fait à New York, Londres, Manchester ou, en l’occurrence, Melbourne, pourquoi pas ici? En Belgique, à Bruxelles. S’en fiche de la grisaille, du provincialisme, du manque d’infrastructures et y aller à fond, tout à fond, comme si on était nés sous des latitudes plus clémentes pour les rockeurs de l’extrême. Evidemment, dans un pays où vouloir sortir du rang est un crime de dikkenek, capital donc, y aller à fond, c’est aussi courir le risque de se prendre le vent de face, de se heurter à de fortes résistances. C’est exactement ce qui est arrivé à La Muerte, groupe créé en 1983 par le chanteur Marc Du Marais (depuis devenu Mark Lagoon et encore après Marco Laguna) et le guitariste Dee-J. Un vrai coup de foudre, entre ces deux-là, très vite une alchimie folle entre deux outsiders aux envies et aux influences tellement larges qu’à l’époque vues comme totalement paradoxales. Le duo, d’une seule voix, s’en rappelle: « On était trop extrêmes pour les fans de rockabilly ou même de psychobilly. Trop rock pour les amateurs d’électro. Pas assez speed pour ceux de speed metal. Trop trash pour les bluesmen. Un trip vraiment à part, axé sur la sauvagerie. On nous prenait pour de vrais cinglés, on nous disait que ça ne marcherait jamais. »

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Comics américains, culture dragster, Kenneth Anger, cinéma, Henry Mancini, science-fiction glaciale à la JG Ballard, psychédélisme, métal, sauvagerie rock de Detroit (MC5, Stooges…) mais aussi admiration folle pour toute cette vague australienne sauvageonne représentée par The Birtdhay Party, les Inca Babies et The Scientists… La Muerte brassait large. Tellement large que les premières reviews furent catastrophiques et qu’il faudra au groupe sortir 4 vinyles et tourner 3 ans à travers toute l’Europe avant de voir leur batteuse du moment (!?!) une première fois correctement interviewée par un magazine belge, en l’occurrence Humo. Dee-J: « C’était dur mais on avait d’autres ressources et donc pas franchement besoin des médias. Nous n’étions pas un groupe radiophonique et si jamais on passait à la radio, c’était en session acoustique parce que les types n’osaient pas passer nos disques. C’est en fait assez excitant d’être à part, cela donne une énergie fabuleuse. Tu te bats contre le monde entier, t’as la hargne. Pendant 10 ans, je considère qu’on a été très égoïstes, au sens le plus positif du terme, en ne faisant aucune concession. On était vus comme bruyants, vilains et méchants mais nous étions en fait embarqués dans un trip très positif. Sur scène, c’était hyper-physique, chaque chanson était un round de boxe. On a fait une John Peel Session, on a fait la première partie de The Jesus & Mary Chain, on a voyagé dans toute l’Europe. On a même fini par voir beaucoup de vestes se retourner et avoir une forme de reconnaissance qui a survécu aux années. Bref, on s’est vraiment bien marrés! »

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Il n’y avait aucun plan. La plus grande des spontanéités, une certaine pureté même. La Muerte marchait complètement au radar. Leur succès culte les a fait vivre. Un peu. Marc: « Le groupe payait les frais du groupe, le frigo et la moto. Pas le loyer. Jamais le loyer. » Ils sont aujourd’hui l’une des principales légendes du rock au royaume, en termes d’inventivité et de patte à peine un cran en-dessous de Front 242 mais sans doute quelques-uns au-dessus de The Neon Judgement. Ils sont conscients de faire partie du haut du panier de notre histoire musicale, sans toutefois la ramener, même pas spécialement moqueurs envers la production nationale actuelle. Dee J: « Même s’il y a de très bonnes choses, il manque à la scène belge actuelle un ampli qui va sur 11 (rires). Cette scène actuelle est aussi mise beaucoup trop vite sur un piédestal, il y a beaucoup trop d’exposition. Dès qu’un petit groupe pisse un peu de travers, il a directement droit à 2 pages dans un magazine alors que bien souvent, il n’est même pas foutu de jouer à Lille. »

La Muerte attend toujours le nouveau La Muerte, la reprise du flambeau. Nous aussi. Par contre, eux, il ne faut définitivement plus compter dessus. Marc: « Toute reformation est impossible. C’est absurde, une reformation dans le rock. Le rock, c’est l’instant, l’urgence, le présent. Après cela ne veut plus rien dire. Dieu sait qu’on nous l’a pourtant proposé. En fait, ça colle avec le groupe de dire non. » La suite sur le podcast. Ou ils disent bien souvent oui. Et avec le sourire encore bien. De grands bruyants vilains et méchants qui étaient et restent en fait surtout de sacrés passeurs de cultures underground.

BX-Hell Underground (6) 1983-1994: La Muerte by Focus Vif on Mixcloud

Bonus: les archives photo de La Muerte

Un grand merci à Koen Van Dijck, Karel Feys et FM Brussel.

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